13h22, mercredi. Cabinet de psychologie.
Je sens le regard de John me fixer, son regard jugeur et un peu prédateur. Pourquoi j'ai pas une dame, j'aurai été plus à l'aise si une femme me fixait. Lui, il me perturbe. Grand, avec de longues jambes, un corps tout fin, portant des lunettes, une coupe parfaite, une chemise marron rentrée dans un pantalon slim noir. Qui porte encore des slims à notre époque, sérieux? Les hommes et la mode, c'est pas un bon mélange parfois. Mais tout est carré chez lui, rien ne dépasse, tout est repassé, pas une pliure, pas une mèche de travers, pas un gramme de trop. Il porte même des mocassins marron, c'est le cliché du mec qui a les moyens. Ça me fatigue, et je ne peux même pas le regarder dans les yeux, il est trop parfait. Tout est trop lisse et parfait. Son cabinet est trop rangé, il n'y a pas de vie dans cet établissement, que des malheurs racontés, à peine écouté, tout ça pour donner 2 /3 conseils que même lui n'aurait pas appliqué, récolter un max de fric pour se racheter des nouveaux mocassins dans d'autres couleurs.
"Léah? Léah?, t'es avec moi?"
Une voix. Sa voix. Elle me donne des frissons. Je ne sais même pas pourquoi, cet homme ne m'a rien fait. Pourtant il représente ce que je n'aime pas, malgré lui. La parfaite attitude, la carrière et la vie simple d'un homme venant d'une famille aisée. Faisant genre qu'il n'a aucun problème, se permettant de penser qu'il peut sauver les autres de leurs propres problèmes. Une figure de héros, se mentant à soi-même, tout ça pour de l'argent, et à son tour abuser du temps des gens. Je ne veux pas être là. Je ne devrait pas être là, je ne suis pas folle, je n'ai pas besoin de voir un psy, bon sang!
"Eh oh, Léah?
-Oui?
-Tu t'es arrêté en pleine phrase, et ça fait plus de 2 minutes que tu regardes tes pieds. Tout va bien?
-Pourquoi vous m'avez laissé 2 minutes à poireauter sans rien dire? Votre rôle n'est pas de de me faire parler?
-Je ne suis pas là pour te faire parler, tu n'es pas dans un interrogatoire de police Léah. Beaucoup de choses passent plus par le corps que par la parole. T'observer est autant mon métier que de t'écouter et de te conseiller.
-Mais je n'ai rien à vous dire. Et il n'y a rien à observer ou à conseiller. Je vais très bien. Je ne suis pas là par choix mais pour faire plaisir à ma maman.
-C'est elle qui t'a demandé de venir?
-C'est ce que je viens de vous dire, oui.
-Et tu veux toujours faire plaisir à ta maman?
-Normal. Je dois l'écouter.
-Pourquoi?
-C'est elle qui m'a donné la vie, peut-être?
- Tu t'entends bien avec elle?
-Oui.
-Et pourquoi pense-t-elle que tu dois voir quelqu'un?
-Parce que, selon elle, et père surtout, je cite : "toute personne saine d'esprit doit s'assurer qu'il n'y a aucun problème afin de réussir dans les meilleures conditions possibles. Faire un bilan, une observation pour être sûr que notre éducation ne soit pas vain, est nécessaire. Tu nous fera un compte rendu, honey"
-Donc tu viens ici pour leur prouver que leur éducation est utile?
-Oui. Je suppose.
-Ton bien-être, tu le retrouves là- dedans?
-Mon bien-être? Je vais bien donc oui?
-Aller bien sur l'instant T, c'est très bien. Mais je parle de ta personne, au plus profond de toi, comment est-ce que tu vis le poids de ces attentes? Au vu de ce que tu me dis, certains pourraient te comparer à une forme d'expérimentation, qu'en dis-tu?
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La couleur de notre innocence
General FictionHuit lycéens, des vacances de Noël, ils pensent bien se connaître, mais ils ont tous leurs secrets. Comment trouver son identité dans un monde où la recherche du bonheur est l'objectif suprême, alors que le mal-être et les doutes sont omniprésents...