Assis à même le sol brut de mon balcon, le béton froid sous mes jambes, je sors de ma poche le petit carnet noir qui ne me quitte jamais. La nuit s'étire devant moi, et les premières lueurs de l'aube effleurent déjà l'horizon. Ce carnet, c'est mon refuge, le seul endroit où je peux laisser libre cours à ce flot incessant de pensées qui me ronge depuis le décès de ma mère. Chaque page est une confession, un puzzle de mes angoisses et de mes obsessions.
Je feuillette rapidement les pages déjà noircies, des fragments d'idées, des phrases à moitié terminées, des plans esquissés. Et puis, je griffonne ce que mon esprit ne cesse de me rabâcher. Les mots coulent, presque malgré moi, porteurs d'une vérité que je n'ose affronter.
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Maman,
1460 jours... Cela fait quatre ans que je n'ai pas posé mes lèvres sur ta joue en te souhaitant de passer une bonne journée. Chaque jour, ton absence me hante, surtout quand je repense à notre dernière conversation. Tu t'inquiétais pour moi, pour l'avenir que je choisissais, pour cette vie illégale dans laquelle j'ai grandi et que je n'ai jamais quittée. Rien n'a vraiment changé depuis, si ce n'est Oria, qui est entrée dans ma vie, mais même là, tout semble bancal. Et avec Adrian... nos relations se détériorent de plus en plus. Il s'éloigne, il devient un autre.
Jusqu'à hier, je pensais avoir atteint un plafond, que tout ce que je faisais n'avait plus de marge de progression, mais bordel, maman, j'avais tort. Ange a une petite sœur. Une si belle petite sœur. Quand je l'ai vue, mon cœur s'est emballé comme jamais auparavant. C'était comme un coup de foudre, mais plus violent, plus dérangeant. J'ai cru que mon cœur allait lâcher sur place.
Et pourtant, cette sensation m'effraie. C'est malsain, je le sais. Rien de bon ne peut venir de ça, ni pour moi ni pour elle. Elle est si fragile, si brisée. Elle a reculé face à Adrian comme si elle devinait déjà qu'il est un homme profondément sombre, alors qu'ils ne se sont jamais croisés avant. Comment a-t-elle pu le savoir ? Adrian... Il change. Il devient de plus en plus froid, distant, presque cruel, et c'est comme si l'ombre de papa s'agrippait à lui.
Plus il grandit, plus il s'enfonce dans cette noirceur. Tout ce que tu nous avais inculqué, la douceur, la lumière, semble s'éteindre en lui. Et ça me terrifie, maman. Il devient aussi vil que papa... Et moi, je suis là, à regarder tout ça sans savoir quoi faire.
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