Plus tard dans la nuit, Hazel réveilla le chat qui prit le deuxième tour de garde. Rien d'étonnant ne s'y passa, bien que le marquis fût surpris de voir que les lanternes de la forêt brillaient toujours aujourd'hui. Il tourna autour du feu quelques heures puis s'en alla taper sur le front de Jack pour qu'il prenne la suite de la surveillance. Le garçon le fit avec peine, soupirs et grognements. Cela n'empêcha pas un seul instant le marquis de retourner dormir.
Le marquis se réveilla comme tous les chats. Dès que les rayons du soleil pointèrent le bout de leur nez, il ouvrit les yeux et s'étira de tout son long. Sa queue s'ébouriffa et il poussa un long et silencieux bâillement. Le matou bondit sur la tête de Hazel pour la réveiller. La jeune fille se redressa d'un seul geste et manqua d'envoyer le marquis dans le décor.
- Mauvaise idée, grommela Jack, assis à côté du feu, elle n'est pas du matin...
Le garçon n'avait pas l'habitude de dormir si peu lors de ses nuits. Bien sûr, pas question de faire la grasse matinée à Castel-Cariad, mais il n'avait pas besoin de faire le guet, là-bas. Cela faisait tellement d'heures qu'il reposait sa tête dans le creux de sa main qu'il craignait de ne pas réussir à l'en enlever. Heureusement, le chat vint lui décoller d'une gifle pour le réveiller pour de bon avant de s'en aller tirer la queue de Bayard pour éveiller à son tour le cheval. Tout ce beau monde redevenus conscients, ils prirent un petit-déjeuner rapide - Hazel fit des œufs et le marquis avala tout rond un poisson qui venait de ses réserves - et se remirent presque aussitôt en route. Félix chassa de quelques coups de bottes les restes du feu, comme inquiet qu'ils soient suivis, avant de rejoindre les autres à bord de la charrette.
Pour ce matin, ce fut Hazel qui prit les rênes de Bayard. Jack était trop fatigué de sa récente surveillance et tenait tout juste debout. Il se rendormit dans le chariot, assoupi sur les banquettes, la tête dans les poils tombés du chat. Ce dernier fit ses griffes sur un coussin, puis s'en alla rejoindre Hazel sur le banc du cocher.
Elle n'avait encore rien dit quant à sa rencontre de la nuit. Sur le bord de la route, elle ne vit plus aucun champignon et pas une lanterne. « Il est déjà repassé » se dit-elle. Elle espérait recroiser le bonhomme sur leur route, car la peur - ou une autre émotion qui faisait trembler - l'avait empêché d'être très précis quant à ce qui l'inquiétait, dans cette forêt. Alors Hazel passa de longues heures de ce jour à ruminer, à réfléchir, en craignant la seizième heure qui s'approchait inexorablement.
Une grande partie du jour se passa sans grands évènements. Jack se réveilla et cueillit quelques fruits lors de leur arrêt de midi pour éviter de trop épuiser les stocks. Le garçon préconisa en effet de se nourrir des « offrandes des bois » avant d'attaquer trop sèchement leurs réserves. Le chat, qui n'aimait guère les fruits, fit non de la tête avant de déguster quelque morceau de viande sèche qu'il gardait précieusement.
Rapidement, les jours s'enchaînèrent. Des jours calmes, où tout se ressemblait et rien ne venait inquiéter les voyageurs. Jack commençait à se demander si cette « grande aventure » n'était pas qu'un genre de vacances. Hazel, en revanche, se rappelait chaque jour des paroles du Falotier mais, plutôt que de s'en inquiéter, elle bouillonnait à l'idée de découvrir si elles étaient ou non fondées.
Après quelques jours à siffloter et flâner sur la route, les arbres de la forêt s'écartèrent davantage de la route. La jeune fille fit ralentir Bayard lorsqu'elle remarqua des toits et des murs qui pullulaient devant eux.
Aucune maison ne se tenait droite. Ces cahutes penchaient ou se tordaient avec une drôle d'allure. Les tuiles étaient colorées et les murs criards. On aurait dit des maisons faites en pain d'épice et en confiseries, prêtes à être dévorées par le premier passant. Pourtant, des cheminées s'échappait de la fumée qui se rassemblait en un épais nuage, au-dessus du hameau. Pas une âme ne peuplait les sentiers du village, ce qui inquiéta aussitôt Hazel. Les volets étaient clos, tout comme les portes. Aucune lumière ne glissait de derrière les fenêtres et pas un seul bruit étouffé ne sifflait hors des chaumières. Elle finit par arrêter entièrement le cheval lorsqu'elle remarqua que le chat, lui aussi, paraissait inquiet. Il s'était levé du banc et se tenait sur ses deux pattes arrière, les oreilles dressées, les yeux perçants.

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MERVEILLE
FantasyQue se passerait-il si les contes continuaient au-delà de leur fin ? Le royaume de Merveille abrite toutes les fées, princesses, sorcières et tous animaux doués de la parole que l'on peut imaginer. Il y a des décennies de cela, tous ce sont rangés d...