Chapitre 10 : Eva

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J'essaye du mieux que je peux de focaliser toute mon attention sur l'écran qui me fait face. Manon ne peut s'empêcher de commenter chaque scène, bien qu'elle connaisse le film par cœur. De mon côté, malgré tous mes efforts, mon esprit est ailleurs. J'entends de temps à autre le rire sonore et exagéré de Nélia aux côtés d'Ethan. Et pour une raison que j'ignore, cette situation m'agace. D'une manière ou d'une autre, il faut forcément que l'attention lui revienne et comme toujours, je me retrouve simple spectatrice. Je me mords l'intérieur de la joue, agacée par mes propres pensées.

— En même temps, Sandra Bullock est canon, c'est normal qu'il finisse par craquer. Elle a tout pour elle : la carrière, un caractère de lionne et une plastique de rêve.

Un son difforme sort de ma bouche. Je ne l'écoute qu'à moitié depuis le début du film. Je connais chacune de ses réactions, je suis en pilotage automatique.

Nouveau rire de Nélia de l'autre côté de la rangée. Pourquoi m'énerve-t-elle autant ? C'est ma meilleure amie, il n'y a aucune concurrence entre nous. Nous nous épaulons dans les moments difficiles, partageons ensemble toutes nos réussites. Mais à ce moment-là, je lui en veux d'avoir pris ma place et d'avoir volé un moment suspendu dans le temps avec lui. J'avais réussi à poser des mots concrets sur des émotions que j'avais refoulées bien trop longtemps. Ethan m'avait remercié alors que c'était à moi de le faire. Pour m'avoir laissé terminer mon histoire, pour ne pas m'avoir interrompue, pour ne pas s'être permis de porter un quelconque jugement. Il a seulement respecté la règle établie entre nous. Non, c'était bien plus que ça.

— Elle va le dévorer tout cru.

Je reporte mon attention sur le film. Ryan Reynolds coupe du bois au milieu d'un tapis de neige. Le passage qui suit est le préféré de Manon, elle ne s'en lasse pas.

— Sois patiente, tu sais bien qu'ils ne finissent ensemble qu'à la fin.

— Je parle de Nélia.

Elle me donne un coup de coude pour me faire regarder dans leur direction. Le plus discrètement – est-ce réellement possible ? – je me tourne vers eux. Notre amie à une main posée sur le bras d'Ethan. Elle a relevé ses cheveux ondulés en une queue de cheval, laissant apparaître ses créoles argentées et un tatouage derrière son oreille droite. La tige de la rose gravée sur sa peau bronzée, court le long de sa nuque pour se terminer sur son omoplate. Son jeu de séduction poussé à fond, il ne lui faudra pas longtemps pour le faire tomber dans ses filets.

— C'est peut-être à leur mariage qu'on ira.

Lucie tente de retenir un éclat de rire. Hilarant oui.

— Aller Éva, hauts les cœurs, il y aura une multitude de princes charmants sur la plage.

— Je n'ai pas prévu de trouver l'amour... De toute façon il m'a avoué qu'il n'était pas libre. Au mieux elle perfectionne sa technique de drague.

Je pivote pour être de nouveau dos aux tourtereaux qui roucoulent à nos côtés. « Je ne suis pas un cœur à prendre ». Ah, bien-sûr ! Un homme amoureux repousse les avances d'une femme. Pourtant, lui, continue de la faire rire et ne cherche pas à dégager son bras. Ils sont tous pareils. Petit cerveau arrête de cogiter ! Je n'ai aucune raison d'être agacée. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques heures. Il a été des plus désagréables, tellement que j'ai dû établir des règles. Même s'il les a respectées à la perfection, ce n'était qu'un jeu, un moyen stupide de passer un vol sans accroc.

Dans une petite heure, nous partirons chacun de notre côté. Nous ne nous reverrons pas, je continuerai ma vie. Oui, mais il connaît un de mes secrets, et moi non. Tant pis, je m'en remettrai. À la vue du sable chaud, j'oublierai ce vol et tout ce qui s'y est passé.

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Soleil couchant, coquillages nacrés et amour fou.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant