Les Rôdeurs de Minuit _ Partie 1 : Les Peurs Enfantines

Chapitre 7 : Les Jeux Interdits - 3eme Défi : L'Appel du Lac

Le troisième défi était celui qui faisait trembler même Chloé, malgré sa bravoure apparente : il s'agissait de se tenir seul au bord du lac, face à l'eau, et de poser une question.

L'unique condition était que la question devait être sincère, née d'un véritable désir de savoir quelque chose de caché, même si cela faisait peur.

Le lac, entouré d'arbres sinistres aux silhouettes tordues, semblait s'étendre comme une masse obscure, absorbant toute lumière et tout son. Le silence était absolu, à peine interrompu par le faible bruissement des feuilles sous le vent. Ce troisième défi imposé par Chloé semblait de loin le plus redoutable, même pour elle. Là où les autres défis avaient éveillé des peurs plus concrètes, celui-ci sollicitait quelque chose de plus insidieux : une confrontation avec leurs propres questions profondes et les mystères qu'ils n'osaient pas affronter.

Chloé leur expliqua la règle avec un ton plus sérieux que d'habitude : chacun devait s'avancer seul jusqu'à la rive, là où l'eau était la plus calme, et poser une question qu'ils n'avaient jamais osé prononcer à haute voix. La question devait être sincère et venir de leurs doutes les plus intimes. Ensuite, ils devraient attendre, sans bouger, comme pour écouter une réponse invisible que le lac pourrait peut-être leur offrir.

Le groupe se tenait un peu en retrait, observant le reflet mouvant de la lune sur les eaux sombres. Aucun d'eux ne semblait vouloir être le premier.

Finalement, Luc inspire profondément et, malgré la tension qui se lisait dans son regard, s'avance vers la rive.

Les pas de Luc résonnaient faiblement sur les pierres froides du rivage, jusqu'à ce qu'il atteigne l'endroit exact que Chloé avait indiqué là où l'eau semblait noire comme de l'encre. Il inspira longuement, imposait de calmer son cœur qui battait à tout rompre. L'obscurité du lac dégageait une impression de profondeur infinie, comme si elle abritait des secrets inavoués.

Luc baissa les yeux, observant la surface du lac, et posa sa question d'une voix tremblante, à la fois hésitante et sincère :

— Suis-je... réellement en sécurité ici ?

Sa voix se perdit dans l'immensité de la nuit, absorbée par les eaux calmes et obscures. Il attendit, le souffle coupé. Rien ne bougea, pas un frémissement à la surface du lac. Mais alors qu'il se préparait à s'éloigner, un étrange frisson parcourait l'air autour de lui, comme une présence invisible, presque palpable. L'eau reste immobile, mais un malaise inexplicable s'insinue dans son esprit. Il avait l'impression d'être observé, d'être pesé et jugé. La sensation était insidieuse, difficile à définir, mais elle laissa en lui une vague inquiétude qui ne le quitterait pas.

Il recula prudemment, rejoignant ses amis sans un mot. Ses yeux étaient troubles, perturbés, et il n'osa pas les regarder. Les autres, bien qu'inquiets, comprirent qu'il n'avait pas trouvé la réponse qu'il espérait. Au contraire, il semblait encore plus troublé qu'auparavant.

Chloé était étrangement nerveuse cette fois-ci. Elle sentit son cœur s'emballer alors qu'elle s'avançait, ses pas lents, comme si une force invisible la retenait en arrière. Quand elle arrivait au bord de l'eau, elle eut un vertige en fixant les profondeurs, cette obscurité liquide qui lui renvoyait un vide insondable.

Après un moment d'hésitation, elle pose sa question d'une voix à peine audible :

— Quelle est... la vérité sur ce qui se passe ici ?

Le lac demeura silencieux, mais Chloé sentit un poids s'installer dans son esprit, une étrange pression qui semblait provenir de l'eau elle-même. Elle ressent une peur inexplicable, une angoisse sourde comme si elle venait de franchir une limite invisible. Une image furtive s'impose à elle, celle d'ombres sinistres rôdant autour d'eux, des présences impalpables qui les observaient depuis le début.

Elle recula rapidement, ses mains tremblantes, incapable de comprendre ce qu'elle venait de ressentir. Lorsqu'elle rejoignit les autres, elle avait les traits tirés, comme si une partie de la vérité qu'elle avait recherchée à savoir s'était retournée contre elle.

Marc se força à avancer, mais son regard trahissait une certaine appréhension. Il savait exactement quelle question il devait poser, celle qui le hantait depuis des mois. Arrivé au bord du lac, il se pencha légèrement et murmura, presque pour lui-même :

— Est-ce que je mérite... de trouver le pardon ?

Le silence qui suivit sa question fut pesante. Marc sentit une vague de remords l'envahir, comme si l'eau, dans sa noirceur, lui renvoyait toutes les erreurs de son passé. Un souvenir lui revient soudain, celui d'une amitié gâchée par une erreur de jugement. Il avait l'impression que le lac l'avait jugé lui aussi, et qu'il lui imposait le poids de ses propres fautes. Le malaise était si intense qu'il recula précipitamment, ébranlé par la confrontation inattendue avec lui-même.

Léa fut la suivante à s'avancer, bien que ses mains tremblaient légèrement. Elle fixait l'eau comme si elle y voyait quelque chose que les autres ne pouvaient pas percevoir. Avec un mélange de tristesse et de détermination, elle murmura sa question :

— Est-ce que j'aurai un jour la force... de me pardonner ?

L'eau reste calme, mais une ombre semblant passer à la surface, se reflétant concrètement dans ses yeux. Une étrange sensation s'installa en elle, comme si le lac comprenait sa douleur et absorbait ses regrets. Un écho de ses propres pensées lui revint, amplifié et accentué par la profondeur insondable du lac, lui renvoyant des souvenirs qu'elle avait cherché à oublier.

Elle recula, le cœur lourd, se sentant plus seule que jamais. En rejoignant ses amis, elle évita leurs salutations, tentant de contenir l'émotion qui menaçait de l'envahir.

Jay sentit un poids grandir dans sa poitrine alors qu'il s'approche de l'eau. Il était l'un des plus courageux, mais cette fois-ci, il hésita longuement avant de poser sa question, craignant ce que le lac pourrait lui renvoyer.

Finalement, il murmura :

— Est-ce que... je suis vraiment moi-même ?

Sa question, teintée d'une profonde incertitude, se perdit dans l'immensité du lac. Un léger frémissement passa à la surface de l'eau, et Jay eut soudain la sensation vertigineuse de se voir à travers un miroir déformé. Il se sent exposé, vulnérable, comme si quelque chose cherchait à sonder son âme et à y déceler la moindre fissure.

Il recula rapidement, perturbé, et retrouva les autres sans un mot, mais avec une expression qui en disait long. Le doute qu'il avait ressenti face à son reflet dans l'eau ne le quitterait pas de sitôt.

Chaque membre du groupe avait posé sa question, et chacun en ressortait changé. Le lac ne leur avait donné aucune réponse directe, mais la confrontation avec leurs propres peurs et doutes avait laissé une marque indélébile en eux. En silence, ils se regroupent, le regard perdu dans l'obscurité. Aucun d'eux n'avait osé partager son expérience avec les autres, comme si les réponses du lac étaient des secrets qu'ils devaient garder pour eux-mêmes.

Le lac avait absorbé leurs interrogations, emporté leurs secrets dans ses eaux profondes, et, à mesure qu'ils s'éloignaient, ils sentaient un poids invisible s'installer sur leurs épaules. Ils savaient, sans avoir besoin de mots, que cette nuit avait éveillé quelque chose de plus ancien et de plus sombre encore. Un lien invisible les liait désormais, un pacte silencieux forgé par la peur, les secrets et la solitude.

Les ombres se refermèrent sur eux alors qu'ils quittaient les abords du lac, mais un sentiment persistant d'inquiétude resta gravé dans leur esprit. Le lac semblait s'être nourri de leurs questions, comme s'il avait attendu cette nuit depuis longtemps.