Chapitre 15

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Felix

J'ai survécu à non pas une, mais deux nuits à proximité de Minho, et je n'ai de mérite pour aucune des deux.

La première nuit, Sangchan m'a réveillé parce qu'il a de nouveau mouillé son duvet. Enfin, il a pensé me réveiller parce que je n'avais pas encore réussi à fermer l'œil. Déjà parce qu'il faisait un froid insupportable et que mes pulls étaient inaccessibles. Ensuite, de savoir Minho là. Si proche. De le sentir remuer. De l'entendre respirer.

J'ai voulu surfer sur le net pour me changer les idées, sauf que la batterie de mon téléphone a commencé à se décharger à une vitesse ahurissante. Sans compter que mes datas doivent tenir un mois entier !

Et puis Minho a bougé. Il s'est collé à moi dans son sommeil, a jeté un de ses bras par-dessus mon ventre en m'appelant son petit « Soonie adoré ». Il a gratouillé. M'a demandé pourquoi je ne ronronnais pas. Honnêtement, si j'avais eu la capacité de ronronner, je l'aurais fait rien que pour lui faire plaisir !

L'avantage, c'est que je commençais à avoir chaud. Le désavantage, c'est que j'avais trop chaud. Et envie de lui prendre la main. De lier nos doigts. De me tourner vers lui et de caresser sa joue. Je déteste qu'il réveille en moi des envies contraires à ma morale.

Quand il a collé son nez contre ma joue en murmurant que j'étais vraiment son chaton préféré, j'ai cru perdre les pédales. Par bonheur, Sangchan est arrivé peu après et j'ai sauté sur l'occasion pour m'extirper de mon duvet (et de l'étreinte de Minho) tandis que mon « juste collègue » se redresser sans comprendre ce qu'il se passait.

Je ne suis pas retourné dans la tente après ça : j'ai installé le gamin dans l'infirmerie, mis ses affaires à laver et après avoir saisi une couverture (nous en avons une dizaine en surplus pour les enfants frileux), je me suis installé devant la porte, à l'extérieur pour éviter tout problème.

À ma grande surprise, Minho est venu me relayer sur le coup des 4 heures du matin. Enfin, au départ, il s'inquiétait surtout de ne pas me voir revenir, ce qui a provoqué un sacré remue-ménage dans mon cœur et mon ventre. Quand je lui ai expliqué pourquoi j'étais là, il m'a envoyé me coucher en promettant de veiller à ma place. Il s'est cru obligé de justifier son geste d'un adorable « J'ai besoin d'un collègue au top pour la randonnée sinon je vais pas par mégarde perdre la moitié des jaunes. »

Ce que j'en dis, c'est que ma théorie d'une attirance plus qu'amicale n'est pas si tirée par les cheveux que ça, et son comportement pendant la randonnée aurait plutôt tendance à me donner raison.

Il a été non seulement génial avec les enfants, pédagogue, patient, souriant (et son sourire m'a foudroyé), mais aussi avec... moi.

Pendant la pause repas, sur une plage de la baie de Catacol, les enfants se sont mis à pailler en pointant leur index vers l'eau. Mon sang n'a fait qu'un tour quand j'ai vu un quokka en train de se noyer. Ni une ni deux, j'ai retiré mon T-shirt, mes chaussures de marche et mon short et j'ai commencé à courir vers l'eau. Minho a bien sûr demandé en criant ce que je faisais. J'ai bien sûr répondu que j'allais sauver le malheureux quokka. Ce à quoi il a rétorqué que ce n'était absolument pas un quokka, mais une loutre ; le seul quokka sur l'île d'Arran était Jisung et il valait encore mieux le laisser se noyer.

Je pensais qu'il allait se moquer de moi pour avoir confondu ces deux animaux. Il n'en a rien fait. Il a ramassé mes habits, m'a rejoint avec tous les enfants et m'a demandé d'une voix timide si je voulais en savoir un peu plus. J'ai hoché la tête. Les enfants ont crié. Et Minho nous a raconté absolument tout ce qu'il savait sur les loutres.

Le bougon, l'acariâtre Minho s'est transformé en adorable zoologiste. Des étoiles dans les yeux, les joues légèrement roses (mais pas les oreilles), il était tout simplement à croquer. S'il me fallait encore quelque chose pour succomber, cet instant aurait eu raison de moi.

En fait, ça n'a pas été le seul instant qui a mis mon cœur sens dessus dessous : il y a eu ce chat, quand nous sommes passés à proximité de maisonnettes blanches en rang d'oignons. Minho nous a demandé à tous de nous immobiliser avant de s'accroupir, aussitôt imité par les enfants. Il a tiré de sa poche une friandise à la viande, puis a appelé le chat d'une voix si douce que j'ai bien failli venir à la place du félin.

Je me suis tout de même approché en douceur et suis resté accroupi à côté de lui, peinant à garder un œil sur les enfants tellement j'avais envie de le dévorer, lui, du regard.

Le bonheur l'a transcendé quand le minou est venu lécher sa paume, puis mordiller le stick. Et ses oreilles sont devenues délicieusement rouges quand j'ai malgré moi bafouillé un « Tu es tellement beau ». Et ma peau a fait de même quand les enfants ont piaillé d'enthousiasme avant de répéter à quel point j'avais raison et que Minho était beau quand il n'était pas grognon.

La vitesse à laquelle il nous a fait repartir m'a bien arrangé. J'ai regagné la queue du troupeau formé par les jaunes en me maudissant d'avoir parlé trop vite. La cadence imposée par Minho sur la fin de la marche nous a laissés éreintés.

Je ne vais pas m'en plaindre, c'est grâce à elle que j'ai survécu à ma deuxième nuit dans la tente. Je n'ai même pas tenu jusqu'à la réunion. Sitôt les enfants couchés, je me suis posé sur mon duvet pour un repos de quelques minutes et ne me suis réveillé qu'au petit matin. Minho dormait paisiblement à côté de moi, et un plaid bien chaud était posé sur nous.

Je repousse doucement la couverture et sors de la tente sans faire de bruit.

Mon esprit est embrouillé. Mon cœur bat la chamade.

Avec cette simple phrase... je me suis bien mis dans la panade, non ? Minho n'a pas pu l'oublier. Et s'il l'a pu, moi, je ne pourrais pas. Est-ce que ça m'a dévoilé ? Est-ce que ça peut passer comme un compliment neutre ?

Non, bien sûr que non, dans le cas contraire, il n'aurait pas fui de la sorte sur la fin de la ballade.

Mais au moins... il n'a pas déserté la tente. C'est bon signe... non ?

𝕊𝕙𝕚𝕟𝕖 for me (ℳ𝒾𝓃𝓁𝒾𝓍 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant