CHAPITRE 8 : Premier Frisson

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Il y avait quelque chose de réconfortant dans le fait de laisser les premiers rayons de soleil traverser le verre des vitres de ma chambre pour me réveiller tous les matins en me caressant la joue. Un peu comme s'il m'avait repéré au loin, mes cheveux auburns étalés sur l'oreiller, trouvant enfin quelqu'un qui lui ressemble. Un peu comme si, chaque jour, mon nouvel ami dans le ciel m'enlaçait affectueusement, comme s'il savait que cette sensation me manquait. Un peu comme s'il essayait de me dire : « Eh toi ! Je sais que tu admires les étoiles, mais je suis aussi là pour toi, tu sais ? C'est à ça que servent les amis. » Et c'était ce genre de réflexion qui me faisait soupirer. Parce que qui d'autre peut bien se lier d'amitié avec un astre que quelqu'un qui a depuis longtemps compris que la solitude serait sa seule compagnie pour le restant de ses jours ?

Je me détestais pour m'apitoyer sur mon sort de la sorte. Je n'étais que le résultat de tous les mauvais choix que j'avais fait. Si j'avais perdu foi en la nature humaine, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi. Et pourtant, je n'arrivais pas à m'en convaincre totalement. Je me disais que rien de tout cela ne serait arrivé sans cette nuit-là.

Quand on se sent coupable, on a beau clamer que l'on est responsable, on attend toujours que quelqu'un nous rassure en nous disant que ce n'est pas entièrement de notre faute. On a désespérément besoin de s'alléger la conscience, rien qu'un peu.

Un tout petit peu.

À quel moment avais-je pu perdre tout espoir d'entendre cette affirmation dans ma vie ?

Quand des gens meurent à cause de nous, on ne mérite plus aucune faveur.

Quand on fait du mal aux autres, on ne mérite aucune pitié.

Surtout si on sait que c'est mal, mais qu'on recommence.

Encore et encore.

***

La cour de Veera était composée d'invités, conviés "comme moi" par le Ministre de la Culture et d'autres courtisans, membres de la noblesse, par la famille ou par l'argent. Une véritable brochette de lèche-bottes pédants se pavanant d'un air suffisant. Leur principal passe-temps consistait à adresser à quiconque sur leur chemin des flagorneries et des sourires plus hypocrites les uns que les autres pour ensuite se poignarder dans le dos dès que l'occasion se présentait. De manière figurée évidemment, sinon cela aurait été beaucoup trop intéressant.

Après quasiment une semaine passée dans le palais royal, je constatai que mon emploi du temps était loin d'être chargé ; j'étais libre de flâner où cela me chantait. Je me rendais souvent à la bibliothèque du palais qui comportait une immense baie vitrée donnant sur l'océan. Bien que la pièce fut particulièrement impressionnante – et agréablement confortable, je me devais de l'avouer – je n'y allais pas par amour pour les livres mais bien pour me documenter sur la famille royale, tout particulièrement sur le Roi. Comme je pouvais m'y attendre, les auteurs avaient fait du bon travail : des pages et des pages, des centaines de fichues pages de propagande vantant les exploits de la lignée royale de Veera. Mais ma curiosité n'était pas particulièrement satisfaite par les informations barbantes recueillies sur ma cible. J'orientai par intérêt personnel mes recherches sur la Reine Margot, qui était un personnage bien plus captivant. J'y appris qu'elle venait du royaume Ucile et qu'elle avait été à la tête de l'armée de celui-ci. Ucile fut le seul allié de Veera pendant "Les années sombres", période pendant laquelle tous les autres royaumes s'allièrent et attaquèrent Veera de toute part pour essayer de contenir son extension qui risquait de déclencher des guerres. Comme la hiérarchie du royaume le stipulait, le Roi de Veera était également le Général de l'armée, ce qui expliquait que l'emblème du royaume fut Morrigan, déesse protectrice de la guerre. C'est ainsi que le Roi Kayan rencontra la Générale Margot d'Ucile, et tous deux réussirent à étouffer les menaces à coup de batailles particulièrement sanguinaires qui durèrent de nombreuses années. Après cette victoire, les deux royaumes, en signe de coopération éternelle, fusionnèrent pour ne former qu'une seule puissance supérieure à toutes les autres. Et d'une pierre deux coups, Kayan et Margot déclarèrent publiquement leur amour et leur volonté de vivre ensemble pour le restant de leur jours – à la tête du plus grand royaume de tous, soit dit en passant. Pourtant, quelque chose me turlupinait. Les livres restaient très évasifs sur la manière dont les deux royaumes alliés avaient réussi à vaincre autant d'ennemis ligués contre eux. Pourtant, un tel exploit aurait dû être documenté de manière très précise, non ?

Au clair de la luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant