Amour, fous rires et quiproquos

Chapitre 6

Mais pourquoi suis-je ici ? Alors que je m'apprête à toquer à la porte d'un parfait inconnu, ma conscience prend soudainement le dessus.

C'est ridicule. Un détective privé ? On n'est pas dans une série américaine, il ne faut pas exagérer. Je me rétracte et regagne ma voiture. Je claque la portière et observe du coin de l'œil l'immense demeure en pierre perchée sur la colline. Si la vue de mamie est exceptionnelle, la sienne est foudroyante. Il surplombe littéralement la vallée.

C'est une belle maison à étage avec un balcon fleuri et un jardin entretenu. Les volets sont grands ouverts sur l'horizon, mais aucune lumière ne filtre à l'intérieur.

Et s'il était en train de dormir ? Je descends du véhicule et jette de nouveau un œil sur la boite aux lettres située à quelques pas.

« Liam Sinclair »

C'est bien lui. Il n'y a cependant aucune indication sur l'exercice de sa profession. Je regarde la carte de visite. Tout correspond, de même que l'adresse. Il n'y a donc aucun doute.

C'est alors que mon téléphone se met à vibrer. Je me fige en apercevant le prénom Alexandre apparaitre sur l'écran de veille. Il vient de m'envoyer un texto.

Je déverrouille mon portable et déroule le message sous mes yeux.

« Bonjour, mon amour ! Désolé j'étais en train de dormir. Le repas s'est éternisé hier ! Je te raconterai. Ta soirée s'est bien passée ? Camille est toujours en vie ? Tu me manques ! Je pars travailler. Si je ne réponds pas, c'est que j'aurais le nez dans les papiers. Belle journée les filles ! »

Je sens la colère jaillir à l'intérieur de moi. Rien ne va dans ce message. Absolument rien. Chaque mot ou presque est un mensonge. Comment ai-je pu être aussi bête ?

Je rejoins d'un pas décidé l'entrée de la maison et tape de toutes mes forces contre le battant en bois.

Quelques secondes plus tard, j'entends une serrure se déverrouiller.

– J'espère que c'est une urgence vitale, tonne-t-il en guise de bonjour.

L'homme qui se tient devant moi est grand et simplement vêtu d'un jogging trop large et d'un t-shirt couleur kaki. Ses traits sont fatigués et un pli d'oreiller ou de couette est gravé sur sa peau. Il est jeune. Il ne possède aucun cheveu blanc, mais une belle barbe épaisse taillée de près.

– Je suis désolée de vous déranger à une heure aussi matinale, dis-je précipitamment.

Il papillonne des yeux comme si la lumière du jour lui faisait mal. Il passe une main dans ses cheveux désordonnés et étouffe un bâillement.

– Mais encore ?

– Vous êtes détective privé ?

Il hausse les sourcils.

– À la retraite.

Alors qu'il s'apprête à refermer la porte, j'ai le réflexe de caler mon pied pour l'en empêcher.

– À la retraite ? Mais vous avez quel âge ?

Il la rouvre en ronchonnant.

– Pour faire simple, j'ai raccroché.

– Vous pouvez donc reprendre ?

– Non.

Il tente une fois de plus de claquer la porte. De nouveau, je le gêne et je sens sa patience faiblir à chaque seconde qui passe.

– J'ai besoin de votre aide.

Il souffle et ses yeux marron grands et lumineux se fixent soudainement sur moi.