Chrysalide - Take Flight

Chapitre 1 - Le début de la fin

Je suis là, accroupie sur les marches, une main accrochée à la rampe, l'autre serrée contre ma poitrine, comme si je pouvais calmer les battements furieux de mon cœur. En bas, leurs voix résonnent, se fracassent comme des vagues contre les murs de cette maison qui ne sera bientôt plus la mienne. Je ferme les yeux, espérant un silence qui ne vient jamais.

— Tu crois que tu peux juste partir comme ça, avec elle ? La voix de mon père est rauque, cassée.

Ce n'est pas seulement de la colère. C'est la peur qui suinte entre chaque mot. Ma mère ne crie pas encore, mais je sens qu'elle se retient. Elle ne va pas tarder à exploser.

— J'en ai assez, Paul. Assez de tes excuses. Tu dis que tu as changé, mais tu es toujours le même.

Le silence s'installe un court instant, avant que mon père ne riposte, la voix tremblante :

— J'ai fait tout ce que tu voulais, Julia. J'ai tout fait pour nous. Pour toi... et pour Nessa.

Je serre un peu plus fort la rampe. Mon prénom, balancé comme un bouclier dans cette guerre, me brûle.

— Une semaine, Paul. Dans une semaine, nous serons parties. Ma mère claque ces mots comme une sentence. Je me redresse légèrement, un nœud dans la gorge.

Mon père hurle presque.

— C'est ça ? Tu as rencontré quelqu'un d'autre, c'est ça ? C'est pour ça que tu fais ça.

Je voudrais ne pas entendre la suite, mais c'est impossible. Les mots traversent les murs, m'écrasent sous leur poids.

— Arrête tes conneries. Ce n'est pas à propos d'un autre homme. C'est toi, c'est nous. Je ne peux plus.

— Et moi ? Je fais quoi sans vous ? Tu crois que je vais laisser Nessa partir avec toi ? Que je vais te laisser détruire tout ce qu'il me reste ?

Je les imagine en bas, debout dans le salon, cette pièce où tout a toujours eu lieu, des fêtes d'anniversaire aux soirées télé en famille. Aujourd'hui, c'est la fin de tout ça.

Ma mère lâche une bombe.

— On verra ça avec les avocats.

Je sens la rage monter en lui, dans ses paroles qui fusent.

— Si tu l'emmènes, je... je recommencerai à boire. Est-ce que c'est ce que tu veux ? Que je replonge ?

Je suffoque en entendant ça. Il ne peut pas dire ça. Pas lui. Il ne peut pas me faire ça. Pas après tout ce qu'on a traversé. Ma mère reste silencieuse, et je sais que c'est fini.
Le claquement de la porte d'entrée résonne dans toute la maison. Mon père ne bouge plus. Moi, je me précipite. Je cours, mes pieds frappant les marches deux par deux, jusqu'à ma chambre, là où je peux encore échapper à tout ce bordel.

J'enferme ma porte à clé. Comme si ça pouvait vraiment me protéger. Je n'y crois pas une seconde. Je tombe sur mon lit, les larmes dévalant déjà mes joues. Tout est flou, tout est brouillard dans ma tête, mais une seule chose est claire : je vais devoir choisir. Et ça me détruit.

Je prends mon carnet à dessins. C'est la seule chose qui m'apaise encore. Le crayon glisse sur le papier, mais ce soir, rien ne sort comme d'habitude. Ce n'est pas le même genre de dessin. Ce n'est pas beau, pas apaisant. C'est sombre, rageur, violent.
Je revois mon père, cet homme qui a lutté si fort contre lui-même, contre cette bouteille qui lui a pris des années de sa vie, et presque toute la mienne. Je me souviens de ses yeux vides quand il buvait, et de la première fois qu'il a juré d'arrêter. Je l'ai vu se battre contre ça, et gagner. Mais ce soir, tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a réussi, semble sur le point de s'effondrer. Parce que si ma mère m'emmène loin d'ici, loin de lui, il n'y survivra pas. Et peut-être que moi non plus.