SAUVAGES | romantic-suspense en cours de retrait

𝟷𝟼 - 𝚄𝚗 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚝𝚘𝚞𝚜.

publié le 01/10/2022. 01h55.

𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧.

— Je t'ai cherché partout Titàn.

Un ricanement sec remonte ma gorge pour s'évacuer par mes narines.

— Tu m'as trouvé Diesel. Bravo.

Ignorant leur présence, je reporte le goulot à mes lèvres, aspire de longues rasades que je ne savoure même pas, inspire pour réitérer le geste. Mais Lenny est plus rapide que moi. Il m'arrache ma bouteille des mains pendant que mon frère aux dreadlocks reprend en beuglant :

— Il est quatre heures du matin !
— Merci Big Ben. T'avais pas mieux à faire ?
— Combien de temps t'as cogné là-dessus ? me demande-t-il en désignant mon sac de frappe.
— Longtemps. Pas assez. Rendez-moi ma bouteille et barrez-vous. Je ne m'occupe pas de vos nuits, faites-en autant pour moi. On se verra à la messe.
— Tu t'es explosé les jointures, bordel ! jure Lenny entre ses lèvres pincées. Regarde l'état de tes mains !
— Et de ta gueule, mec. Tu ferais peur à un macchabée. Pourquoi t'as fait ça ?

Parce qu'il fallait que ça sorte.

Deux mois que je tiens bon. On peut plus sombrer deux heures en paix dans ce pays ?

— On va reporter la messe, il faut que tu pionces un peu Titàn, continue de me sermonner Lenny.
— Tu vas nous faire un méchant burn out, Boss. Tu te mets trop la pression, ça vire à l'obsession ! T'es à peine rentré du Nicaragua que tu penses déjà à repartir. C'est n'importe quoi !
— Viens, on va t'aider à monter dans ta piaule. T'as assez bu.

L'œil réprobateur et accusateur, Lenny me tend son bras ; seule ma bouteille encore à moitié remplie m'intéresse, elle sera ma seule maîtresse pour passer le temps ; elle m'attend depuis des semaines, bien patiemment. Gentille fille. Alors c'est elle que je fixe, pas lui. La brûlure de l'alcool n'endort pour le moment rien en moi mais avec un peu de chance dans une heure, ce connard de Morphée va finir par venir s'occuper de mon cas.

— Fais un effort, merde ! cingle Lenny.
— T'as pas dormi depuis quand ?

J'aurais dû aller me planquer sur mon rocher. Là-bas, au moins, personne ne serait venu m'emmerder. Excepté mes copines nommées Colère, Déception, Souffrance, Rancune et Culpabilité. Je porte en moi ce cocktail Molotov faisant plus de dégâts que n'importe quelle lame affûtée. Les cinq sournoises guettent mes failles, s'y engouffrent et se développent dans l'encrais des erreurs que je ne pourrai jamais réparer.

Je les repousse comme je peux dans un grognement inamical quand ils essaient à deux de me relever. Je suis bien au sol, contre ce mur inconfortable qui me soutient autant qu'il me broie les os, dans ce sous-sol qui m'empêche de rejoindre l'extérieur parce que les marches sont presque mes pires ennemis.

Ou mes meilleures amies, allez savoir.

Je ne suis pas descendu à la salle d'entraînement par hasard, et pas seulement pour tenter de m'épuiser en espérant que je finirais par m'écrouler telle une masse morte à bout de forces. Ivre, je savais que je serais infoutu de remonter.

Ivre, je vais enfin coller sur pause les images dans ma tête, faire taire les cris entre mes oreilles et assommer mon cœur percé d'un pieu empoisonné.

Ivre, je vais m'éloigner quelques heures de ce monde ignoble qui m'écœure et ne plus avoir à supporter le connard antipathique que je ne suis plus capable de supporter : moi.

Torché au point de risquer le coma éthylique, je vais pouvoir tout éteindre ; y compris mon for intérieur qui crie depuis deux mois que quoi que je fasse c'est trop tard : Rose me hait.