The Red Ice

4. Rendez-vous très british

Lucas

Trouver le sommeil chez moi, c'est comme chercher à être le fils idéal de mon père, alors je ne dors pas. Je passe de soirée en soirée, me bourrant la gueule et finissant avec une femme : c'est ma routine. Je suis bien connu pour ça. On me décrit comme le play-boy royal parfait. En deuxième place, y'a Christian. Finalement, Tudor et Boleyn, on est faits pour être ensemble. Désolé, grand-père, mais j'apprécie trop mon cousin pour le faire décapiter. La période d'Halloween approche. Moi et lui, on a l'habitude de passer un week-end au château de Hampton Court. À une époque, ma sœur se joignait à nous, mais depuis qu'elle s'est éloignée, je n'ai pas l'occasion de lui parler. Comme elle, notre relation est assez spéciale. Quand on a commencé à grandir, c'est comme si un mur s'était érigé entre nous... ou plutôt entre nous et notre père. Je ne sais pas, mais au fond, moi et elle, on est solitaires. Est-ce que notre père l'a fait exprès ? C'est possible.

Ce soir-là, je n'ai pas pu faire ma routine, cloîtré dans ma chambre. Je ne peux pas me permettre d'avoir une gueule de bois. J'ai dû le promettre à un homme d'une soixantaine d'années, qui me sert de protection pour mes fugues en soirée. Prendre le thé avec une des grandes familles londoniennes, voilà ce qui m'empêche de fuir. Cette putain de famille, elle est le pilier de notre dynastie. Si on la perd, bonjour au coup d'État.

On m'a souvent laissé seul dans cette chambre. J'ai appris au fil des années à rester avec mes démons. J'ai toujours eu une distraction ; aujourd'hui, c'est avec l'alcool que j'essaye de sombrer. Chaque gorgée est un anesthésiant pour mon âme et mon cœur. J'apprécie la nuit, car on m'a obligé à l'aimer, alors je l'aime à ma façon. Mais d'ici quelques années, comme tout est prévu, je serai sûrement marié à une femme que je connais à peine. Ce changement ne me plaît pas, et je ferai tout pour qu'il n'ait pas lieu.

......

- La dernière fois que je vous ai vu, vous n'étiez qu'un petit garçon, mais là, je reconnais que je vois devant moi un futur monarque.

Monsieur Robinman ricane. En vérité, il n'arrive même pas à rire sans tousser. C'est un homme rongé par le cancer, mais il trouve toujours le moyen de fumer.

- La dernière fois que je vous ai vu, vous ne toussiez pas autant.

Leur jardin est impressionnant, mais sans goût, comme ce thé que je bois.

- Je ne suis plus tout jeune. Ma fille a le même humour que vous. Vous vous souvenez d'elle, pas vrai ?

Et comment. Depuis une semaine, mon valet me dit tout sur elle. Une femme comme toutes les aristocrates que j'ai rencontrées : prête à prendre la couronne avec ou sans sentiment. Ça pourrait m'arranger aussi, mais se marier n'est qu'une étape. Il faut aussi des héritiers, et je n'en ai pas envie.

- Oh tiens, elle arrive.

Comme par hasard.

Je me retourne au son des talons. Elle est habillée d'une robe signée Chanel, toute en noir et blanc de la tête aux pieds. Cheveux roux et yeux bleus, elle pourrait plaire à tout le monde. Elle dégage quelque chose sans même parler. En soi, elle a été éduquée pour porter une couronne que je ne lui donnerai jamais.

Comparé au père et à la fille, je ressemble tout d'un coup à quelqu'un de lambda. Je n'ai pas essayé de jouer gros pour un déjeuner ; ça ne valait pas la peine de sortir un trois-pièces pour 45 minutes à tourner autour du pot. Habillé simplement d'un tailleur et d'une chemise, j'ai opté pour le minimalisme.