Chapitre 17: Sentiments

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Côme



L'air frais de la nuit me fouette le visage, offrant un répit bienvenu après le chaos de la soirée. J'ai réussi à m'échapper de la salle de réception, à échapper à Constance et à ses manières trop insistantes. Elle n'a jamais su quand s'arrêter. La terrasse est un havre de paix, loin des rires et des conversations que j'ai dû endurer. Ici, seul le bruissement des feuilles et la lumière tamisée des torches m'accompagnent.

Je m'appuie sur la balustrade, laissant mon regard se perdre dans les jardins du palais. Ils sont magnifiques, éclairés par une douce lueur qui danse sur les feuillages et les fontaines. Tout semble si calme, en contraste total avec ce que je ressens à l'intérieur. Depuis qu'Alana est arrivée, je me sens comme... comprimé. Enchaîné par mes obligations, par les attentes, par ce qu'on attend de moi depuis toujours.

Et depuis l'autre jour, elle était là. Différente. Plus belle encore que je ne l'avais jamais vue. Le genre de beauté qui vous frappe sans prévenir, qui vous force à la remarquer. Pas parce qu'elle ressemble à sa mère, non. Mais parce qu'elle est elle. Alana. Et je l'ai vue.

Je prends une grande inspiration, mais ça ne m'apaise pas. Depuis mon arrivée sur Terre, je l'ai toujours vue à travers le prisme de ce que je devais accomplir. Mon objectif. Ma vengeance, silencieuse et brûlante. Mais là, sur cette terrasse, je me rends compte que c'est de plus en plus difficile de la voir uniquement comme une menace ou une obligation. Elle n'est pas sa mère.

Mon échec à retrouver Hector me ronge, encore et toujours. Il était la clé de tout ce chaos. Et pourtant, il m'a échappé. C'est comme si tout ce que je touchais s'effondrait sous mes doigts. Chaque mission, chaque but, chaque plan semble me glisser des mains, et je me demande combien de temps encore je pourrai maintenir cette façade.

Et puis il y a les épreuves. Je sais qu'Alana n'est pas prête. Comment pourrait-elle l'être ? Ces épreuves sont une lutte pour la survie, un test que j'ai moi-même passé après des années d'entraînement intensif, dès mon plus jeune âge. Elle, elle n'a eu que quelques mois pour se préparer. L'envoyer là-bas, c'est presque signer son arrêt de mort. Et pourtant, elle ne peut pas y échapper.

Je serre les poings. Elle est plus forte que je ne l'avais imaginé, c'est certain. Mais pas assez. Pas encore. Et je ne sais pas si elle le sera un jour si elle ne débloque pas son pouvoir.

Je ferme les yeux un instant, laissant la brise calmer le tumulte de mes pensées. Cette pression, cette constante bataille intérieure... je n'en peux plus. Tout ce que je veux, c'est un moment de paix, un moment où je n'aurai pas à jouer le rôle du prince parfait, celui que tout le monde attend que je sois. Et, d'une certaine manière, je pense qu'Alana ressent la même chose. Elle aussi, elle porte un fardeau qu'elle n'a jamais demandé.

Je soupire et rouvre les yeux. La lune est haute dans le ciel, froide et distante. Tout comme je l'ai été avec elle. Peut-être que je dois revoir certaines choses. Peut-être que je dois commencer à la voir pour ce qu'elle est, et non pour ce qu'elle représente.

Mais ce n'est pas aussi simple. Rien ne l'est, ici.

À ce moment-là, j'entends une fenêtre s'ouvrir doucement sur la terrasse voisine. Mon regard se tourne instinctivement dans cette direction. Une silhouette apparaît, baignée par la lumière pâle de la lune. Alana. Elle s'avance lentement, comme si elle cherchait à se libérer de quelque chose, tout comme moi. Elle ferme les yeux un instant et plonge son visage dans la brise nocturne, inspirant profondément l'air frais, les épaules légèrement détendues.

Je la contemple, figé. À la lumière argentée de la lune, elle semble presque irréelle, comme une créature née de cette nuit étoilée. Sa robe dorée, qui scintillait tant dans la salle du banquet, capte encore des éclats sous la lueur du ciel. Le contraste entre la femme imposante que j'avais vue tout à l'heure et cette jeune femme cherchant visiblement un moment de paix m'ébranle.

Je reste là, à l'observer. Je ne bouge pas, ne dis rien. Je ne veux pas troubler cet instant.

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