Daphnis était un garçon normal.

Il vivait dans la campagne près de la toute jeune Athènes, allait à l'école de son village, travaillait à la ferme de ses parents. Ils vivaient une vie pauvre mais heureuse. Daphnis aimait leur rendre service et gardait même parfois les troupeaux quand il avait du temps. Il adorait les animaux. Il avait une chèvre, qu'il avait appelée Pan. C'était une chèvre naine, toute blanche avec une tâche marron sur la tête, et des toutes petites cornes. La nuit, quand ses parents étaient endormis sur leur couche de paille, il la faisait rentrer dans la maison pour qu'elle dorme avec lui. Elle lui tenait chaud et était toute douce.

Du haut de ses six ans, il faisait la fierté du patelin. Il était intelligent, serviable, attentionné. C'était un enfant rayonnant, avec de longs cheveux blonds et lisses qui ressemblait à de fins fils dorés que Arachnée elle-même aurait pu tisser. Il avait une peau blanche et pâle, comme de la porcelaine, luxe qu'on ne pouvait s'offrir par chez lui, avec un petit nez retroussé et des pommettes rebondies. Ses parents lui disaient souvent en souriant qu'il n'avait jamais perdu son visage de bébé. Ses yeux d'un bleu clair étaient curieux et perçants, et on lui disait d'ordinaire qu'ils ressemblaient aux flots azurs de la mer Egée, agités de tempête et bercés par le soleil. Lui n'avait jamais vu les vagues. Il préférait ce que lui disait son amoureuse Anastasia.


- Tu as les yeux plus bleus que le ciel. C'est comme si les oiseaux pouvaient voler dedans, et partir en migration vers les mers du sud.


Elle avait neuf ans, et elle était devant lui en classe. Ses cheveux bruns cascadaient jusqu'à son parchemin et chatouillaient ses mains. Elle était très jolie, et Daphnis l'aimait beaucoup. Un jour, elle lui offrit un caillou blanc percé de petites tâches d'or.


- C'est parce qu'il me fait penser à tes cheveux.


Le visage rouge, il avait pris la pierre pour le serrer fort dans sa petite main, et avait déposé un baiser sur la joue de la jeune fille. Anastasia avait rigolé, et lui avait fait un câlin. Suite à ça, il avait glissé le caillou dans la poche de son chiton de lin blanc, et l'avait laissé là, ne s'en départissant jamais. Lorsque c'était le jour de nettoyage et que sa mère emmenait sa tunique à la rivière pour la laver, Daphnis faisait attention à garder son trésor près de lui. Avec Pan, c'était ce qu'il avait de plus cher.

Il avait grandi avec les récits sur les Dieux, et dans le respect de leur grandeur. Il n'ignorait pas les règles, et prenait garde à les respecter. On lui avait raconté qu'il était nommé après Daphnis, fils d'Hermès et d'une nymphe, le berger devenu Dieu. Il s'était épris d'affection pour cette histoire, et avait nommé sa chèvre comme l'amoureux du pâtre. Il le priait, souvent, quand ses parents dormaient à côté.


- Daphnis, toi dont j'ai l'honneur de partager le prénom, fais que nos récoltes soient bonnes et que mes parents vivent longtemps. Ah, et fais que Pan m'accompagne toute ma vie s'il te plait ! Je te promets que quand je serais grand et que j'irais en ville, j'irais à ton temple tous les jours. Et j'apprendrais à jouer de la flûte !


Quand il allait cueillir des fleurs, il lui réservait toujours les plus belles. Quand il trouvait de jolies pierres - mais pas aussi jolies que celle que Anastasia lui avait offerte - il lui dédiait sur le petit autel qu'il avait dressé près de sa paillasse.

Il aimait se dire que le Dieu le lui rendait. Il ne rencontrait jamais de problème en gardant les troupeaux de sa famille, surveillant les chèvres en essayant de siffler avec les brins d'herbes qu'il ramassait. Jamais d'animaux sauvages, jamais de voleurs. Quelque part, le berger devait veiller sur lui.

A travers le StyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant