**La Descente**

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Le soleil commençait à se coucher lorsque Delilah retourna au club. Sa démarche était plus lourde que d'habitude, comme si le poids de chaque mission la rapprochait un peu plus de l'abîme. Elle venait d'accomplir une nouvelle vengeance, d'ajouter un autre nom à la liste des hommes qui devaient payer. Sheldon Field, le hacker, n'était plus qu'un souvenir sanglant.

Elle entra dans la salle principale du **Hell's Sons**, ses bottes martelant le sol en bois avec une résonance presque sinistre. Les membres du club étaient là, chacun occupé à leurs affaires. Certains riaient, d'autres buvaient ou jouaient aux cartes. Mais l'ambiance se figea légèrement lorsqu'ils aperçurent Delilah. Ce n'était plus un secret pour personne que quelque chose de sombre se tramait autour d'elle.

**Swart** était assis à une table, à discuter avec **Noel**, le sergent d'armes du club et son meilleur ami. Dès qu'il la vit entrer, Swart se leva, comme toujours, inquiet pour elle. Il savait que chaque nouvelle cible qu'elle abattait la changeait, l'entraînant toujours plus loin dans les ténèbres. Il ne disait rien, mais le poids de cette inquiétude se lisait dans son regard à chaque instant.

**Noel**, de son côté, était plus léger, moins enclin à se perdre dans les pensées obscures de Swart. En tant que sergent d'armes, il était responsable de la sécurité du club, mais il n'avait pas cette aura de mélancolie qui entourait parfois son ami.

« Eh bien, t'as l'air d'avoir passé une sale journée, » lança **Noel**, son ton moqueur adouci par un sourire sincère.

Delilah, malgré la fatigue qui pesait sur elle, répondit par un sourire en coin. « Tu peux dire ça. »

« J'parie que tu l'as fait parler, non ? » continua Noel, haussant un sourcil d'un air amusé.

Delilah hocha la tête, toujours en retrait, son esprit encore embrouillé par l'adrénaline de sa rencontre avec Sheldon.

« On peut dire ça. Disons que j'ai utilisé des méthodes... convaincantes. » Elle jeta un regard rapide à Swart, puis revint sur Noel. « Et maintenant, on a ce qu'il nous faut pour les prochaines étapes. »

Noel tapota l'épaule de Swart. « J'vous laisse. J'ai des trucs à régler avec les gars. » Il leur fit un clin d'œil avant de s'éloigner, laissant Delilah et Swart seuls.

Swart la fixa, ses yeux parcourant son visage, cherchant des réponses qu'elle n'était pas prête à donner.

« C'était nécessaire, tu le sais, » dit-elle doucement, avant même qu'il ne puisse parler.

« Ouais, je sais, » répondit Swart, mais son ton trahissait une autre émotion. « Mais ça ne veut pas dire que j'aime voir ça, D. Tu changes. Chaque fois que tu rayes un nom de ta liste, je sens que tu t'éloignes un peu plus. »

Delilah détourna le regard, une vague de culpabilité la traversant. Elle savait qu'il avait raison. La vengeance la consumait, et elle le sentait dans chaque fibre de son être. Mais elle ne pouvait pas s'arrêter, pas maintenant.

« Je n'ai pas le choix, Swart. » Sa voix était basse, presque un murmure. « Ces hommes... ils m'ont volé ma vie. Je dois les faire payer. »

« Je comprends. » Il s'approcha d'elle, posant doucement une main sur son épaule. « Mais tu dois savoir qu'il y a une différence entre se venger et se perdre. Je veux pas te voir disparaître dans cette rage. »

Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant, Delilah sentit cette même chaleur, cette même tendresse qu'il lui avait déjà montrée. Mais cette fois-ci, elle ne se laissa pas submerger par les émotions. Elle ne pouvait pas. Pas après tout ce qu'elle avait traversé.

Swart se recula, sentant qu'elle se fermait à nouveau. « Si tu continues à tout garder pour toi, tu finiras par éclater. Je suis là, tu sais. Je t'ai déjà dit que tu pouvais me parler. »

Delilah esquissa un sourire amer. « Peut-être un jour. Mais pas aujourd'hui. »

Elle tourna les talons et s'éloigna, laissant Swart dans une frustration silencieuse. Il la connaissait mieux que quiconque dans ce club, et pourtant, il se sentait impuissant face à ce qu'elle devenait.








Plus tard dans la nuit, alors que tout le club était endormi, **Delilah** s'enferma dans sa chambre. Le silence pesait lourdement sur ses épaules. Le monde semblait se refermer sur elle, et cette sensation familière, cette présence, se faisait plus forte.

Elle se regarda dans le miroir, son reflet paraissant flou, presque étranger.

« Pourquoi tu fais ça, hein ? » murmura une voix, la sienne, mais différente. **Elle** était là, sa conscience, ce double intérieur qui la tourmentait, qui la maintenait prisonnière de son propre esprit.

« C'est ce que tu voulais, non ? Te venger ? Alors pourquoi tu te sens si vide ? » La voix ricana doucement, une moquerie dans chaque mot.

Delilah se recula, sentant une vague de vertige. **Elle** apparaissait souvent dans ces moments-là, quand le poids de la réalité devenait trop lourd à porter. Sa double personnalité, née des traumatismes, des viols, des manipulations qu'elle avait subis. **Elle** était toujours là pour la maintenir dans un équilibre précaire entre la vengeance et la folie.

« Laisse-moi tranquille... » murmura-t-elle, ses mains tremblant légèrement.

**Elle** ria doucement, moqueuse. « Pourquoi ? Tu sais très bien que tu ne peux pas te débarrasser de moi. Je suis toi. Je suis celle qui t'a aidée à survivre. Sans moi, tu serais encore sous leurs griffes. Tu serais encore leur jouet. »

Delilah se laissa tomber sur son lit, ses mains se plaquant contre ses oreilles, comme si cela pouvait faire taire la voix dans sa tête.

« Tu crois vraiment que Swart peut te sauver ? » continua **Elle**, implacable. « Il ne te connaît pas. Pas comme moi. Il ne sait pas ce que tu as traversé, ce que tu ressens à chaque fois que tu touches quelqu'un, que tu t'ouvres à eux. »

Les larmes commencèrent à couler sur les joues de Delilah. Elle savait que **Elle** avait raison, en partie. Mais elle refusait de céder entièrement à cette noirceur.

« Tu es faible, Delilah. Et tu sais pourquoi ? Parce que tu crois encore que tu peux être sauvée. »

La voix s'amplifiait, résonnait dans sa tête comme un écho incessant. Delilah serra les dents, luttant contre le désir de se laisser aller à la folie.

Elle ferma les yeux et se laissa tomber dans son « jardin secret », cet endroit qu'elle avait créé mentalement pour échapper à la réalité. Là, elle pouvait se perdre, se détacher de la douleur, de la voix dans sa tête. Mais même ici, **Elle** était présente, se tenant juste à la lisière, toujours prête à la ramener dans l'obscurité.

« Je vais te protéger, » murmura la voix, plus douce maintenant, presque maternelle. « Je suis tout ce qu'il te reste. »

Delilah se recroquevilla, cherchant à fuir cette vérité. Mais au fond d'elle, elle savait que **Elle** avait raison. Plus elle avançait sur le chemin de la vengeance, plus elle s'éloignait de la personne qu'elle était autrefois.

El DiabloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant