𝕊𝕙𝕚𝕟𝕖 for me (ℳ𝒾𝓃𝓁𝒾𝓍 )

Chapitre 8

Minho

Une vibration me tire du sommeil. Avec un grognement, je tâtonne machinalement jusqu'à attraper mon téléphone, soulève péniblement une paupière et grommelle en ouvrant le sms reçu.

J'aime mes amis, surtout Soomin, mon amie d'enfance, ma compagne de jeux de toujours, ma sidekick dans les mauvais coups et mon plus indéfectible support. Mais je n'ai clairement pas l'énergie suffisante pour recevoir la sienne, d'énergie. Son message fait au moins vingt lignes, j'y vois des tas de points d'interrogation et une flopée d'exclamations aussi... Non, je ne suis pas en état de lire sa prose, encore moins d'y répondre.

Malgré tout, je combats mon envie de me renfoncer dans mon duvet et laisse mon œil filer en diagonale du message. C'est à Soomin que j'ai confié mes précieux chats, je veux juste m'assurer qu'elle ne m'annonce pas une catastrophe les concernant.

La vérification étant faite, le fond du message semblant essentiellement reposer sur la curiosité de mon amie quant à mes péripéties (et quelques remarques sur sa rencontre avec un de mes voisins), je ferme le téléphone et la paupière. Mon corps a besoin de plus de repos.

Pourtant, alors que je me retourne en grimaçant sur le lit, je sais déjà que je ne pourrai pas me rendormir. J'ai beau être perclus de courbatures, sentir mes muscles me tirer comme si la nuit n'avait duré qu'une dizaine de minutes, je me prépare mentalement à me lever.

Je suis un lève-tôt, depuis toujours. En temps normal, je serai déjà debout depuis un moment. Si j'avais pu me coucher à mon heure normale, hier... si je n'avais pas été aussi épuisé, j'aurais même pu aller admirer le lever du soleil sur la mer, près de notre campement.

Demain, me promets-je.

Avec un soupir, je frotte mes joues piquetées d'une barbe matinale que j'ai déjà hâte d'éliminer, puis m'assois lentement dans le lit, puis tourne un regard vers celui de Felix.

Vide.

Un lève-tôt, lui aussi ?

On pourrait aller ensemble regarder le lever du soleil...

L'idée est incongrue. Je facepalm mentalement, me détourne du lit de Felix et entreprend de m'extirper de mon sac de couchage. Avec du mal. Beaucoup de mal. Je suis ankylosé de partout, mes doigts sont tellement raides qu'ils me font mal.

Allez, Minho, courage.

Pipi. Douche. Manger.

Dans cet ordre.

Et ça devrait, ensuite, aller mieux. Je devrais être en mesure de supporter la journée à venir. Je me rappelle le programme prévu, soupire intérieurement à l'idée des jeux à venir, avec les enfants, puis attrape d'une main mes vêtements propres, de l'autre ma trousse de toilette. Mes flip flap aux pieds, je gagne ensuite la sortie de l'infirmerie en marchant comme une caricature de petits vieux, ceux qu'on croise dans les kdramas dont Soomin raffole.

L'air extérieur me cueille par surprise, et je me fige un instant pour profiter du vent sur mon visage. Les embruns déposent un sel agréable sur ma peau, et malgré mes courbatures et mon manque de sommeil, je souris, avant de clopiner vers le bâtiment voisin.

N'ayant pas eu le temps ni la possibilité, hier, de visiter l'endroit, je m'en remets aux souvenirs des explications de Yeji. Tandis que j'épuisais mes dernières forces pour encadrer notre groupe de gamins (les « jaunes » .... Ils sont terribles... je crois que ce sont les pires gamins de toute la colo) avec elle, Yeji m'a rapidement expliqué comment aller au réfectoire, aux toilettes, aux douches...

Je me perds à un endroit, tourne dans le mauvais couloir à un autre, mais finis par atterrir devant les douches, après un passage satisfaisant aux toilettes.

À peine ai-je poussé la porte que je m'immobilise, pourtant. Le nuage de buée chaude, le staccato de l'eau rebondissant sur le carrelage et l'écho d'un baryton fredonnant une chanson à la mode m'indiquent que non seulement l'endroit est déjà occupé, mais aussi l'identité de celui qui se douche.

Je n'étais pas préparé à trouver l'endroit utilisé. Ni à ce qu'il soit composé d'une seule pièce commune. Mon cerveau bloque. Je reste figé sur le seuil, mes vêtements et ma serviette dans une main, mon téléphone et ma trousse de toilette dans l'autre, à battre des paupières pendant que ma cervelle tente de processer l'inattendue présence d'un Felix chantant à quelques mètres.

Je recule. Hésite. Réavance d'un pas. Grimace. Tourne le dos aux douches pour éviter de voir quelque chose que je ne dois pas voir. Hésite. Me racle la gorge. Quitte la pièce. Hésite. Soupire.

— Tu as bientôt fini ? finis-je par lancer d'une voix forte.

Un piaillement aigu me répond, de quoi me faire ouvrir de grands yeux. Comment peut-il « piailler » de surprise aussi haut, avec une voix aussi basse ?

— Minho ?!

— Oui. J'attends dehors que tu aies fini.

Deux pas en avant, je sors de la pièce. Je fourre mes vêtements sous mon bras pour attraper le bouton de porte et fermer derrière moi.

Pour le coup, c'est moi qui aie l'impression de vivre un kdrama en live... c'est le genre de scène que Soomin adore... le genre qui défile au ralenti à l'écran et qui met les sens des spectateurs en émoi.

Je secoue la tête, désabusé.

C'est peut-être drôle dans un drama ; c'est juste gênant et perturbant dans la vraie vie.

— Je veux juste me doucher avant de manger, marmonné-je tout bas en fixant le mur face à moi.

Si au moins, la personne sous la douche n'était pas Felix... ce serait plus facile pour moi. Et je ne veux pas réfléchir aux raisons qui rendraient la scène plus « facile ». Je ne suis pas en état pour ça.

Je sursaute lorsque la porte se rouvre dans mon dos, pivote machinalement et tombe en arrêt devant une serviette nouée en meringue au-dessus du visage gêné de Felix.

— Je suis désolé, grimace-t-il. J'espère que tu n'as pas attendu trop longtemps ?

Je secoue la tête, la gorge soudain trop nouée pour parler. Face à moi, il est si lumineux, si beau, que ma langue s'enlise et que mes idées se perdent. Tout ce que je suis capable de faire, c'est de pincer les lèvres, de tourner les talons, et de m'enfuir dans la pièce des douches, dont je claque sèchement la porte.