Je ne dirai pas qu'il a le physique d'un dieu grec, mais il a un charme fou. Nous sommes en plein été, pourtant il porte un bonnet noir sur la tête. Quelques mèches brunes dépassent et encadrent son visage au teint légèrement hâlé. Ses yeux sont rivés sur son téléphone, mais je vois la lumière de l'écran se refléter dans ses yeux d'un bleu profond. Une fine barbe recouvre sa mâchoire carrée et ses lèvres sont pulpeuses. Il porte un t-shirt gris délavé, froissé qui flotte sur son corps et ne laisse pas deviner ce qui se cache en dessous. Les écouteurs enfoncés dans ses oreilles semblent le couper du monde, et c'est sans surprise qu'il ne réagit pas lorsque je lui demande, pour la troisième fois, de me laisser passer.
— J'aimerais bien m'asseoir avant le décollage si ce n'est pas trop demander !
Mon ton se fait plus dur que les fois précédentes, et j'ajoute à ma question une tape sur son épaule. J'entends mes amies rigoler à côté de moi, tandis que ma patience s'éteint un peu plus chaque seconde.
Ma tape a eu l'effet escompté. L'homme devant moi sursaute et arrache ses écouteurs d'un coup sec. Il pose son regard océan sur moi, je manque de me noyer.
— Quoi ?
— Trop aimable ! Pour la cinquième fois : j'aimerais m'asseoir.
Fini les pincettes et les tournures de politesse. Mon petit doigt me dit que la négociation pour changer de place va être plus compliquée que prévu. Reprends-toi Éva, ce n'est rien ! Je lisse ma robe et lance mes cheveux en arrière. Autant lui sortir le grand jeu tout de suite. Je souffle pour me détendre et plaque mon beau sourire sur mon visage. Il n'a pas bougé d'un poil et me regarde comme si j'étais une créature du diable envoyée ici pour lui pourrir la vie.
— Le siège à côté de moi devait être vide, grogne-t-il.
— Désolée pour vous, ce n'est pas le cas. Mais si vous voulez un peu de tranquillité, je peux vous proposer quelque chose.
Il me regarde avec intérêt et attend ma proposition.
— Vous voyez ces jeunes filles derrière moi ?
Je m'écarte et lui désigne Nélia, Lucie et Manon qui lui font de grands signes de la main, tout sourire. J'essaye de refouler la honte qui me submerge et lève la tête, sûre de moi.
— Ce sont mes meilleures amies. Par un coup du sort, nous sommes séparées et je me retrouve bloquée à côté de vous.
Autre grognement de sa part.
— Est-ce possible d'échanger nos sièges pour que je puisse être proche d'elle ? Vous aurez tout le plaisir d'être à côté du hublot et d'admirer la vue. Le coucher du soleil, le lever du soleil, tout ça tout ça.
Je penche la tête sur le côté et lui sors mon air de chien battu le plus convaincant. Aucune expression ne traverse son visage. Il ne prend même pas la peine de regarder mes amies. Dans un geste lent, il remet ses écouteurs dans ses oreilles.
— Je n'aime pas le vide et j'ai besoin d'étendre mes jambes dans le couloir. Il faudra faire avec.
Joignant le geste à la parole, il étend ses longues jambes musclées, et ne fait aucun effort pour me laisser passer. Quel culot ! Je lance un regard désespéré vers mes amies, qui haussent les épaules en signe d'impuissance. Nélia mime une scène exagérée où je trébuche et tombe sur les genoux de mon voisin. Manon la rattrape dans une étreinte dramatique, tandis que Lucie se plie en deux, secouée de rires silencieux. Hilarant.
Je réussis tant bien que mal à atteindre mon siège avec précaution pour éviter tout contact avec lui. Par je ne sais quel miracle, je ne trébuche pas et évite même de lui donner un coup de pied. L'écran face à moi sera mon seul allié durant ces longues heures de solitude.
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Soleil couchant, coquillages nacrés et amour fou.
RomanceÉva Trust s'apprête à s'envoler pour une destination paradisiaque avec ses meilleures amies. Au programme : fête et farniente sur le sable chaud. Mais c'est sans compter sur le retour de son frère Lilio qu'elle n'a pas vu depuis 3 ans, après un dra...