Côme
Je me souviens de ces journées interminables à parcourir les vastes jardins du palais royal, l'air parfumé des fleurs de feu. J'étais alors un petit garçon plein de boue et d'égratignures, toujours pieds nus, peu importe les épines ou les pierres brûlantes. J'étais aussi obligé de suivre mes cours, mais être le petit cancre ne me gênait pas.
Hector et moi, nous étions inséparables. Frères d'armes dans nos jeux, rois de notre propre imaginaire. Nous courions à travers les haies, nos rires résonnant dans le palais.
— Côme, rattrape-moi si tu peux ! hurlait Hector.
Je le suivais, mes poumons brûlant, mais mon esprit restait libre. À cette époque, la magie était encore un mystère fascinant pour nous deux. Je me rappelle la première fois où j'ai réussi à créer une étincelle. C'était un jour d'orage, les nuages tremblaient comme une mer agitée au-dessus de nous.
— Regarde, Hector ! avais-je crié, mes doigts tendus vers le ciel, alors qu'une minuscule flamme dansait au bout de mes ongles.
Hector, avec ses yeux écarquillés, avait applaudi, sa voix se mêlant au grondement du tonnerre.
— Côme, tu seras le plus grand des maîtres du feu ! s'était-il exclamé.
J'avais ri, le cœur gonflé de fierté et d'une promesse silencieuse : ne jamais laisser tomber mon ami. Nous étions les princes de ce monde, et le palais, notre terrain de jeu. Les serviteurs nous observaient avec amusement, car chaque jour apportait son lot de frasques et de catastrophes. Mais derrière le masque de ces jeux d'enfants se cachaient les leçons de vie que nous apprenions : le courage, la loyauté et l'importance de l'amitié.
Cependant, les journées insouciantes s'effacent comme les rêves au petit matin. Je devais remplir mon rôle de prince : assister aux conseils, en apprendre davantage sur les autres mondes. Hector, de son côté, était devenu un guerrier. Il partait et revenait de ses missions en me contant ses récits les plus fabuleux sur les créatures et les mondes.
Un jour, alors que j'avais fini mon cours de langues, je décidais d'aller rendre visite à ma mère. Comme d'habitude, je prenais le chemin le plus rapide. Montant sur les toits du château et escaladant les loses, je me retrouvais rapidement dans le salon. J'entendis sa douce voix chantonner, comme elle le faisait à travers sa chambre. Mais je n'étais pas seul. Des bruits se firent entendre près de la terrasse. J'ouvris doucement la porte. Elle était en train d'écrire. Les rideaux de la terrasse, flottant dans le vent, ne désignaient personne à l'horizon.
— Côme, entre, mon chéri. Arrête de m'épier.
J'eus un petit moment de surprise : rien ne lui échappait, elle avait dû m'entendre escalader.
— Désolé, je ne voulais pas te déranger, dis-je en rajustant mes habits plus convenablement.
Elle se tourna vers moi et laissa sa plume dans l'encrier.
— Alors, ce cours de langue ? Tu vas pouvoir parler aux créatures de la planète Skorus maintenant !
— Oui, mais il me reste encore plein de sons et de syllabes à apprendre, répondis-je, levant les yeux, timide.
Je voulais être parfait et qu'elle soit fière de moi. J'allais lui raconter ma matinée, mais un serviteur frappa à la porte.
— Entrez, dit-elle en souriant.
— Ma Dame, voici votre collation.
Il posa le plateau près de ses feuilles et s'en alla en baissant la tête. Elle prit le gâteau et le trempa dans son thé avant de le manger.
— Ha ! Enfin une petite pause. Tu en veux ? demanda-t-elle, la bouche pleine, en me proposant une tasse.
— Non merci, je dois aller à mon cours d'algèbre. Mais on se voit pour le repas. Je dois te raconter comment j'ai mis le général à terre !
Elle eut un petit rictus avant de boire à sa tasse.
— Alors à tout à l'heure, mon fils. Je t'aime.
Elle m'envoya un baiser avec sa main. Mais ses yeux, qui étaient étincelants, s'écarquillèrent. Une toux sèche s'échappa de sa gorge. La tasse trembla dans sa main, éclaboussant du liquide chaud sur ses écrits.
Je la rejoignis brusquement, la panique brouillant mes pensées.
— Maman ! m'exclamai-je, la voix tremblante de peur.
Elle tenta de sourire, de me rassurer, mais une autre quinte, plus violente, la secoua. Ses doigts relâchèrent la tasse, qui se fracassa contre le sol dans un éclat de porcelaine brisée. Le thé se répandit comme une petite flaque. Elle poussa ses derniers soupirs dans mes bras.
Mon père avait organisé des funérailles aussi nobles que notre famille, et le tueur, un homme du pays de l'eau, avait été brûlé vif dans la forêt comme un moins que rien.
Ces souvenirs, doux et douloureux, sont tout ce que j'ai gardé de ces jours. Ils sont les pierres sur lesquelles je me construis encore aujourd'hui, même quand la tâche semble insurmontable.
Des bruits depuis la fenêtre de la bibliothèque me sortent de mes pensées, je surveille Clovis et Alana qui s'affrontent dans un jacassement d'épée. L'entraînement de Clovis avec elle est devenue quotidien. Il prend son rôle au sérieux, contrairement à moi qui ait pris mes distances. L'incident de la semaine dernière, où Alana a failli perdre le contrôle, m'a convaincu qu'elle n'était pas du tout prête. Et je n'arrête pas de penser a la vision de Abrina et de ses mots.
Levy, avant de repasser le portail, m'a confié les dernières nouvelles : les royaumes sont tendus. Le seul arrangement qui semble possible est que Alana soit parée pour la sélection des guerriers, sinon tout ce que nous connaissons s'effondrera. Ils n'ont pas d'avancées sur l'attaque du skor, il ne parviennent pas a communiquer avec les autres mondes. Mais est-ce que Alana peut être une combattante et une reine ? Ou est-ce juste un espoir futile ? En le raccompagnant, j'ai surtout pensé à Hector, mon meilleur ami, dont je suis sans indices depuis qu'il a été envoyé en mission.
Retrouvant Clovis et Séraphine dans le vieux salon, loin des oreilles indiscrètes, je partage ce que Levy ma confié .
— La situation est plus tendue que jamais, dis-je, dissimulant mon agitation personnelle derrière une façade de calme.
—Les royaumes pourraient se fragmenter si Alana n'est pas prête pour les jeux et qu'elle prouve qu'elle n'est pas comme sa mère. Elle ne peux pas apprendre ce que nous avons appris depuis la naissance !
Séraphine, toujours aussi perspicace, hoche la tête, préoccupée.
—Alana doit et va être prête. Mais elle ne doit pas connaître toute l'étendue du problème, pas encore. Ça pourrait la dissuader d'accepter son rôle.
Clovis, qui n'a jamais été dupé par mes sentiments mitigés envers Alana, me lance un regard soupçonneux.
— Et toi, Côme, comment te sens-tu vraiment à propos de son ascension ? Peux-tu mettre de côté tes sentiments pour le bien de tous ?
Je détourne le regard, une pointe de culpabilité me traversant.
— Je ferai ce qui doit être fait pour notre monde.
Nous planifions en silence, chacun conscient des enjeux. Le départ vers la planète Sounds est dans trois semaines il faut qu'elle soit prête au moins pour la première épreuve.
Quand je quitte la pièce, je lance un dernier regard vers le jardin où Alana fait bouger son pouvoir de l'eau en souriant. Elle a l'aire innocente, et ne voit rien de ce qui ce passe. Mais comment pourrais-je lui en vouloir elle ne sait même pas qui elle est. De plus elle est contraint à être enfermé et s'entraîner d'arrache pied. Je suis perdu entre ce que je vois et ce que je sais sure ça famille.
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Quel secret se cache derrière la mort de la mère de Côme ? Découvrez-le dans les prochains chapitres, où le passé et le présent s'entrelacent.

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Entre les mondes
FantasiAlana pensait mener une vie ordinaire, loin des intrigues et des dangers. Mais tout bascule lorsqu'elle découvre qu'elle est l'héritière d'une lignée royale oubliée... et qu'elle est promise à un prince qu'elle déteste autant qu'il la fascine. Propu...