Chapitre 14 : Flashback 2020

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Flash-back du 25 novembre 2020 (j'avais 15 ans)

- Viens, on sort avec Julio, Nina, me dit Aysun avec son habituel ton enjoué.

Aysun, c'était ma meilleure amie d'enfance, celle en qui j'avais une confiance aveugle. On partageait tout, les rires, les secrets, les petites rébellions. Pourtant, ce jour-là, quelque chose en moi hésitait.

- J'ai pas envie, Aysun. Julio est bizarre... il parle toujours de trucs étranges, ça me met mal à l'aise. 

Elle me regarda avec ce regard qu'elle savait si bien faire, un mélange d'impatience et de persuasion.

-Mais non, t'inquiète, ça va être cool. Allez, viens.

Je soupirai, tentant de faire taire cette petite voix au fond de moi qui me disait de rester à la maison.

- Bon, d'accord. 

Je me préparai rapidement et sortis pour les rejoindre. Le village était désert, comme toujours. Ce silence et cette solitude nous donnaient souvent l'impression d'être seuls au monde, comme si rien ne pouvait nous atteindre dans cette bulle isolée. Aysun et Julio m'attendaient au coin de la rue, souriants, et malgré mes appréhensions, l'après-midi se déroulait bien. On riait, on discutait, comme n'importe quel autre jour.

Mais soudain, Julio brisa cette légèreté.

- Venez, on va chez moi, il commence à pleuvoir. Au moins, on sera au chaud, à l'abri, dit-il, son regard brillant d'une lueur que je ne compris pas tout de suite.

-  Non, c'est bon... On peut juste se mettre sous un abri, au pire, proposai-je, un peu mal à l'aise, essayant de repousser l'idée.

Aysun, toujours encline à ne pas contrarier Julio, insista. -
- Allez, Nina, sa maison est à vingt mètres. On va pas rester dehors à se geler.

Je sentais une gêne grandir en moi, mais avant que je puisse refuser à nouveau, Julio s'approcha, un sourire narquois étirant ses lèvres.

- Allez, Nina, arrête de faire ta coincée. Tu verras, c'est rien. 

Je n'avais aucune idée, à ce moment-là, de la tournure que prendrait cette journée. J'étais trop jeune, trop confiante...

Mais je fais confiance à Aysun. Après tout, c'était sa meilleure amie... Comment pourrais-je me méfier avec elle à mes côtés ?

Nous arrivons chez Julio, et l'ambiance est détendue. On rigole comme de vieux amis, sans se soucier du reste. Julio nous sert à manger et à boire, jouant l'hôte parfait. Rien, dans ces premiers moments, ne laissait présager ce qui allait suivre.

C'est alors que je le vois se lever, un peu brusquement, pour éteindre les lumières, baisser les volets et, dans un geste discret, tourner la clé dans la serrure de la porte. Un bruit sec, qui résonne étrangement dans le silence qui s'installe.

- Je ferme à clé pour que mon petit frère n'entre pas. Et puis, on sera plus tranquilles, volets fermés, dit-il avec un sourire qui se voulait rassurant, comme pour se justifier.

Je hausse les épaules, ne prêtant pas vraiment attention à ce détail. Après tout, Aysun est là, tout va bien. Qu'est-ce qui pourrait bien m'arriver ? C'est un ami, et je suis en sécurité avec elle. Rien de tout cela n'a d'importance, ou du moins, c'est ce que je me dis à ce moment-là.

Julio revient vers nous, son sourire légèrement figé, son regard devenu plus perçant.

- Bon, on va aller à l'essentiel... Vous êtes deux filles, et moi, je suis un gars.

Cette phrase résonne en moi comme un coup de tonnerre. Je le fixe, incrédule. « Non, il n'est pas sérieux, » me dis-je immédiatement. C'est impossible. Julio fait souvent des blagues de ce genre, lourdes, maladroites, mais jamais je n'ai pensé qu'il irait plus loin. C'était inimaginable. Il ne ferait jamais quelque chose de bizarre, pas avec moi. Pas avec « la coincée », comme il aime si souvent me taquiner.

Je veux croire que ce n'est qu'une de ses blagues douteuses. Je me répète que je suis en sécurité, que rien ne peut arriver... Mais une part de moi, infime, commence à douter.

— Vous voulez pas me tripoter, les filles ? lâche Julio d'un ton étrangement sérieux, son regard glissant de moi à Aysun.

Je sens mon cœur se serrer dans ma poitrine, une vague de panique m'envahit. Ce n'est pas possible, je dois rêver. Mais Aysun, qui jusqu'ici m'était toujours apparue comme mon alliée, éclate de rire et ajoute avec un sourire en coin :

— Allez, Nina, ça pourrait être marrant.

Non. Ce n'est pas réel. Je reste figée, incapable de répondre immédiatement, choquée par ses mots.

— Vous racontez quoi, là ? Non, jamais ! m'entendis-je enfin dire, ma voix tremblante, mais ferme.

Julio pousse un soupir exagéré, levant les yeux au ciel.

— Toujours coincée, Nina. Tu pourrais pas te décoincer deux minutes ? C'est rien, arrête de dramatiser.

Et sans prévenir, il baisse son pantalon en un éclair, laissant tomber aussi son caleçon. Je reste pétrifiée, mon corps refusant de bouger. Je sens la peur me glacer de l'intérieur.

Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas et je ne veux pas. Pourtant, les mots refusent de franchir mes lèvres. Mon corps est paralysé par la peur. Mes gestes hésitants trahissent mon malaise, mais la peur de m'affirmer clairement me paralyse.

Aysun, sans sourciller, pose sa main sur son sexe. Je détourne les yeux, mon cœur battant à tout rompre. Elle fait des mouvements lents, de haut en bas, comme si c'était normal.

— Allez, Nina, mets-toi aussi. Arrête de faire ta coincée, punaise ! s'exclame Julio, cette fois plus fort, presque en criant.

Je ne bouge pas. La peur a pris le contrôle de tout mon être. Je suis figée, incapable de réagir. Julio s'impatiente.

En un geste brusque de ça part il me fait subir le traumatisme de ma vie. À seulement 15 ans...

En un geste brusque, il attrape ma main de force et la place sur celle d'Aysun. Le contact me glace. Je l'enlève immédiatement, mais il me la reprend avec une force plus grande cette fois. C'est irréel. Mes pensées se bousculent, mais je suis trop terrifiée pour riposter. Il continue de serrer ma mains de plus en plus fort, je n'arrive pas à riposter. Il me la broie presque jusqu'à même laisser une trace avec un gros hématome sur mon poignet. J'essaye tant bien que mal de me libérer et enfin il me laisse tranquille et se tourne alors vers Aysun, l'embrasse.
Je reste là, assise, crispée, le cœur battant à tout rompre. Mon esprit hurle de sortir de là, de fuir cette pièce, mais je ne sais même pas où il a mis la clé. Je me sens piégée, désemparée, comme une proie acculée.

Julio, apparemment satisfait, n'exige rien de plus. Aysun, enfin, semble lire sur mon visage ce que je ressens vraiment. Elle finit par lui dire que ça suffit. Il grogne, mais finit par accepter.

— Bon... Nina, va me chercher du sopalin, dit-il, sans même un regard pour moi.

Je ne comprends pas pourquoi, mais j'obéis mécaniquement, me levant sans réfléchir pour échapper à l'ambiance oppressante. Je me rends dans la salle de bain, mes jambes tremblant sous mon poids. Là, loin de leurs regards, je m'effondre. Les larmes coulent avant même que je puisse les retenir. Mon corps est secoué de sanglots silencieux. « Je viens de vivre quelque chose que je ne voulais pas... Il a pris ma main de force... » Ces pensées tournent en boucle dans ma tête, chaque mot me coupant le souffle.

— NINA ! ALLEZ, REVIENS ! crie Julio depuis la pièce voisine.

Sa voix me transperce. Elle me terrifie.

Tremblante, je prends le sopalin et retourne dans le salon, encore sous le choc. Je lui tends le rouleau, évitant son regard. C'est alors que je trouve enfin la force de parler, ma voix faible mais déterminée.

— Je dois y aller, mon père m'appelle...

Julio me regarde un instant, puis finit par me rendre la clé, non sans un sourire narquois. Je la prends précipitamment et sors de chez lui, courant presque, mes larmes brouillant ma vue. Une fois dehors, mes jambes cèdent sous moi et je m'effondre sur le sol, le cœur lourd.  Je regarde mon poignet avec un regard de dégoût me rendant compte ce qu'il s'est passer. Il a laisser une trace de son péché ineffaçable sur mon bras d'enfant comme il a laisser une trace de son péché sur mon cœur d'adulte.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 01, 2024 ⏰

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