L'évasion

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Je n'en peux plus, vraiment ! Je me sens à bout, comme une corde tendue qui menace de céder à tout moment. Ce métier d'avocate, que j'avais autrefois trouvé si prestigieux, n'est devenu qu'une source de stress permanent.

Autrefois, je me disais que j'allais faire la différence, que je changerais des vies. Mais aujourd'hui, il ne fait qu'alimenter un jeu sans fin. Je travaille dans ce cabinet depuis deux ans. Deux ans, ça n'a pas l'air énorme, je sais. Certains me diront que je n'ai même pas encore fait mes preuves, que je suis au début d'une carrière florissante. Mais pour moi, ces deux ans ont été un véritable marathon.

Chaque jour ressemble au précédent, une répétition incessante de rendez-vous tendus, de regards accusateurs, de disputes interminables. Les dossiers s'empilent sur mon bureau, des montagnes de paperasse qui me donnent l'impression de me noyer. Vous imaginez peut-être une vie trépidante et excitante, des affaires qui tiendraient en haleine. Mais non. La réalité, ce sont des clients qui se déchirent pour des broutilles.

Et puis, il y a les divorces... Seigneur, les divorces ! Je crois que c'est ce qui me fatigue le plus. Si je dois encore écouter une seule fois un couple s'arracher la garde d'un chien ou se battre pour une foutue lampe de chevet, je pense que je vais littéralement exploser.

Je me surprends à compter les minutes pendant les rendez-vous, à essayer de deviner quelle nouvelle absurdité va sortir de la bouche de l'un des conjoints. " Je veux garder la télévision, mais elle refuse parce qu'elle l'a achetée lors de notre premier voyage en amoureux " Ou bien : " J'exige qu'il ne passe pas Noël avec les enfants cette année parce qu'il leur a offert un cadeau que je n'avais pas validé." Les petits coups bas, les piques amères, les mesquineries... Ils me vident. Il n'y a plus rien de stimulant, plus rien de ce que j'imaginais dans ce métier.

Et tout cela me laisse vide, comme si mon énergie vitale se dissipait un peu plus chaque jour. Mes journées s'allongent sans que je m'en rende compte, les heures s'étirent jusqu'à ce que, enfin, je puisse rentrer chez moi, épuisée, avec cette boule de stress qui ne me quitte jamais vraiment. J'arrive à peine à poser ma tête sur l'oreiller avant que mon cerveau ne recommence à tourner, revoyant chaque moment de la journée, chaque dispute, chaque dossier inachevé qui m'attend. Et ça recommence le lendemain. Toujours la même chose, toujours cette pression.

Alors oui, pour certains, deux ans ce n'est rien. Mais pour moi, c'est déjà beaucoup trop. Trop d'audiences, trop de querelles, trop de clients qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. J'ai besoin de respirer. Parce que si je ne prends pas de distance, je vais finir par m'effondrer.

C'est exactement pour ça que, je me retrouve dans mon petit appartement exigu, un espace que je connais trop bien, et qui est devenu le reflet chaotique de ma vie actuelle. À peine franchi le seuil de la porte, je suis accueillie par le désordre habituel qui règne ici. La petite entrée est encombrée par des chaussures mal rangées et un porte-manteau qui ploie sous le poids de mes vestes, les écharpes en désordre flottant comme des serpents colorés.

Le salon, qui fait office de salle à manger et de bureau, est un véritable champ de bataille. Des dossiers en retard s'étalent sur la table basse, leurs pages froissées laissant échapper des notes et des documents, comme autant de pensées éparpillées de mon esprit. J'essaie de me rappeler de quel dossier il s'agit, mais chaque page me semble appartenir à un autre monde, un monde où je serais plus organisée, moins débordée.

Les tasses de café froid s'amoncellent dans l'évier, vestiges de mes matinées trop hâtives, témoins silencieux de mes nuits blanches passées à préparer des plaidoiries. Le mélange d'arômes de café et de vieux papier flotte dans l'air, créant une atmosphère lourde qui semble peser sur mes épaules. Une pile de livres à moitié lus, des romans que je me promets de terminer, s'entasse dans un coin, leurs couvertures colorées se mêlant au noir et blanc des documents juridiques.

Les pistes du cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant