Chapitre 3 : Les Silences Qui Parlent

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Chapitre 3 : Les Silences Qui Parlent

La journée avait été longue. Les rayons de soleil pénétraient par la fenêtre de la chambre, éclairant doucement l'espace exigu. Le campus semblait en ébullition, mais ici, dans cette pièce partagée, le temps se suspendait. Le poids des silences accumulés devenait palpable.

Tu venais tout juste de rentrer de cours, épuisée par une série de conférences interminables. Yeonjun n’était pas là, comme souvent à cette heure. Il avait ses répétitions, ou peut-être traînait-il avec ses amis, ceux qu’il saluait toujours d’un sourire facile dans les couloirs, mais qui semblaient tout aussi superficiels que les mots échangés. C’était étrange de vivre si proche de lui, de partager cet espace intime, et pourtant de te sentir si loin de réellement le connaître.

Tu déposas ton sac près de ton lit avec un soupir. La pièce était modeste, avec deux lits jumeaux séparés par une petite table de chevet. Les coins de chaque côté reflétaient vos personnalités : ton espace était organisé, bien rangé, chaque livre, chaque objet à sa place. De l’autre côté, l’univers de Yeonjun était plus désordonné, presque négligé. Des vêtements étaient éparpillés ici et là, des feuilles de musique traînaient sur le sol, et son lit n’était jamais vraiment fait.

Tu pris un moment pour observer son coin de la pièce. Il y avait quelque chose de profondément mélancolique dans cette négligence apparente, comme s’il n’accordait pas d’importance aux détails matériels. Sur le rebord de la fenêtre, un carnet était ouvert, plusieurs pages gribouillées de paroles, sans doute des fragments de ses pensées. Tu étais tentée de t'en approcher, de lire ces mots qu'il cachait au reste du monde, mais tu te retins. C’était son espace, ses pensées. Même si l'envie de mieux comprendre ce qui se passait dans sa tête était forte, tu savais qu'il te fallait respecter cette barrière.

Les heures passèrent. Tu t’installas à ton bureau, tentant de te plonger dans tes devoirs, mais tes pensées dérivaient sans cesse vers Yeonjun. Il était un mystère, un puzzle que tu n’arrivais pas à résoudre. Chaque petite interaction avec lui te laissait avec plus de questions que de réponses. Il pouvait être charmant, presque chaleureux, à de rares occasions, mais la plupart du temps, il restait distant, renfermé, comme s’il avait décidé que personne ne devait s’approcher trop près de lui.

La porte s'ouvrit doucement, brisant le silence lourd de la pièce. Yeonjun entra, vêtu de son éternelle veste en jean délavée, ses cheveux légèrement en bataille. Ses yeux étaient baissés, comme souvent, évitant ton regard. Il balança négligemment son sac près de la porte et se dirigea immédiatement vers son lit, s’affalant dessus avec un soupir de lassitude.

« Longue journée ? » tentas-tu, essayant d’établir un contact.

Il leva les yeux vers toi, ses pupilles sombres scrutant ton visage pendant une fraction de seconde avant de se détourner à nouveau. « Ouais… les répétitions sont crevantes. »

Sa voix était basse, presque murmurée, comme s'il ne voulait pas t'importuner avec ses soucis. Mais tu pouvais voir au-delà de cette fatigue physique. Il y avait quelque chose d’autre, quelque chose de plus profond qui semblait le ronger.

Tu pris une grande inspiration, hésitant à pousser la conversation plus loin. Depuis quelque temps, tu avais remarqué des changements subtils dans son comportement. Il se montrait plus silencieux, parfois perdu dans ses pensées, et ses sourires, bien que rares, semblaient toujours empreints de mélancolie. Quelque chose pesait sur lui, et bien que vous partagiez la même chambre depuis quelques semaines maintenant, il semblait déterminé à te tenir à distance.

Yeonjun attrapa son téléphone, ses doigts glissant distraitement sur l’écran. Le silence retomba dans la pièce, cette fois plus lourd, plus pesant. Tu le regardais du coin de l’œil, tentant de capter un signe, une ouverture. Ses traits étaient tendus, ses sourcils légèrement froncés. Il y avait une tristesse dans ses yeux que tu ne pouvais ignorer.

Tu finis par fermer ton livre, décidant qu’il était temps d’affronter ce qui te trottait dans la tête depuis trop longtemps.

« Yeonjun… » commenças-tu doucement, ta voix à peine audible. « Si quelque chose ne va pas, tu peux en parler, tu sais. »

Il ne répondit pas tout de suite. Ses doigts continuèrent de tapoter nerveusement sur l’écran de son téléphone, comme s'il hésitait à te répondre. Puis, après un moment, il posa l’appareil sur son lit et tourna lentement la tête vers toi. Son regard était plus intense que jamais, presque désarmant.

« C’est rien, vraiment. Juste… la pression, je suppose, » dit-il finalement, mais tu sentais que ce n’était qu’une réponse de surface, une excuse pour éviter d’aller plus loin.

Tu ne voulais pas le forcer à parler, mais tu avais l’impression qu’il avait besoin de sortir ce qui le troublait. « Tu sais, on vit ensemble maintenant. Je ne suis peut-être pas la meilleure pour donner des conseils, mais je suis là si tu en as besoin. »

Yeonjun détourna les yeux, fixant le plafond. Le silence s’éternisa, lourd de tout ce qu’il ne disait pas. Puis, d’un geste presque imperceptible, il haussa les épaules. « C’est juste que… parfois, je me demande pourquoi je fais tout ça. Les répétitions, la musique… ça devient… trop. »

Il se tut, et tu restas immobile, l’écoutant attentivement. C’était la première fois qu’il parlait de ses doutes, de ce qui pesait sur ses épaules. Tu avais toujours vu Yeonjun comme cette figure intouchable, celui qui semblait avoir tout sous contrôle. Mais à cet instant, tu te rendais compte qu’il n’était qu’un jeune homme comme les autres, luttant avec ses propres insécurités.

« Pourquoi trop ? » demandas-tu doucement.

Il soupira, se passant une main dans les cheveux, un geste nerveux que tu avais remarqué chez lui à chaque fois qu’il se sentait mal à l’aise. « Parce que je ne suis pas sûr de pouvoir être à la hauteur. Tout le monde s’attend à ce que je réussisse, que je sois parfait… mais je ne le suis pas. Je ne le serai jamais. »

Cette révélation te frappa. Ce garçon, qui semblait toujours si sûr de lui, portait en réalité une immense pression sur ses épaules, celle des attentes des autres. Tu pouvais comprendre cette sensation, mais tu ne l'avais jamais imaginée aussi intense chez lui.

« Personne n’est parfait, Yeonjun. C’est humain de ne pas l’être, » murmuras-tu.

Il te regarda, ses yeux sombres captant enfin les tiens. Il y avait quelque chose de vulnérable dans son expression, quelque chose que tu n’avais jamais vu avant. Pendant un instant, tu eus l’impression que le mur qu’il avait érigé entre vous s’effritait, juste un peu.

« Tu as probablement raison, » dit-il finalement dans un souffle. « Mais ça n’empêche pas les autres d’attendre que je le sois. »

Vous restâtes là, silencieux, chacun dans vos pensées. C’était un moment fragile, comme si un équilibre délicat s’était formé entre vous, quelque chose de non-dit mais profondément compris.

Roommate TroubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant