𝕊𝕙𝕚𝕟𝕖 for me (ℳ𝒾𝓃𝓁𝒾𝓍 )

Chapitre 14

Minho

Qu'est-ce qui sera le pire ?

Dormir en faisant face à Felix ou coller mon dos au sien ?

Figé devant notre tente dont je garde le pan d'ouverture soulevé en main depuis un moment, je m'interroge sans fin sur la question.

Face à Felix ? Avec le risque de sentir son souffle mourir sur la peau de mon visage ? Sur mes lèvres ?

Dos à lui ? Avec l'angoisse que mes fesses touchent les siennes pendant la nuit ? De partager la chaleur de son corps à chaque fois que l'un de nous bougera ?

Il n'y a aucune bonne solution à mon dilemme, en fait.

Face à lui, je respirerai son air, son odeur. J'imaginerai sa bouche, trop proche de la mienne.

Dos à lui, je tendrai l'oreille au moindre de ses gestes, nos sacs de couchage seront un rempart trop mince.

— Mince, vous avez vraiment hérité de la plus petite des tentes !

Je bats des paupières, tourne la tête vers Hyunjin qui passe près de moi. En pyjama large et claquettes aux pieds, sa trousse de toilette sous le bras, il revient des douches après ses ablutions du soir.

Il a dû y croiser Felix, puisque mon tente-mate est parti pour le même endroit juste après que j'en sois revenu. Felix a insisté pour que j'y aille en premier.

— La vôtre est plus grande ? m'étonné-je.

Hyunjin s'arrête près de moi, se penche pour observer l'intérieur de mon futur logis. La lampe torche de mon téléphone éclaire sa brève grimace alors qu'il se redresse.

— Oui... Changbin et moi, on aurait la place de coller nos bagages entre nous.

J'en conclus qu'ils ne le font pas. Sans surprise.

— On peut échanger nos tentes ?

J'ai peu d'espoir... mais ça se tente. Le « couple » pourrait apprécier une intimité plus... forcée.

— Ah non, rigole Hyunjin en me tapotant l'épaule. On aime avoir notre espace, ma femme et moi. Et de toute façon, Binnie est déjà couché. À demain !

Il s'éloigne d'un pas léger, je soupire, reporte mon regard sur la tente. Trop étroite pour deux adultes, clairement. Je regrette que nous ayons ce genre de modèles, archaïques en plus d'être longs et compliqués à monter... J'ai plus d'espace dans ma tente solo personnelle, celle que je prends quand je vais camper seul dans la forêt, près de chez mes parents, en été.

J'aurais préféré passer une autre nuit à l'infirmerie... au moins, tout contact physique entre Felix et moi était impossible. Et j'aurais pu négocier avec Changbin demain, pour échanger les tentes.

Je laisse échapper un nouveau soupir, plus lourd encore. La nuit tombe décidément vite en Écosse : l'obscurité s'épaissit de plus en plus et il n'y a pas de lune ou d'étoiles pour la percer. Le ciel s'est couvert en fin de journée, j'espère qu'il ne pleuvra pas pendant la nuit. La pensée me fait frissonner. Vu la taille et l'ancienneté de la tente, en cas de pluie, Felix et moi n'aurons pas d'autre choix que nous regrouper au milieu, l'un contre l'autre, pour éviter l'humidité des parois.

Je suis incapable de déterminer la nature du frisson qui me traverse à cette perspective. Peur ? Plaisir ?

Un mélange des deux. Le genre qui est dangereux et qui me pousse à être stupide. À me comporter stupidement.

Comme aller m'asseoir à côté de Felix pour la réunion, en dépit des nombreuses chaises vides autour de la table. Les excuses que ma tête a trouvées à ça sont ridicules...

La chaise près de Yeji est bancale

Changbin parle trop fort

M'installer près de Sullyoon m'aurait placé trop loin de Bangchan pour bien entendre ce qu'il a à dire

La seule vérité, c'est que je voulais être près de lui, l'ange au sourire de fée. Ma tente-mate interdite, qui n'a pas envie d'être mon ami.

Mon « juste collègue ».

Cette expression me reste en travers de la gorge alors qu'elle ne devrait pas. Après tout, c'est ce que j'espérais, non ? Mettre une distance entre Felix et moi. Éradiquer toute idée de flirt dans ma tête. Écraser mon stupide crush.

Ce serait plus facile si les autres accompagnateurs (Bangchan le premier) n'avaient pas balancé leurs plaisanteries de couple et autre meowracha.

Ma nuque chauffe, mes oreilles me cuisent.

C'était aussi gênant qu'excitant, de nous voir associés en « couple ». Stupide, aussi. J'ai transpiré si fort, pendant la réunion, je...

— Tu n'es pas couché ?

Je sursaute, pivote sur mes talons,et braque la lampe torche de mon téléphone sur le nouvel arrivant.

Pris dans le rai comme une biche dans les phares d'une voiture, Felix grimace, lève une main pour protéger ses yeux qu'il ferme. Je devrais baisser le bras, éloigner la lumière trop vive de son visage.

Mais j'en suis incapable.

Ses cheveux légèrement humides ondulent doucement et forment un halo autour de lui.

Il est beau à se damner.

Et si fluffy qu'il en est cute à mourir.

— Si. J'y vais.

Je bredouille à moitié, me ressaisis enfin, parviens à m'arracher à sa contemplation avant d'entrer à quatre pattes dans la tente.

J'aurais dû faire ça avant qu'il revienne... au moins ne m'aurait-il pas observé dans cette position grotesque. Il ne m'aurait pas vu me contorsionner comme un asticot pour entrer dans mon sac. Il...

— On va être serrés, énonce-t-il en s'accroupissant devant l'entrée. Elle n'est pas large.

Je lâche un « mmphf » neutre, gigote comme je peux pour me tourner sur le côté.

L'option « dos tourné » me semble salutaire. Salvatrice, même.

Car le simple fait d'entendre et sentir Felix entrer dans la tente et se cogner dans la paroi suffit à réveiller toutes mes terminaisons nerveuses. Je me sens épidermique.

Reste à espérer que je survive à la nuit...