Quelques jours ont passé depuis cette terrible nouvelle. Peut-être est-ce une semaine, ou davantage, je ne sais plus. Le temps a perdu tout sens, et je flotte dans un océan d'ombres où les jours et les nuits se confondent. Le monde qui m'entoure semble distant, flou, irréel. Depuis que je me suis effondrée dans le château du Comte, je suis enfermée dans une brume épaisse faite de chagrin, incapable de trouver une issue.
Je me réveille chaque matin avec le poids de l'absence d'Andrea oppressant ma poitrine. C'est comme si une partie de moi avait été arrachée avec lui, comme si une lumière avait été éteinte à jamais. Je n'arrive pas à accepter qu'il ne reviendra plus. J'entends encore sa voix dans mes rêves, je sens encore son regard sur moi, mais à chaque réveil, la réalité me frappe avec la même violence.
Le Comte m'a fait soigner après mon malaise. Mais il ne m'a pas reparlé depuis. Son château est devenu une prison où règnent le silence et la solitude. Ses serviteurs glissent comme des ombres autour de moi, sans un mot, sans un regard. Je me sens étrangère ici, sans Andrea, abandonnée à ma douleur.
Un matin, alors que je suis assise devant une fenêtre, contemplant le jardin sans réellement le voir, Haydée, entre silencieusement dans la pièce. Elle s'approche de moi sans un bruit et pose doucement une main sur mon épaule. Son geste est empreint de compassion, mais aussi de cette douleur qu'elle semble toujours porter en elle.
— Je sais ce que c'est, murmure-t-elle.
Ses mots me prennent de court. Je me tourne vers elle, surprise. Haydée me regarde avec ses grands yeux sombres, pleins de tristesse et de compréhension.
— Perdre quelqu'un que l'on aime, continue-t-elle, c'est une blessure qui ne guérit jamais complètement. On apprend juste à vivre avec... mais jamais à l'oublier.
Ses paroles sont comme un écho à ma propre souffrance. Je sens mes larmes monter, et pour la première fois depuis des jours, je les laisse couler. Je pleure pour Andrea, pour cette vie brisée, pour l'amour qui meurt avec lui. Haydée reste à mes côtés, en silence, partageant un deuil qui, d'une manière, semble aussi être le sien.
Le soir, dans le lit, seule. Je n'arrête pas de me dire que l'histoire que m'a racontée Monte-Cristo, me paraît si brutale, si inattendue... quelque chose en moi refuse d'y croire pleinement.
Peut-être est-ce mon esprit qui refuse d'accepter la fatalité.
—Les jours se fondent en une masse indistincte. Je ne sais plus si cela fait une semaine, un mois, ou peut-être plus. Le temps a perdu toute signification pour moi. Depuis la mort d'Andrea, je ne vis plus vraiment. Je respire, je marche, je parle, mais c'est comme si mon corps n'était plus qu'une enveloppe vide, privée de son âme.
Tout ce qui faisait battre mon cœur semble avoir disparu avec lui.Je passe mes journées à errer dans les couloirs silencieux du château du Comte de Monte-Cristo.
Chaque pièce, chaque recoin, chaque ombre semble vouloir me rappeler ce que j'ai perdu. Je revois Andrea partout. Dans un éclat de lumière sur une fenêtre, dans le bruissement lointain des arbres agités par le vent, dans chaque visage croisé, même les plus inconnus.
Mais à chaque fois que je tends la main pour l'atteindre, il disparaît, me laissant plus seule et déchirée qu'avant.Je ne parle presque plus. Les mots semblent futiles. À quoi bon les utiliser quand le seul à qui je veux m'adresser ne peut plus m'entendre? La vérité, c'est que je n'ai plus la force de rien. Même sortir de la chambre est devenu une épreuve. Je passe des heures, assise dans l'obscurité, à fixer un point invisible, incapable de bouger, incapable de penser à autre chose qu'à cette douleur qui me ronge de l'intérieur. Je sens les larmes, lourdes et silencieuses, glisser souvent sur mes joues sans même m'en rendre compte.
La vie m'apparaît comme une chose étrangère, qui continue sans moi. Les rires, les conversations, les espoirs des autres me paraissent dérisoires, comme si je me trouvais de l'autre côté d'un voile que je ne pourrais jamais traverser. Je les vois vivre, mais je n'en fais plus partie.
Chaque nuit, le sommeil me fuit, ou, quand il vient, il m'apporte des cauchemars. Je rêve d'Andrea. De sa chute. D'une colline sombre, humide, d'où il tombe encore et encore, hors de ma portée. Je crie son nom, je cours pour le rattraper, mais mes jambes refusent de bouger. Il disparaît, englouti par la terre froide, tandis que je me réveille, le souffle coupé, les draps trempés de sueur et d'angoisse. Je me retrouve seule dans le silence glacial de ma chambre, avec pour seule compagnie le battement sourd de mon propre cœur, lourd et douloureux dans ma poitrine.
Je sens que les autres me regardent avec inquiétude. Haydée vient parfois me parler, mais ses mots glissent sur moi comme la pluie sur une vitre. Elle a beau essayer de m'apporter un peu de réconfort, rien n'y fait. Albert, lui il est là le regard impuissant, je n'ai plus envie de le voir, je ne veux pas trahir Andrea. Le Comte lui-même m'observe de loin, impassible. Il sait que je souffre, mais il reste à l'écart, me laissant m'effondrer doucement, comme si c'était la seule chose à faire.
Il y a des jours où je ne mange presque plus. La nourriture n'a plus de goût, plus de sens. Tout ce qui faisait autrefois la texture de la vie m'a abandonnée. Je sens mon corps s'affaiblir, mais je m'en moque. Il m'arrive de rester dans le jardin, face au vent qui fouette mon visage, et de penser que ce serait plus simple de tout abandonner. Simplement fermer les yeux et ne plus se réveiller.
Mais quelque chose, une infime étincelle en moi, m'empêche d'en finir. Peut-être est-ce l'amour que je porte encore à Andrea, l'idée qu'il n'aurait pas voulu que je disparaisse ainsi, si facilement. Peut-être est-ce aussi ce doute qui me hante, cette impression que tout n'a pas été dit, que le Comte de Monte-Cristo ne m'a pas tout révélé. Il y a quelque chose de terriblement étrange dans cette mort. Andrea, si vif, si sûr de lui, tomber d'une colline lors d'une chasse? Mon cœur refuse d'y croire, mais mon esprit est trop embrumé pour pouvoir chercher la vérité.
Je me sens piégée, enfermée dans une boucle infinie de douleur et d'incertitude. Il y a des moments où j'essaie de rassembler mes forces pour retourner voir le Comte, pour exiger des réponses, mais à chaque fois, quelque chose me retient. La peur, peut-être.
La peur de découvrir une vérité encore plus cruelle que ce que je vis déjà.Le monde tourne autour de moi, indifférent, tandis que je me noie doucement dans le gouffre de l'absence. Et je ne sais pas si je parviendrai un jour à en sortir.
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Amour vengeresse
RomansaAthéna, une jeune femme belle, intelligente et déterminée, rejoint l'équipe du Comte de Monte-Cristo avec un seul objectif : venger la mort de ses frères, assassinés par Fernand Mondego. Manipulatrice et rusée, elle est prête à tout pour accomplir...