Chapitre 14

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Théodora

Il était vingt-deux heures lorsque je me préparais à sortir de chez moi. Éric et moi avions convenu de nous retrouver à cette heure en bas de mon immeuble. Je n'avais aucune idée de la tenue idéale pour ce genre de « soirée », alors j'ai opté pour quelque chose de simple mais légèrement plus élégant : un tailleur noir assorti d'un long manteau taupe.

Heureusement, il était déjà là. L'idée d'attendre seule dans les rues de New York, la nuit, me mettait mal à l'aise. Je redoutais un peu le trajet. Peut-être allait-il me faire des avances ? Il devait avoir cinq ou sept ans de plus que moi. À notre âge, cette différence n'était pas si grande, mais le problème n'était pas là. Je ne voulais pas de ce genre de relation.

Je suis montée dans sa BMW neuve, et un premier soulagement m'a envahie. Lui aussi était sobrement habillé, signe que la soirée ne serait pas très formelle.

Nous sommes arrivés devant un bar, qui semblait être plutôt bien fréquenté. Le trajet s'était étonnamment bien déroulé. Il m'avait parlé de sa spécialité, de sa vie. J'avais sûrement imaginé des choses à tort.

Un malaise m'a envahie en entrant dans le bar, car plusieurs collègues étaient là, me fixant. Je les côtoie pourtant chaque jour, mais sans jamais créer de véritables liens. Mon angoisse s'est amplifiée lorsque j'ai vu ce fameux Garrett, qui semblait avoir à peu près mon âge. C'était sa fête, mais nous ne nous étions jamais rencontrés.

Il me scrute, mais Éric a pris les devants.

— C'est Théodora, la psychiatre des urgences.

— Enchanté, Garrett, me dit-il.

Il m'a adressé un signe de tête poli, que je lui rends.

Les heures qui ont suivi ont été particulièrement éprouvantes. De nature introvertie, me retrouver dans un bar entouré de collègues proches les uns des autres ne m'aidait pas. Éric ne m'a pratiquement pas parlé, et je redoutais déjà le trajet de retour.

Je restais seule dans un coin, à fixer mon verre de jus de fruit pendant que les autres buvaient de l'alcool à outrance. Je n'ai rien contre cela, tant que ce ne sont pas des personnes que j'aime, ou du moins celles avec qui je suis proche.

Je comprends que l'alcool accompagne souvent les célébrations, qu'il est présent lors de moments spéciaux comme celui-ci, mais mes traumatismes rendent la situation insupportable. Je ne supporte pas de voir quelqu'un ivre, tituber. C'est au-delà de mes forces. Je me suis promis de ne jamais boire d'alcool, car la dépendance arrive trop vite.

Alors que je m'apitoyais sur mon sort, Garrett s'est approché de moi.

— Tu n'as pas l'air de beaucoup t'amuser.

— Oh... Je suis désolée. Ce n'est pas... enfin...

Je me sentais terriblement mal à l'aise d'être ainsi à l'écart pour sa fête de départ.

— Ne t'inquiète pas, je comprends.

Ah bon ?

— Alors, tu pars pour ta spécialité ? demandai-je, cherchant à atténuer la gêne.

— Oui, je suis muté à Boston pour l'oncologie.

— C'est génial.

Je me suis sentie soulagée de pouvoir discuter avec lui, même si j'avais l'impression qu'il était venu me parler par pitié.

Mes seules vraies interactions étaient avec Gabrielle, car c'était avec elle que je me sentais le plus à l'aise. J'avais perdu de vue mes amis du lycée, et la fac, n'en parlons même pas. Je ne sais pas pourquoi, mais la solitude semble toujours m'accompagner.

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant