Irina

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Irina

Le bruit des gouttes de pluie, venant s'écraser délicatement contre la vitre de ma chambre, ajoutait à l'atmosphère déjà morose une mélancolie plus lourde encore. Mon regard, perdu  et absent, se posait sur ma valise, tandis que mes pensées tourmentées cherchaient à savoir s'il était vraiment sage de m'éloigner autant de ce qui avait toujours été mon foyer. Le désordre de mes vêtements, éparpillés autour de moi, n'était que le reflet visible du chaos intérieur qui m'habitait depuis de longues années déjà.

« Quelle était la raison de mon existence ? »

Cette question résonnait en moi chaque jour, obsédante, et me hantait jusque dans mes nuits les plus sombres. Elle s'infiltrait dans mes pensées, troublant chaque instant de répit, certainement à cause d'eux...

« Tu ne sers à rien »

« Personne ne voudra jamais de toi »

« Tu devrais rejoindre ton père »

Ils avaient raison. Peu à peu cette certitude s'était insinuée en moi, s'enroulant autour de mes pensées, jusqu'à ce que je n'aie plus d'autres choix que de m'y abandonner complètement.

-Tu as fini ta valise, ma chérie ? interrogea une douce voix qui me ramena brutalement à la réalité.

Je m'immobilisai, figée dans mes pensées.

-Oui, je crois... murmurai-je d'une voix tremblante, incapable de me tourner vers celle qui venait de me poser une question, ma mère.

Je sentais mes larmes monter, menaçant de trahir ma faiblesse. Mais je ne devais rien laisser paraître. C'était la règle, celle que papa m'avait toujours enseignée. Ne jamais montrer ses faiblesses.

-Descends quand tu as fini, je t'ai préparé ton repas, me dit-elle avec tendresse avant de s'éloigner.

-J'arrive, répondis-je, la voix étouffée par le poids de ce moment, tandis qu'elle descendait lentement l'escalier.

Ses pas lourds faisaient grincer les marches usées, un bruit sourd qui résonnait dans toute la maison.

Je m'apprêtais sans doute à commettre la plus grosse erreur de ma vie. Partir loin de chez moi, m'aventurer dans un monde ou la faiblesse n'avait pas sa place, c'était insensé. Mais je n'avais pas le choix. Je devais le faire, pour rendre mon père fier. Lui, cet homme que j'avais toujours admiré en silence, et qui serait certainement déçu s'il voyait la femme que j'étais devenue. À 22 ans, je n'étais plus que l'ombre de ce qu'il avait espéré. J'avais raté mes études, je n'avais ni amis, ni petit ami, rien. Mes journées se résumaient à regarder en boucle les films de Tarantino, pendant que les autres, ceux de mon âge, travaillaient, faisaient la fête, baisé à droite et à gauche... Et moi, j'étais la, spectatrice de ma propre vie.

Mais il était temps. Il fallait que je parte. Mon train partait dans moins d'une heure, et les au revoir de ma mère étaient toujours interminables, remplis d'émotions, comme un dernier souffle avant la tempête.

Je descendis à mon tour l'escalier, chaque marche grinçant sous mes pas. Cette maison, elle avait vu passer des siècles. Tout y était à refaire, mais ma mère, elle préférait ignorer les signes. Un jour, le toit finirait par s'effondrer, et peut-être alors accepterait-elle enfin de voir la réalité en face.

-Dépêche-toi, ma chérie, tu vas être en retard, me lança ma mère, visiblement inquiète.

Ce surnom, « ma chérie », qu'elle me donnait depuis mon plus jeune âge, me déchirait le coeur à chaque fois qu'elle le prononçait, me rappelant les instants ou papa était encore présent physiquement à nos côtés.

-C'est ton repas, mais mange-le seulement une fois dans le train, ajouta-t-elle d'un ton moqueur, tout en me tendant le sac en papier

-Merci maman, répondis-je en prenant le repas qu'elle m'offrait

Elle me prit alors dans ses bras. Je pouvais sentir à quelle point elle me serrait, comme si c'était la dernière fois que nous allions nous voir. Et peut-être que c'était le cas... J'étais sur le point de partir pour un endroit dangereux, ou la mort rodait à chaque coin de rue. J'allais intégrer le service militaire chargé de la Zone 22.

Cette zone, située à l'est des Etats-Unis, était le théâtre d'événements étranges depuis des années. Tout avait commencé il y a quarante ans, lorsqu'une expérience scientifique avait mal tournée. Une épidémie s'était déclarée, rendant les gens fous et dangereux pour l'humanité. Ce désastre avait été classé top secret et la zone avait été renommée Zone 22. Une base militaire y avait été installée pour étudier et combattre les phénomènes inexplicables qui s'y produisaient, tout cela dans le but de nous protéger. Et moi, je m'y aventurais, sans vraiment savoir ce qui m'attendait la-bas. Une chose était certaine, cet endroit n'était pas fait pour les âmes faibles.

-Je t'aime, maman..., murmurais-je faiblement, ma voix tremblante se perdant dans le creux de son oreille.

En réponse, ses bras m'enlacèrent plus fort, et je sentis son souffle chaud effleurer la peau de mon cou. Une chaleur réconfortante, un dernier moment suspendu.

-Je t'aime si fort aussi, ma chérie. Fais attention à toi..., murmura-t-elle d'une voix douce mais teintée d'inquiétude.

Ses bras finirent par se détacher lentement de moi. Je pouvais sentir le vide qui s'installait, tandis que je luttais pour retenir mes larmes. Elles menaçaient de déborder, mais il fallait que je sois forte.

Le moment était venu. L'heure de quitter la maison.

 L'heure de quitter la maison

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