𝚁𝚞𝚋𝚢: 𝙳𝚒𝚊𝚖𝚊𝚗𝚝 𝙱𝚛𝚞𝚝 𝙰𝚞 𝙲𝚘𝚎𝚞𝚛 𝙳𝚎 𝙻'𝚊𝚋î𝚖𝚎

𝒞𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇ℯ 11

Italie-Rome

06:00

ℛ𝒶𝓎𝓂𝓊𝓃𝒹ℴ

Je suis là, sur ce banc, qui donne sur la plage, loin de tout. La ville demeure plongée dans l'obscurité, l'aube n'ayant pas encore effacé la nuit. Le vent frais caresse mon visage, mais je n'en ressens pas la douceur. Autour de moi, tout semble figé, comme si le monde continuait de tourner sans moi, comme si je n'avais plus ma place ici.

Je ferme les yeux. Et là, elle revient.

Celle qui a occupé une place unique dans ma vie. Je me souviens de ses discussions sans fin, de son rire qui remplissait l'espace, de ses courses effrénées dans les couloirs du lycée, de ses rêves et de ses secrets qu'elle me confiait sans retenue. C'est elle qui parlait, qui racontait, qui imaginait. C'est elle qui me donnait un rôle, un rôle de spectateur, d'ami silencieux. Et moi, je l'écoutais, je m'imprégnai de tout ce qu'elle vivait, même si ce n'était pas à moi de le vivre. C'était sa vie, et pourtant, j'étais là, dans l'ombre, à regarder et à apprécier chaque instant. C'est ce lien silencieux que j'aimais. Tout ça me manque aujourd'hui, tout ce qu'elle faisait, tout ce qu'elle était, tout ce que j'ai perdu.

Elle était la seule à avoir vu en moi autre chose que l'image que les autres s'étaient forgée. Et pourtant, elle n'est plus là.

Elle n'est plus là, je le sais. Je me souviens précisément de ce jour-là, celui où elle a disparu. C'est comme si le monde s'était écroulé autour de moi, emportant avec lui un fragment de mon être. Mais aujourd'hui, tout ça semble si lointain, comme un rêve flou. Pourtant, le poids de son absence reste aussi lourd qu'autrefois.

On me l'a arrachée, me rappelant la cruelle réalité à laquelle j'appartiens. Elle n'avait rien demandé, et pourtant, elle a été effacée de ma vie à cause de mes erreurs. Elle était la seule à me féliciter lorsque les autres ignoraient mes efforts. La seule à me soutenir quand les autres me piétinaient. Je me souviens de son regard protecteur, de ses mots qui me redonnaient espoir après chaque échec, chaque défaite. Elle était toujours là, au moment où je croyais tout perdre. Nous étions inséparables, deux âmes errantes, inconscientes de la cruauté du monde extérieur.

Puis, il y a eu cet hôtel. Ce moment étrange, quand je l'ai vue... ou plutôt, son sosie. Elle m'a frappé comme un éclair, mais pourtant, quelque chose clochait. Ce regard, cette silhouette, ce n'était pas elle. Je n'ai pas reconnu la personne qui se tenait devant moi, mais un lien, un vieux lien, a ressurgi. Un lien que je croyais définitivement brisé.

J'aurais voulu qu'elle soit témoin de ce que je suis devenu, de ce que j'ai accompli grâce à elle, car elle fut la seule à croire en moi. Pas même ma propre mère n'a su faire ce que cette ange a fait en si peu de temps. Ni même mi hermana...

Je me lève du banc, mes pensées encore embrouillées. Le vent me frissonne, mais je ne l'enregistre même pas. Tout ici est différent, mais en moi, rien n'a changé. Un homme qui n'a pas su oublier. Un homme qui, malgré les années, continue de chercher des réponses là où il n'y en a plus.

Je lance un dernier regard au banc, regardant sa silhouette s'effacer lentement. Je dépoussière mon smoking, puis murmure ces quelques mots, les lèvres serrées :