Skyfall

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Irina

Je me tenais devant le quai, l'attente interminable me laissant à la merci de mes pensées. Le train, celui qui allait m'emmener vers l'endroit que je redoutais le plus, s'approchait. Pourtant, c'était moi qui avais pris la décision d'y aller. La pluie tombait sans répit, s'infiltrant dans mes vêtements et ruisselant sur mes longs cheveux d'un bruns clairs. Mes chaussures, autrefois d'un blanc immaculé, n'étaient plus que des masses informes et détrempées. Elles étaient neuves... quel gâchis.

Autour de moi, une foule silencieuse se pressait sous la pluie. Nous attendions tous le même train, tous là pour la même raison que moi: rejoindre ce service dont l'idée seule me serrait la gorge. Mais est-ce qu'il ressentaient cette même angoisse, cette pression grandissante qui m'oppressait à chaque seconde ? Je n'en savais rien. En vérité, je n'osais même pas les regarder. Le regard rivé au sol, je fixais mes chaussures, absurde échappatoire à cette tension sourde. C'est alors que je remarquai que mes lacets s'étaient défaits, un détail insignifiant dans cette tempête intérieure mais qui me ramena à un véritable souvenir. Mon père avait toujours ce réflexe, presque instinctif: dès qu'il voyait mes lacets défaits, il se baissait sans hésiter pour les refaire. C'était un geste banal, insignifiant pour la plupart des gens, mais pour moi, il représentait bien plus. Chaque petit détail, me rappelait à quel point son absence me pesait...

Je me penchai légèrement pour refaire mes lacets moi-même, quand un coup de vent me surprit. Le train arrivait enfin, dévorant les rails à une vitesse telle qu'on aurait cru qu'il allait ignorer notre arrêt. Une fois les lacets noués, je me redressai, un vague sentiment de fierté en moi. Le train s'immobilisa brusquement, ses portes s'ouvrant dans un claquement métallique, et aussitôt, la foule se rua à l'intérieur, chacun cherchant un abri contre cette pluie agaçante qui s'abattait sur nous depuis déjà une trentaine de minutes. Comme tous les autres, je me glissai dans le train et commençai à arpenter les couloirs, espérant trouver un coin tranquille où je pourrais m'isoler avec ma musique.

Après quelques pas, j'aperçus enfin ce que je cherchais: quatre places vides, rien que pour moi. Sans perdre une seconde je m'y installai, enfilai mon casque et lançai la première chanson de ma playlist. « Skyffal » d'Adele. Une de mes préférées. Pendant quelques minutes, cette chanson avait le pouvoir de me faire sentir unique, spéciale. Si seulement quelqu'un pouvait me faire ressentir cela aussi, ne serait-ce qu'un instant...

Perdue dans mes pensées, je fus soudainement interrompue par une voix féminine qui me tira de ma rêverie.

-Excuse-moi ? Je peux m'asseoir à côté de toi ? demanda t-elle d'un ton doux

Je soupirai intérieurement. L'envie de l'ignorer me traversa l'esprit, mais je savais que cela ne m'avancerait à rien d'autant plus qu'elle avait l'air gentille. Faire l'insociable n'allait certainement pas m'aider à m'intégrer. Même si la moitié d'entre nous ne survivra probablement pas à ce qui nous attend, je n'avais d'autres choix que de tisser des liens. J'espérais juste ne pas faire partie de ceux qui tomberaient.

Avec un sourire poli, je retirai mon casque et répondit:

-Oui, bien sûr, installe toi.

Elle prit place en face de moi, un léger sourire aux lèvres.

-Sarah et toi ? demanda t-elle en me scrutant.

-Irina.

-Enchantée, Irina. Tu écoutais quoi ? m'interrogea t-elle le regard fixait sur mon casque que je tenais fermement dans ma main.

-Je n'ai pas eu le temps de mettre de la musique, mentis-je, mal à l'aise. Je ne voulais pas qu'elle me juge pour mes goûts musicaux. J'étais certaine que ce n'était pas son style.

IrinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant