Destins Confondus

Chapitre 9

-Putain... souffle Aaron en maintenant sa garde face à moi, un sourire aux lèvres. Même avec une gueule de bois tu me martyrises.

-Faut bien croire, je ris en reprenant mon souffle également en essayant de passer outre ma tête lourde.

Notre fête d'emménagement a peut être duré un peu trop longtemps hier soir. Je me suis réveillée ce matin, la tête enfouie dans mon oreiller. Je ne suis pas du genre à boire jusqu'en être mal en point d'habitude, je sais pas ce qui m'a pris. J'avais peut être besoin d'alléger un peu mon esprit après les aveux que j'ai fait à Blake. Ce que je regrette d'ailleurs.

Les salles d'entraînement de Ruby sont étonnamment ressemblantes à celles que nous utilisions au camp Diamant ; de longs tapis de combat verts entourés de sacs de frappe noirs le tout dans une immense salle pouvant recueillir plus de deux cent personnes. Carla ne se sentait pas assez bien pour pouvoir assister à notre entraînement matinal, alors je suis partie seule avec Aaron. Ce dernier, ne buvant pas d'alcool, est toujours volontaire pour ce genre de séance de combat, à mon plus grand bonheur.
Nous enchaînons les échanges de coups, d'esquives, de parades et tout ce qui s'en suit pendant une bonne heure et demie.
Il s'apprête à lancer son poing vers mon ventre, ce que j'esquive de justesse vers sa droite avant de concentrer toute ma force vers son foie. Je le vois tituber lorsque mon coup de pied le heurte. Je suis sur le point d'enchaîner lorsqu'il élève sa paume de main vers moi en essayant de respirer correctement.

-Ça va ? Je demande en laissant soudainement tomber cet air sérieux que j'use durant mes séances d'entraînement.

-Ouais t'inquiète pas, juste besoin d'une petite pose, il me rassure en s'étirant tous les membres de son corps.

-On peut même s'arrêter si tu veux, ça va faire plus d'une heure qu'on est en combat intensif, je propose en me laissant tomber sur les fesses avant de m'étendre sur le sol comme une étoile de mer.

Mon sympathique opposant fait de même et s'allonge plus lourdement que moi dans de grandes plaintes presque théâtrales, ce qui me fait beaucoup rire. Personne n'est encore debout alors nous avons la salle pour nous seuls. Du moins c'est ce que je pensais avant d'entendre les portes du vestiaire une dizaine de mètres derrière. Curieuse, je relève légèrement la tête du tapis pour apercevoir une silhouette aux cheveux blonds rasés qu'il m'est aisé de reconnaître. James vient vers nous, sa serviette pendue à son avant bras et sa gourde dans la main.

-Je vois que ça a bossé depuis l'aube, dit-il en tapant avec son poing le mien que je lui tends en signe de salutation avant qu'il ne fasse de même avec Aaron.

Il renvoie un air beaucoup plus sérieux dans cette tenue d'entraînement. Son expression est elle aussi beaucoup plus stricte qu'hier. Sans en demander plus, il va se positionner devant un des sacs et s'échauffe en donnant d'abord de petits coups. Ses mains bandés se mettent à frapper de plus en plus fort jusqu'à ce que les coups émettent de puissants bruits sourds.
Je peux voir la sueur perler sur la peau foncée de mon coéquipier à terre pendant qu'il étire ses muscles tracés. Je me mets à faire pareil et me lève finalement vers la sortie. Je pense à faire un signe amical à James mais il semble trop concentré sur son entraînement alors je ne me risque pas à le déranger.

Aaron décide de rester plus longtemps alors je rejoins les vestiaires sans l'attendre et récupère mes affaires dans mon casier. Alors que je déverrouille ce dernier, j'entends le grincement de la porte extérieur avant de voir entrer Blake vêtu d'un simple jogging blanc et un pull fin de la même couleur. Nos regards se croisent brièvement mais pas un mot ne sort de ma bouche. Après tout ce que j'ai dévoilé hier sous le coup de l'émotion il doit sûrement me voir comme quelqu'un de faible. Je ne lui ai montré que ça après tout.
Je m'assois sur le banc central du vestiaire aux casiers marrons et enfile mes baskets. Alors que je pensais qu'il ne me prêtait pas plus d'attention que ça, je pourrais jurer l'avoir vu me jeter une œillade rapide par dessus son épaule avant de retirer son haut. Je découvre toute la musculature de son dos parsemé de dizaines de longues et larges cicatrices. Je ne me retiens pas de détailler ses tatouages tracés en forme de roses sur la partie gauche de son dos.
Ce serait mentir que de dire que sa peau gravée d'encre et de cicatrices ne m'impressionne pas. J'ai déjà dû soigner des soldats marqués par les guerres, mais je n'avais jamais vu autant.
Mais dès lors qu'il amorce un mouvement pour se retourner, je fais mine de détourner le regard vers mes affaires à un mètre de moi. Je sens ses yeux se poser sur moi avant qu'il ne quitte la pièce sans rien ajouter.
Je fronce les sourcils en repensant à ce que je venais de voir et me lève soudainement pour quitter le gymnase, mon sac d'entraînement sur l'épaule.