La couleur de notre innocence

22 minutes après la fin

Trigger Warning : ce texte aborde des sujets qui peuvent être complexes pour certaines personnes. Pensez à en parler et à trouver une source d'aide pour ne pas rester seul.e dans une telle situation, prenez soin de vous nos lecteurs <33

10h12

Mais comment j'ai fait pour me retrouver ici ? Comment on a fait pour se retrouver tous ici ? Jamais j'aurai pensé qu'on puisse en arriver là. Après toutes ces années ensemble, à rire, pleurer, on semblait si heureux et pourtant, toi tu ne l'étais pas vraiment. Pourquoi l'avoir fait ? Pourquoi nous avoir fait ça ? J'aimerais pouvoir remonter le temps, revenir à ces moments où tu étais si triste et te prendre dans mes bras, te consoler. Mais pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt ? Pourquoi il a fallu que tu disparaisses pour que j'en prenne enfin conscience ? Je sens mon cœur se remplir de tristesse et de remords. Je n'arrive même pas à poser les yeux sur ton cercueil, ne m'en veut pas. Alors je regarde ce ciel gris. Un gris maussade, morose, terne, triste, tout comme cette journée, qui n'aurait jamais dû arriver. Ce temps me rappelle ce même jour où je pensais enfin être libéré de mes peines, alors qu'aujourd'hui, il me ramène à toutes celles que tu as vécu en silence sans jamais qu'on l'apprenne. Je m'en veux énormément de ne pas avoir vu ta souffrance, de ne pas t'avoir aidé avant. Mais il est trop tard à présent. Tu es partie. Donc je te confie à lui, celui qui saura prendre soin de toi. Celui qui saura apaiser tes douleurs et ta peine. Et cette belle rose avec une belle tige verte, je te la dédie. On dit souvent que la vie est un cycle, la terre reprend ce qu'elle a donné. Je peux dire que tu es un peu comme toutes ces fleurs et ces plantes, douce et forte à la fois, mais fragile aussi. C'est ce qui faisait ta beauté. Je ne m'inquiète plus, je sais que là où tu es, tu ne pourras qu'être mieux. Et enfin, j'ai espoir de te retrouver, de n'importe quelle forme qu'elle soit, tant que ton esprit et ton cœur sont apaisés.

10h15

Me retrouver dans ce lieu me rappelle tant de mauvais souvenirs. Des souvenirs que j'essaye tant d'oublier. Encore une fois, je me sens coupable, ce n'est pas moi qui l'ai tué cette fois, pourtant la culpabilité est grandissante à chaque pas qu'on fait pour se rapprocher de cette tombe. Ce n'est pas moi qui l'ai tué, cette fois? hein?! J'ai déjà une mort sur la conscience, en voilà une seconde. Un sucuide! Meuf, tu t'es donné la mort!! Mais pourquoi? Pourquoi je n'étais pas là pour voir à quel point tu n'étais pas bien? Pourquoi j'étais trop perdue dans ma propre peine pour voir celle des autres, et les soutenir? Pourquoi passe-t-on son temps à se renfermer sur soi, s'enfermant dans sa propre bulle, au point d'aller jusqu'à éclater? Je suis tellement bouleversée, j'arrive à peine à avancer, mon estomac se serre, mon corps est tendu, mes yeux sont irrités à force d'avoir trop pleurer. Je n'ai pas la force d'aller encore une fois jeter une rose sur cette tombe. Mais il le faut, je me dois d'honorer ta mémoire, mon amie. Je choisis une rose de couleur rose, je garde la couleur blanche pour ma petite soeur, j'espère que tu ne m'en voudra pas. Même si tout n'était pas rose chez toi. Même si tout n'était pas rose dans ton esprit. J'espère que tu trouveras la vie en rose au Paradis.

10h21

C'est la première fois que je me retrouves à un enterrement. L'ambiance est tellement morose, des frissons sont présents en permanence dans mon corps, comme s'ils me rappelaient que, moi, je suis toujours en vie. On devrait célébrer la vie, pas pleurer la mort. Même si j'avoue que celle ci est violente, une mort voulue, si jeune. Avec soi disant pleins de choses à faire encore, c'est ce que diront les vieux. Ils diront que c'est du gâchis, que les jeunes sont faibles et comprennent pas la chance qu'ils ont d'être en vie. C'est vrai, on oublie la chance qu'on a d'être en vie, on s'en rend compte lorsqu'on est face à la mort, lorsque la mort nous frappe en pleine face. Rendant tous nos problèmes tellement minables, remettant tout à zéro, rappelant que la vie a un goût amer si elle ne peut plus être vécue. Mais par contre dire que ma Nattalie était une faible parce qu'elle s'est donné la mort, je ne suis pas d'accord. C'est nous les faibles. Nous qui ne comprenons pas pourquoi elle a fait ça, nous qui faisions partie de son quotidien et qui sommes passés à côté de tout. Tout. Tous ces malheurs, tous ces problèmes, toutes ces pensées négatives d'elle-même. Pensant que tout est okay et que rien n'est grave. Mais la voici la gravité des actes de chacun! Célébrer la vie hein. Mais bordel, quelle vie?! 17 ans de vécu. Seulement 17 ans. Surement quelques moments heureux passés en notre compagnie, enfin j'espère au moins ça. Mais tellement de moments de solitude. Il faut se sentir tellement seule pour penser que notre vie n'est pas assez importante, n'est pas assez intéressante pour ne plus continuer. Elle a vécu avec ce sentiment de solitude et elle est morte seule dans sa salle de bain, quelle dure réalité. Tous les jours, je me promets de penser à elle. Faire vivre sa mémoire avec nous. Jamais je ne pourrais l'oublier. Une vie si courte, une personne aimante, une morte si violente, c'est sûr que c'est marqué à jamais. C'est à mon tour de jeter une rose sur cette tombe marron. Jusqu'au bout cette couleur nous suit, elle sera bientôt ensevelie de la terre marron, permettant à son âme de s'envoler.