Un thé chez les fous - II

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Lorsqu'Hazel rouvrit les yeux, elle se trouva sans blessure dans un endroit nappé de brume. Elle était allongée au sol sur une herbe froide et humide. Elle se releva et vit, tout autour d'elle, des pins et des sapins, dont les troncs solides portaient comme des piliers le ciel sur leurs épaules. Elle voulait appeler quelqu'un, quiconque, mais quelque-chose l'empêchait de parler. Sa voix ne quittait pas ses poumons, elle ne vibrait pas dans ses cordes vocales et ne s'échappait pas au-delà de sa gorge. Elle tourna, regarda tout autour d'elle, mais tout se ressemblait, ici. Seule cette clairière dans laquelle elle se tenait ne se perdait pas dans une immensité identique. Le brouillard l'empêchait de voir très loin et des sons inquiétants se réverbéraient, sans origine, entre les arbres. Des grognements et des cris bestiaux, comme si une meute tout entière rôdait autour d'Hazel, sans qu'elle puisse en entendre les pas ni en voir les silhouettes. Seuls les hurlements sombres et les crachats d'entre les crocs lui parvenaient.

Elle se tint sur ses gardes, les bras près du corps. Le froid la mordait et ses jambes tremblaient. Malgré tout, elle réussit à balbutier quelques mots :

- Qui... qui est là ?

Hazel le savait, ces bruits ne pouvaient venir de simples loups. C'était tout autre chose qui tournait autour de sa clairière. Une chose invisible, mais diablement plus monstrueuse ainsi que si elle avait pu en examiner les traits. Les bruits se rapprochèrent et elle crut sa fin toute proche, elle aussi. Comment lutter contre une meute impossible à voir ?

Elle entendit le son d'un bond dans la brume et le cri d'une bête qui passe à l'attaque. Hazel ferma les yeux et tomba.

Une seconde fois, elle ouvrit les yeux. À nouveau, cet endroit ne lui dit rien, mais elle parut déjà moins inquiète que lors de son premier réveil.

- Un rêve, marmonna-t-elle entre ses dents. Quelle idiote je fais !

Autour, elle reconnut les chênes du bois et les dalles qui couvraient son sol. Elle était revenue, à n'en point douter.

Hazel se redressa et remarqua qu'on l'avait couché quelque-part. C'était un parterre de fleurs et de champignons qui poussaient malgré la pierre qui lui avait servi de matelas. Les maison s'étaient évanouies, elle se trouvait au cœur du bois, bien loin de la route ou du hameau. Impossible, pour Hazel, de se repérer et de savoir où elle pouvait exactement se trouver.

À ses pieds, elle trouva Bayard, de la taille d'un poulain, qui s'était assoupi à côté d'elle. La jeune fille lui caressa le dessus de la tête, ce qui réveilla aussitôt le cheval. Ce dernier, enthousiaste, posa sa tête contre les genoux de la jeune femme, comme un chat ou un chien heureux de revoir son maître.

Peu à peu, les souvenirs revinrent à Hazel et elle se rappela sa blessure. Elle souleva son pourpoint et regarda son ventre : la plaie était désinfectée, soignée et couverte d'une excellente manière par des bandages comme tissés par des vers à soie.

- Ce n'est pas ma plus belle création, mais vous vous remettez plus vite que quiconque, alors je n'ai que peu de crainte.

Hazel entendit cette voix, sage et grave, et la chercha du regard. Pourtant, elle ne vit rien. Pas un mouvement dans les buissons immobiles, pas un bruissement dans les feuillages. Rien.

- Ici, jeune fille. Juste à côté de vous.

Elle suivit le bruit de la voix et, sans grande conviction, se pencha près d'un des champignons qui composaient son lit. Là, sur le chapeau, elle vit une chenille. Un bombyx au corps gonflé et azur, décoré de quelques reflets mauve. L'insecte se dressait sur la moitié inférieur de son corps pour paraître plus grand. Ses multiples pairs de mains - toutes gantées de blanc - tenait un houka qu'il crapotait régulièrement. Les ronds de fumée qu'il formait avec cet outil n'était pas plus grand que des bagues pour Hazel, qui les chassait avant qu'ils n'atteignent son visage.

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