Chapitre 7

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Felix

— Mais enfin, prends le chat pour piqueter, pas le savon !

Je me redresse dans un sursaut, perdu, et tâtonne pour trouver mon téléphone tandis que Minho se tourne sur son lit de camp.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ?

Il ne répond pas. Gesticule encore. Enfin, je mets la main sur mon téléphone et active l'application « lampe torche » d'une caresse du pouce : une lumière beaucoup trop forte nous éclabousse.

— Felix !

Épouvanté, j'enfouis mon smartphone dans mon duvet et me confonds en excuses. Si je peux éviter de me faire rabrouer à peine réveillé, je suis preneur !

— Felix, reprend Minho, je t'ai dit de le mettre dans la boîte aux lettres !

— Quoi ?

— Mais le chat, enfin !!

Confus, je tente de percer la pénombre afin de comprendre s'il se fiche de moi ou pas. Et puis, je comprends : Minho parle en dormant !

Sans bruit, la LED de mon téléphone cachée par ma paume, je repousse mon sac de couchage. M'extirpe du lit. Franchis la ridicule distance entre nous sur la pointe des pieds et me penche sur lui.

Sa respiration est régulière. Il ne bouge pas.

Avec prudence, je décale le téléphone dans ma main. Une lumière diffuse nimbe bientôt Minho.

Mon souffle s'affole. Mon cœur effectue des entrechats.

Il dort les mains fermées, le nez relevé, la bouche entrouverte. Des mèches rebelles chatouillent son front. Elles ont l'air si douces... elles me donnent envie de les toucher, de les caresser. Je ne le fais pas : je ne suis pas assez proche de Minho pour me permettre un geste si tendre avec lui, et encore moins dans son sommeil.

— Dori ! Ne mâchouille pas le lavabo, c'est bourré de sucre !

Il ouvre subitement les yeux et m'attrape par le col. Une coulée de sueur dévale dans mon dos tandis que mon estomac se contracte. Mes mains tremblent si fort que mon téléphone s'en échappe.

— Minho, je... je faisais rien !

— Dori... ne lui dis pas que je l'aime bien.

Et il retombe sur son lit en me lâchant.

La main sur le cœur, je recule de deux pas. L'arrière de mes genoux heurte mon lit de camp. Mes jambes flageolent. Il m'a fichu la peur de ma vie !

Il me faut plusieurs minutes pour m'en remettre, au terme desquelles je récupère mon smartphone avec la plus grande des prudences. Minho se tient tranquille. Plus de phrases étranges. Plus de gestes bizarres.

Je soupire en voyant l'heure : 5 heures du matin. Il me reste deux bonnes heures avant de devoir me lever pour m'occuper du réveil des enfants. Aujourd'hui devrait être une journée tranquille où ils apprendront à se connaître et à nous connaître. Nous ferons des petits jeux de présentation, de cohésion, puis ils auront un temps pour aménager les coins de leur groupe respectifs.

Oui, pour moi, la journée s'annonce plutôt calme. En revanche, excepté Changbin qui sera toujours avec moi, je ne garantis pas la survie des autres animateurs.

Un bâillement me pousse à me recoucher. Un frisson à resserrer mon duvet autour de moi. Je cherche un sommeil dont j'ai besoin, mais qui ne vient pas.

À cause de Minho.

Quelles qu'elles soient, mes pensées me ramènent à lui.

À chacun de ses mouvements, mon oreille se tend pour l'écouter. Quand j'essaie de penser à autre chose et que je révise la journée d'hier, l'image féérique de Minho au clair de lune s'imprime sur ma rétine. Quand j'essaie au contraire de me tourner vers les deux mois à venir, je me demande si nos plannings finiront par concorder et nous mettre en duo pour nous occuper d'un groupe.

De même pour les corvées ou les sorties.

J'imagine même Minho venir me trouver avec son air ennuyé parce qu'il s'est blessé et qu'il veut que je le soigne !

Le tumulte de mes pensées me mène à six heures. Une heure à le voir trotter dans ma tête comme une aiguille d'horloge. Une heure à l'entendre marmotter. À avoir une conscience plus qu'accrue de sa présence. Là. À quelques centimètres de moi.

J'ai besoin de détourner mon attention. Peut-être en mettant de la musique ?

Quelques secondes plus tard, je glisse mes airpods dans mes oreilles. Les notes ne tardent pas à m'emplir l'esprit, à m'apaiser. Mes paupières battent. Enfin, le sommeil m'accueille de nouveau... pour me mâchonner et me recracher presque aussitôt !

Je viens de voir Minho en idol de KPOP ! Magnifique dans sa tenue de scène, en train de fredonner la chanson qui m'endormait d'une voix envoûtante.

Raaah ! Pourquoi faut-il que mon esprit soit obnubilé par cet homme ?

Agacé, je repousse mon sac de couchage. Inutile de persister : je ne parviendrai pas à me rendormir. Autant me préparer pour la journée.

De ma valise, je tire ma trousse de toilette et une serviette de toilette avant de quitter la pièce sans un bruit.

Il fait déjà clair dehors. Par acquit de conscience, je vérifie qu'aucun enfant ne erre entre les tentes, puis je me glisse dans le bâtiment voisin. Quand Yeji a fait la visite guidée des lieux, nous étions déjà en train de monter les tentes avec Minho et si j'ai eu le temps d'aller aux toilettes, je n'ai pas eu l'occasion de vraiment chercher les douches.

Je sais qu'elles sont quelques parts par là, mais où exactement ? Aucune idée. Si Minho avait voulu se laver hier soir, je serais venu explorer avec lui. J'espérais même qu'il le ferait pour trouver du courage, moi aussi. Mais il était aussi fourbu que moi.

Je m'arrête devant un plan du bâtiment. De l'index, je cherche ma position : dans l'entrée du réfectoire. Pour trouver les douches, je dois emprunter le couloir de gauche, puis monter un escalier et enfin, aller tout droit. Parfait.

Mes pas résonnent dans le couloir désert. Ils claquent sur les escaliers carrelés. Ils chuintent sur le vinyle de l'étage. Ils clapotent sur le revêtement étanche des douches.

Un hoquet de surprise me secoue lorsque je découvre les lieux. Je m'attendais à des cabines privées, et je me retrouve devant une rangée de 5 douches sans aucune séparation !

J'hésite à me déshabiller. Le problème, ce ne sont pas les adultes ; en dehors de Minho et moi, tous les animateurs se sont douchés hier soir. Le souci, c'est que je refuse de me faire surprendre par un enfant ! Ce serait horrible pour le gamin comme pour moi. Des yeux, je cherche une cabine individuelle, mais j'ai beau fureter, je n'en trouve pas. Dépité, je ressors de la pièce, et avise au dernier moment un papier scotché à la porte. Si j'en crois l'écriture coréenne, il a été posé là par notre équipe d'animation.

« Les groupes bleus et jaunes ne viendront à la douche qu'en présence de leurs référents sur le créneau 16/18 heures.
Les créneaux 7 h 30/9 h et 18/23 heures sont réservés aux groupes vert et rouge.
L'accès aux douches est réservé aux animateurs de 23 heures à 7 heures 30. »

C'est parfait : il n'est que 6 h 30 !

Guilleret, je sautille jusqu'à un banc, y dépose mes habits et ma serviette avant de choisir un emplacement. Ma paume enfonce le bouton poussoir. De l'eau chaude m'éclabousse.

Haaa, c'est le bonheur ! Peut-être que je vais rester comme ça jusqu'à 7 heures.

𝕊𝕙𝕚𝕟𝕖 for me (ℳ𝒾𝓃𝓁𝒾𝓍 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant