Chapitre 5 : Héméra

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La pluie tambourine encore plus fort contre les fenêtres, renforçant la tension déjà palpable dans le bureau feutré du directeur. Chaque goutte semble ajouter un poids supplémentaire aux secondes qui s'étirent, spectatrices silencieuses de l'affrontement qui se joue ici.

- Monsieur, vous devez me croire... Pearl et moi, ce n'était qu'un malentendu !

Esmé s'acharne, sa voix crissant, insistante et désespérée. Elle lève à nouveau ses yeux pour tenter de capter une once de compassion chez M. Noullel, mais il ne se laisse pas fléchir, son regard sur elle aussi immuable qu'une falaise. Je suis là, impassible, mes bras croisés. Je ne ressens rien d'autre que de l'irritation devant son spectacle. Toute tentative de maquiller sa culpabilité par des larmes de crocodile me dégoûte. Mais je sais qu'intervenir lui donnerait plus de combustible pour m'atteindre. Elle attendait exactement ça.

- Pearl, bon sang ! s'emporte Esmé, ses traits se durcissant. Explique à M. Noullel qu'on a...

- Esmé Diaz ! interrompt le directeur, sa voix augmentant d'une octave. Vous me l'avez déjà dit. Et vous aussi, Pearl Deloria, malgré votre silence.

Je le vois tourner son regard vers moi, un éclat de suspicion dans ses yeux. Mais je n'ai aucune intention de me jeter dans cette fosse. Esmé recommence à marmonner, ses lèvres bougent de manière frénétique à mesure qu'elle carbure à son ordre du jour : se sauver aux dépens de quiconque, moi en l'occurrence. Elle est douée pour faire culpabiliser les autres.

- C'est pathétique, Esmé, lâché-je finalement, las de son théâtre ubuesque. Ma voix résonne dans le bureau, froide. Tu sais très bien ce que tu as fait. Et je ne vais pas m'y mêler pour te sauver la mise.

Esmé se tourne vers moi brusquement, comme si mes mots décrivaient une force capable de la heurter physiquement. Ses yeux lancent des éclairs, quelque chose de dangereux dans leur éclat, une promesse de revanche.

- Ne fais pas l'innocente avec moi, Pearl. Tu te crois maline, mais tu ne vas pas t'en tirer comme ça.

- Ça suffit ! réplique M. Noullel, sa patience visiblement à bout. Sa main claque sur le bureau, marquant la fin de la discussion. Deux heures de retenue demain pour chacune, c'est sans appel et c'est la dernière fois que j'entends quelque chose à ce sujet !

Je la déteste, une vraie peste.

Esmé croise les bras, son expression se figeant dans une moue de dédain. Elle bouille de rage. Je peux presque visualiser une fumée invisible s'élevant d'elle, ses cheveux blonds tombant comme un rideau autour de son visage, à peine voilé de haine. Je la surpasse à contrecœur pour atteindre la porte, m'évitant un dernier regard.

- Comme vous le désirez, Monsieur, murmuré-je en me dirigeant vers la sortie, laissant l'atmosphère hostile se dissiper derrière moi.

Ma journée de demain est déjà planifiée : deux heures où les mots d'Esmé parviendraient sans doute à essayer de me briser davantage. Mais il y a une satisfaction étrange dans son échec actuel. La tempête dehors continue, un écho de cette rivalité naissante qui ne ferait que s'amplifier à l'avenir.

Je pousse doucement la porte du bureau du directeur, et l'air frais du couloir me frappe aussitôt. La luminosité atténuée du jour filtre à travers les fenêtres le long du couloir, dessinant des motifs abstraits sur le sol. Les ombres des branches d'arbres dansant sur le panneau de linoléum accentuent l'atmosphère pesante que je viens de quitter.

Avisant le chemin à travers le corridor, j'entends le bruit précipité des talons d'Esmé derrière moi. Je ne me retourne pas, mais ses larmoiements hystériques m'atteignent tout de même, chaque mot empreint du sel amer de son humiliation. Elle ne tarde pas à me dépasser, se dirigeant droit vers une silhouette que je reconnais trop bien. Elijah, le copain d'Esmé, se tient à l'autre bout du couloir, nonchalamment adossé contre un casier. Son allure décontractée contraste avec la tension grandissante qui émane d'Esmé. Dès qu'il l'aperçoit, une lueur de satisfaction éclaire son visage, et un sourire suffisant s'étire lentement sur ses lèvres.

Under The raven's featherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant