SAUVAGES | romantic-suspense en cours de retrait

𝟺𝟷 - 𝚃𝚑𝚎 𝙳𝚎𝚟𝚒𝚕 𝚒𝚜 𝚗𝚎𝚊𝚛

𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧

Un jeudi passé 21 heures, les couloirs du QG ne sont d'ordinaire fréquentés que par les équipes chargées de la sécurité.

Pas ce soir.

Depuis qu'on a reçu l'appel de Dax durant notre trajet retour d'Albuquerque, puis décrété une réunion à la chapelle dans la foulée, ni Jude ni moi n'avons décroché un mot. Seul le ronronnement rutilant de nos bécanes a bercé les étoiles. Je crois bien qu'on s'est égarés dans l'espace-temps de nos questionnements. L'épée de Damoclès qui nous guette de trop près tant que Danny fera partie des vivants nous colle des beignes à chaque fois que la vie nous rappelle au souvenir de cette chiure de Satan.

Assailli de souvenirs, j'accélère dans le couloir ouest en priant pour que cela suffise à distancer mes vieilles amies les ténèbres. Les stigmates de cette nuit d'août ont la peau dure. Ni les herbes ni les incantations de Kanda n'ont eu raison de l'inextricable. Dorénavant, mon histoire ne se lit plus seulement dans les entrelacs sombres sur mon épiderme, elle s'entend aussi dans l'anarchie des réminiscences qui cognent sous mon crâne.

Je cours presque. Mes semelles claquent, mes oreilles bourdonnent. Mon palpitant se retrouve emprisonné dans un étau.

J'ai beau me blinder, forcer mon esprit à s'enfuir vers des pensées positives, rien n'y fait. Persécuté par le passé, je me revois dévaler ce même escalier à toute allure, juste après que la voix de Sawyer m'a collé une trouille bleue dont les échos me font encore trembler certaines nuits.

Rose, bien décidée à s'échanger contre son jumeau, coûte que coûte.

Même au prix de sa propre vie.

« On m'a déjà pris beaucoup. Lui, je ne peux pas. »

« Quand la fuite n'est plus une option, ne reste qu'une seule question : suis-je assez, pour tout arrêter .»

Les heures d'agonie qui ont suivi défilent derrière mes paupières closes.

À ma gauche, les pas de Jude paraissent synchronisés aux miens. Songeur, mon meilleur ami fixe un point invisible droit devant nous. Lorsque mon regard croise finalement ses iris d'acier, j'y discerne la même interrogation que celle qui joue au boomerang dans mon esprit. « Est-ce que cette fois, c'est la bonne ? ».

La réponse ne tarde pas à me sauter aux oreilles. Sitôt le cul sur mon fauteuil et la salle sécurisée par Lenny, je darde un coup d'œil sans équivoque vers Dax pour qu'il balance l'info.

— C'est imminent, Titàn. On est tout proches.

— Bogota ? demandé-je confirmation des dernières infos qu'on avait reçues.

— Mieux que ça, le nord du Mexique.

Putain !

— Où ça ? s'enquiert Deacon.

— On pense avoir circonscrit la zone à un périmètre de 150 miles autour de Ciudad Juarez.

— La frontière ? s'étonne Lenny. C'est presque une invitation à le ramener à Canyon Lake ça !

Impassible, car partagé entre la crainte d'un nouveau contretemps et l'impatience de voir la tête de Danny se balancer au sommet d'un totem sculpté spécialement pour l'occasion, j'opine sobrement du chef. Mentalement, je dresse la liste des possibilités où pourrait se terrer cette pourriture. Malheureusement, au milieu de huit milliards d'êtres humains, cet enfoiré pourrait se planquer n'importe où. Il nous a bien baladés en Amérique latine en semant de minuscules cailloux qu'on a pris pour du mauvais nettoyage après son passage. On pensait qu'il passait de pays en pays sous couvert de fausses identités.