Chapitre 9,5 - Âme errante

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Nessa .. ou presque

Je flotte. Je ne sais plus où je suis. C'est doux ici, comme une mer de coton. Je me sens légère, vidée, presque sereine. Est-ce que c'est ça, mourir ? Ce silence, ce rien... ou peut-être ce tout ?
J'entends un murmure, une voix lointaine. Ma mère ? Non. Un souffle chaud, comme une main sur ma joue. Diego... Oui, c'est lui. Il m'appelle, je le sais. Mais je ne peux pas bouger, même si je le voulais. Je suis bien, ici, dans cet entre-deux où il n'y a plus de douleur, où il n'y a plus rien à prouver.

Je n'ai jamais voulu mourir. Je voulais juste une pause. Juste un instant sans avoir à ressentir ces mains sur moi, sans revivre encore et encore cette violence qui m'a volé tout ce que j'étais, ce viole. Tu comprends  ? J'avais besoin de fuir ce cauchemar, juste pour respirer un instant où mes pensées ne m'écraseraient pas de leur poids, de leur rage sourde.

Parce qu'on ne peut pas vraiment respirer quand une autre personne prend chaque parcelle de votre âme et la brise, morceau par morceau, comme une chose fragile qu'on piétine en prenant son temps. C'est ça, le pire. Ce n'est pas que je sois brisée d'un coup, c'est qu'on m'a détruite lentement, avec une douceur presque cruelle, me laissant encore moins que des miettes de moi-même.
Lui... mon premier amour, celui qui a vu chaque blessure, chaque fêlure en moi. Il a pris le temps d'enlever les épines de mon coeur, une par une, mais l'instant d'après il m'a jeté dans le rosier. Je pensais que rien n'y changerait, que seule la mort pouvait apporter cette sensation d'apaisement, cette fin au tourment.

Des images défilent dans le brouillard, des fragments de vie. Mes souvenirs flottent autour de moi comme des papillons, éparpillés, fragiles, prêts à disparaître. Mon premier rire, un rire d'enfant, éclatant et pur. Un soir d'été, avec les étoiles comme témoins. Diego, qui me regarde comme si j'étais la dernière lueur dans son monde.

Reste, murmure une voix au fond de moi. Mais partir, ce serait si facile... se laisser glisser dans cette lumière douce et réconfortante.
Je suis suspendue entre deux mondes, comme une étoile qui vacille. Un battement, une promesse fragile. Juste un souffle.
Diego, attends-moi... Je reviens.

Je le sens, sa rage, son désespoir. Diego se bat pour nous deux, pour moi. Il me cherche, il hurle, il tremble, il donne tout pour me sauver. Je ressens sa colère comme une vague qui brise chaque morceau de mon être encore un peu vivant. Il veut me sauver, il veut me garder auprès de lui, mais je sais que c'est trop tard. Je le déteste autant que je déteste tous les autres. Parce que tout ça, tout ce qu'il vit, tout ce qu'il fait, tout ce qu'il ressent, c'est à cause de moi. À cause de mes faiblesses, de mon incapacité à lui offrir autre chose que cette ombre brisée.

Et pourtant, je voudrais tellement être là, là où il est, à le serrer dans mes bras, sentir son souffle contre ma peau, sentir son cœur se battre contre le mien. Je voudrais prendre sa douleur, la fusionner avec la mienne, et l'embrasser dans cette danse de solitude, de souffrance et d'espoir. Mais je n'ai plus la force. Je suis vide. Et tout ce que je ressens, c'est cette douleur lancinante qui me dévore, me laisse sans voix, sans âme.

Pardonne-moi, mon ange. Pardonne-moi d'avoir laissé tout ça arriver. Pardonne-moi de t'avoir laissée, là, à lutter contre des démons invisibles que tu ne méritais pas. Pardonne-moi d'avoir cru que la fin serait un soulagement, un moyen d'échapper à cette douleur insupportable. Pardonne-moi de t'avoir abandonné, là où nos yeux se sont rencontrés pour la première fois, là où nos cœurs ont commencé à s'aimer avant même qu'on le comprenne. J'aurais dû me battre, me battre pour nous, mais je suis trop faible, trop épuisée.

Et tu es là, à te battre pour moi, à te battre pour ce qu'il reste de nous. Mais je ne peux plus. Je ne peux plus te suivre. Pardonne-moi, pardonne-moi d'avoir choisi l'oubli plutôt que de t'aimer comme tu l'aurais mérité.

Chrysalide - Take FlightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant