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Ellie était restée en Australie, seule avec Livai. Depuis cette soirée douloureuse, depuis cette confrontation brutale avec son père et cette déchirante dispute avec Billie, elle avait pris ses distances. Le monde extérieur ne semblait plus avoir de place dans son quotidien, sauf pour Livai, qui lui apportait un peu de réconfort. Elle s'était enfoncée dans une sorte de solitude, une prison intérieure dont elle seule détenait la clé, mais elle n'était pas encore prête à la tourner.

Chaque jour, elle promenait Livai sur les plages désertes au lever du soleil, respirant l'air frais de l'océan, se laissant submerger par l'immensité du paysage. Mais même l'océan, avec son bleu profond, ne pouvait dissiper la noirceur qui l'envahissait. Le bleu semblait représenter cet espace où elle était désormais piégée : un bleu profond, sans fond, où elle se noyait doucement, tout en gardant l'apparence de flotter.

Les appels et les messages de Kate étaient restés sans réponses approfondies. Ellie ne cherchait pas à couper totalement les ponts avec elle, mais chaque tentative de conversation se soldait par un échange superficiel, un sourire forcé, une fausse légèreté. Kate essayait de la percer à jour, de comprendre ce qu'elle traversait, mais Ellie n'autorisait personne à s'approcher trop près de ses sentiments réels. Elle laissait planer une impression de rétablissement, un espoir, une illusion que tout allait mieux. Mais c'était un mensonge. Elle se noyait, sans crier à l'aide.

Son esprit ne cessait de tourner en boucle, révisant les événements des derniers jours comme un film qu'elle ne pouvait pas arrêter de regarder. Elle revoyait le visage de son père, ce mélange de froideur et de déception. Revenir en arrière, revivre cette douleur, c'était comme être à nouveau abandonnée, comme si le temps n'avait jamais vraiment guéri ces blessures profondes. Elle avait essayé de l'oublier, de ne plus penser à lui, de se reconstruire. Mais il avait fallu une seule rencontre, une seule soirée pour tout raviver.

Puis, il y avait Billie. Celle qui avait tout fait pour la rassurer, pour être là pour elle, celle qui avait essayé de comprendre ses silences, ses blessures. Et Ellie, en retour, avait tout gâché. La dispute lui revenait sans cesse, chaque mot prononcé résonnait dans sa tête comme un coup de marteau. Elle avait été dure, injuste même. Mais au fond d'elle, elle savait qu'elle n'avait pas eu d'autre choix. Pour protéger Billie, pour se protéger elle-même.

Elle avait pris la décision de mettre de la distance. Ce choix lui paraissait nécessaire, presque inévitable. C'était douloureux, oui, mais elle était convaincue que c'était la seule chose à faire. Billie n'avait pas besoin d'être aspirée dans son chaos. Billie avait déjà traversé ses propres tempêtes, elle en avait réchappé, elle était plus forte maintenant, plus équilibrée. Et Ellie ne voulait pas être celle qui viendrait briser cette paix retrouvée.

Demain, elle avait un avion à prendre pour Paris. Un voyage qu'elle avait planifié depuis des semaines avec Joan et Aubrey. Un voyage qu'elle attendait avec impatience, autrefois, mais qui maintenant lui semblait presque irréel. Elle se sentait étrangère à l'idée de rejoindre ses amis, à l'idée de retrouver leur complicité, leur énergie. Pourtant, elle savait qu'ils étaient ceux qui pourraient peut-être la comprendre, ceux qui connaissaient presque tout d'elle. Joan et Aubrey avaient toujours été là, même à distance, même dans les moments les plus sombres. Mais Ellie se demandait si, cette fois, ils pourraient vraiment l'aider. Cette douleur qu'elle portait était différente.

Elle commença à préparer ses affaires, rangeant soigneusement ses vêtements dans sa valise, essayant de se concentrer sur cette tâche simple pour échapper à ses pensées. Chaque geste était mécanique, presque dénué de vie. Livai la regardait, allongé sur le sol, ses yeux brillants suivant chacun de ses mouvements, comme s'il sentait que quelque chose n'allait pas. Elle s'accroupit à côté de lui, caressant doucement sa fourrure, cherchant dans ce contact un peu de réconfort.

« Ça va aller, » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour son chien. « Ça va aller. »

Mais même en disant ces mots, elle n'y croyait pas vraiment. Elle espérait simplement que ce voyage à Paris pourrait changer quelque chose, lui offrir une sorte de répit, une pause dans ce tourbillon émotionnel qui menaçait de l'engloutir complètement.

En pliant une dernière chemise, elle jeta un coup d'œil à son téléphone posé sur le lit. Pas de nouveaux messages. Billie n'avait pas cherché à la contacter depuis leur dernière conversation, et Ellie n'avait pas eu le courage de faire le premier pas. Pourtant, une partie d'elle en mourait d'envie. Elle pensait sans cesse à Billie, à ce qu'elle avait ressenti en la repoussant, à la douleur qu'elle avait dû lire dans ses yeux. Mais c'était mieux ainsi, elle en était certaine. Billie méritait quelqu'un de plus stable, quelqu'un qui ne la ferait pas souffrir. Et Ellie... Ellie devait apprendre à se réparer seule, avant de pouvoir laisser quelqu'un entrer de nouveau.

Elle se murmura une dernière fois que tout irait bien. Peut-être que ce n'était qu'une illusion, mais pour l'instant, c'était la seule chose qui lui permettait d'avancer, un pas après l'autre, dans cette obscurité.. Mais quelque part, tout au fond, elle gardait un infime espoir : celui qu'un jour, ces murs finiraient par tomber, et qu'elle pourrait de nouveau laisser entrer la lumière.

𝐁eyond the Lens - b.eOù les histoires vivent. Découvrez maintenant