La Trahison d'un Dieu

Chapitre 2 : Les Vies Multiples (Dernière partie)

Sur le Mont Olympe, l'air était doux et les nuages flottaient paresseusement autour des colonnes d'or et de marbre, baignées dans une lumière éthérée. Pourtant, au milieu de ce paradis céleste, une ombre pesait sur Hermès, qui se tenait au sommet d'une falaise, le regard perdu sur l'horizon. À ses pieds, les trois loups d'Anepou, désormais ses compagnons silencieux. Les trois au pelage noir comme la nuit étaient étendus. Ils levaient parfois la tête, scrutant le ciel, comme s'ils attendaient quelque chose, ou quelqu'un.

Hermès, aux cheveux de bronze et au regard bleu azur, caressait lentement leurs têtes, un sourire triste aux lèvres. Cela faisait des millénaires que ces créatures attendaient leur maître, tout comme lui.

« Il me manque, » murmura Hermès. « À eux aussi. »

Le vent léger souffla, balayant les quelques mèches de ses cheveux de bronze sur son visage. Sa tunique blanche scintillait sous les rayons du soleil, mais il se sentait lourd, emprisonné dans une mélancolie qu'il ne montrait à personne d'autre.

Le bruit doux des pas d'Apollon le sortit de ses pensées. Le dieu solaire, vêtu d'une toge dorée et arborant ses boucles d'or scintillantes, s'approchait. Ses yeux reflétaient une sagesse intemporelle, bien qu'un éclat de tristesse sembla y persister.

« Comment va-t-il ? » demanda Apollon en s'asseyant à côté de son frère.

Hermès haussa les épaules. « Il ne se souvient de rien... De nous... de lui-même. » Ses doigts caressaient distraitement les loups d'Anepou, comme pour chercher une consolation.

Apollon fronça légèrement les sourcils, ses yeux d'or se plongeant dans ceux d'Hermès. « Anepou a beaucoup appris de moi, tu sais. Lors de mes visites sur Terre... il est loin d'être perdu. Mais, » continua-t-il, baissant la voix, « il se rapproche dangereusement d'un chemin que nous redoutons tous. »

Hermès détourna le regard. « Je l'ai condamné à cela, Apollon. C'est à cause de moi qu'il est dans cet enfer... à cause de moi qu'il a perdu tout souvenir de sa grandeur. Que fera-t-il s'il ne se rappelle pas qui il est ? »

Apollon, avec une douceur qu'on lui prêtait rarement, posa une main sur l'épaule de son frère. « Le souvenir est une flamme vacillante. Si nous ne l'aidons pas à la raviver, il se perdra. Mais le danger de la vérité est aussi grand que le confort de l'oubli...Ce n'est pas une condamnation, Hermès. Il ne s'agit que d'une épreuve. Mais nous savons tous qu'il pourrait ne jamais revenir à la lumière, s'il ne retrouve pas ce qui le guide. »

Hermès, touché, esquissa un faible sourire. « C'est pourquoi je le surveille... de loin. Je ne peux pas le laisser se perdre à jamais. »

Hermès, les yeux brillants d'inquiétude, s'approcha du bord du précipice. Appolon d'un ton fraternel lui dit :

« N'oublie pas, Hermès, le chemin vers la grandeur est pavé de douleur. La beauté émerge souvent des cendres. Veille sur lui, mais laisse le faire son choix. »

Le silence se fit alors, lourd de ce qui n'était pas dit, mais évident pour eux deux. Apollon se leva finalement, la lumière du soleil accompagnant chacun de ses gestes. « Tu es peut-être son seul espoir, Hermès. Ne l'oublie jamais. »

Peu après le départ d'Apollon, Demeter vint à son tour. Elle s'approcha avec la délicatesse d'une mère, portant une couronne de blé et de fleurs qui embellissait ses cheveux dorés. Ses yeux verts, pleins de douceur, observèrent Hermès avec une bienveillance tangible.

« Je comprends ton attente, » dit-elle doucement en s'asseyant près de lui. « Attendre... c'est quelque chose que je connais bien. Ma fille... » Sa voix se brisa légèrement. « Quand elle est descendue aux Enfers, je pensais que je ne la reverrais jamais. »

Hermès hocha la tête en silence, écoutant la douleur contenue dans ses mots.

« Mais elle est revenue, » continua Demeter. « Et toi aussi, tu peux espérer qu'il reviendra. Mais cette attente, je le sais... elle peut te consumer. »

Hermès, la gorge nouée, répondit faiblement : « Et si tout cela n'était qu'une erreur ? »

Demeter prit une inspiration profonde, puis posa sa main sur la sienne. « Aucun amour n'est une erreur. Tu dois seulement rester fort pour lui. »

Le réconfort de Demeter apaisa temporairement l'âme troublée d'Hermès, mais ses doutes persistaient. Les visites des autres dieux se succédaient, apportant conseils et réconforts, mais une ombre continuait de peser sur lui. Puis, un jour, son père arriva. Zeus, majestueux et imposant, entra dans la cour avec l'aura d'un roi indiscutable. Ses cheveux argentés et ses yeux perçants faisaient contraste avec l'air inquiet qu'il portait ce jour-là.

Hermès se leva, nerveux. Il sentait la tension dans l'air. « Père... »

Zeus, la mâchoire crispée, observa son fils avant de prendre la parole. « Tu penses que je devrais mettre fin à son châtiment. »

Hermès le fixa, la colère et la tristesse se battant en lui. « Dix mille ans ont passé, père. Est-ce que cela ne suffit pas ? »

Le silence suivit, avant que Zeus ne réponde d'une voix grave. « Ce n'était pas un choix facile, Hermès. Tu étais celui qui a proposé cette alternative. »

Les yeux d'Hermès se remplissaient de larmes. « Oui... mais je ne pensais pas... je ne savais pas que la souffrance durerait aussi longtemps. »

Zeus s'approcha lentement de lui. « Il pourrait être plus dangereux que nous ne le pensions. S'il retrouve la mémoire... » Zeus marqua une pause, son regard se durcissant. « Peut-être que je me trompe, mais je ne peux pas prendre ce risque. »

Hermès hocha la tête, incapable de répondre. La douleur de voir Anepou enfermé dans une existence d'oubli le consumait, mais il savait aussi que son père avait raison. Le silence s'étendit, lourd, et Zeus posa une main sur l'épaule de son fils.

« Je suis désolé, » murmura-t-il, avant de disparaître dans un éclair de lumière.

La nuit suivante, alors qu'Hermès gardait encore les loups, une brume épaisse et noire s'éleva du sol. Hadès, le roi des Enfers, apparut dans une aura de fumée et de mystère. Ses yeux sombres s'accrochèrent à ceux d'Hermès, et son sourire était aussi froid que la mort elle-même.

« Hermès... » commença-t-il, d'une voix calme, « il pourrait y avoir une solution pour Anepou. »

Hermès se figea, son cœur battant à tout rompre. « Quelle solution ? »

Hadès, son regard insondable, se pencha vers lui. « Mais cette solution... pourrait te coûter ce que tu chéris le plus. »

Hermès, les poings serrés, répondit d'une voix faible : « Je t'écoute mon oncle... »

Hadès esquissa un sourire énigmatique.