Irina

Denali

Irina

Après plus de cinq heures passées dans ce train, à discuter de tout et de rien avec les trois inconnus que je venais tout juste de rencontrer. Klaus, Eliot et Sarah s'étaient installés à mes côtés, comme si cela avait été naturel, presque comme une évidence. Nous parlions sans filtre, laissant la conversation voguer au gré des sujets, mais il y avait toujours James, ce connard, qui s'infiltrait dans nos échanges à des moments bien choisis. Il semblait n'intervenir que lorsque quelques choses captait son intérêt, ou pire, dès qu'il voyait une occasion de m'attaquer subtilement. Je ne savais pas réellement pourquoi il agissait ainsi, sans doute pour se sentir supérieur. Malgré les interventions de James, j'avais appris beaucoup sur mes autres camarades, bien plus que je ne l'aurai imaginé en si peu de temps. C'était presque déroutant, moi qui avais l'habitude qu'on m'évite. Mais eux, ils étaient là, assis à mes côtés, et, d'une certaine façon, cela me faisait du bien.

La pluie commençait à s'intensifier, et je me tenais là, les yeux rivés à la fenêtre. À quelques mètres de moi, d'immenses murs surgissaient, majestueux et intimidants. Nous allions passer à travers un portail titanesque, une vue que je n'avais jamais connue. C'était sans doute l'entrée de la base, l'accès à la fameuse Zone 22. Nous y étions enfin.

-On est arrivé ! Regardez la base ! s'exclama Eliot, l'air de connaître les lieux.

À cet instant, l'ambiance devint soudainement plus sombre. L'énormité de la base me donnait des frissons et la pluie ne faisait qu'accentuer ce sentiment d'angoisse. Au loin, j'aperçus des militaires s'entraîner, visiblement à tirer. Dans quelques temps, ce serait nous. Rien que d'y penser me donnait l'envie de ne jamais descendre de ce train.

Nous étions tous collés aux fenêtres, fascinés par cette imposante structure. Certains étaient émerveillés, d'autres comme moi, éprouvaient une inquiétude palpable. Mon regard se tourna vers une vaste forêt qui semblait s'étendre à perte de vue. Peut-être y cachait-elle des monstres. Cette pensée me glissa un frisson le long de l'échine. Pourtant, une chose était sûre: rien ne pourrait passer ces murs colossaux que nous venions de franchir.

-Vous voyez la forêt ? demanda Klaus en la désignant du doigt. Son regard était fixé sur l'immense étendue d'arbres sombres qui bordait la base militaire. C'est là que se cachent ce qu'ils appellent les rôdeurs.

Sarah, d'un coup pâle, leva les yeux vers la forêt et répliqua, sèchement:

-Arrête tes conneries, il n'y a rien dans cette forêt, c'est juste un lieu d'entraînement. Sa voix trahissait une tension qu'elle essayait de dissimuler.

Eliot un sourire narquois aux lèvres, se tourna vers elle:

-Tu n'as jamais entendu parler de cette forêt près de la base ? Son ton laissait entendre qu'il en savait plus qu'il ne voulait bien le dire.

Sarah secoua la tête, un peu trop vivement.

-Non je vous rappelle que je suis ici contre mon gré. Loin de moi l'idée de me faire encore plus peur avec vos histoires de rôdeurs.

Elle ne plaisantait plus. La panique montait en elle, visible dans le tremblement léger de ses jambes.

James éclata de rire derrière nous, visiblement ravis de sa réaction. Il semblait se nourrir de son anxiété, se délectant de la moindre de ses craintes. Personne ne prêta attention à son comportement désobligeant.

-Qu'est ce que vous voulez dire par des « rôdeurs » ? Mon ton se voulait détaché, mais je ne pouvais cacher la curiosité teintée d'angoisse qui me gagnait.

Ce mot, simple et énigmatique, s'était déjà emparé de mon esprit. À l'instant où il avait été prononcé, j'avais ressenti une vague de stress parcourir mon corps. Mes mains commencèrent à trembler légèrement. Ce n'était pas nouveau; depuis mes dix ans, dès que l'angoisse montait, ce tic revenait inévitablement. Un tremblement agaçant, incontrôlable, que je n'avais jamais pu maîtriser. Et là, en cet instant, je sentais qu'il s'intensifiait, alimenté par la tension qui régnait autour de nous.