À mes Toujours

6. Avis de tempête

Ne dit-on pas qu'il y a toujours une ombre au tableau, dans chaque relation ?

Et si, dans mon couple jusqu'à présent si parfait, la seule ombre au tableau était sa famille ?

Le hasard de la vie et voilà quatre individus tous reliés entre eux, à se regarder en chiens de faïence lors de retrouvailles tout sauf attendues et désirées.

Même Wave semble bloquer. En tout cas, elle ne remue pas la queue en voyant son ex « papa ».

Et j'espère qu'il le vit mal, lui qui n'a jamais demandé à lui dire au revoir ou pris de ses nouvelles !

— Que ... ? bredouille Maxime.

Un froid glacial s'est insinué dans mes veines, et n'a rien à voir avec les températures négatives qu'affiche le thermomètre, ou la tempête de neige en approche.

Il est là.

Avec elle.

Il fallait que l'homme dont je tombe amoureuse soit de la famille de la gamine dont mon ex est tombé amoureux.

Quel type de karma c'est, exactement ?

Je m'en réfère à mon pilier :

— Johan, je vais rentrer. C'est une mauvaise idée.

Je vois à la lueur perdue dans ses pupilles qu'il est autant décontenancé que moi, mais rationnalise :

— Je comprends, mais attends. Allons au chaud y réfléchir, on ne peut pas faire demi-tour par ce temps.

Comme pour l'approuver, le vent se met à siffler et la cime des arbres se balance en guise d'alerte. Johan calque sa main gauche dans mon dos et m'incite à avancer.

Julie ne s'écarte pas et le ton de son cousin change du tout au tout :

— Une objection ?

Elle se résigne, le visage crispé.

Parce qu'elle voulait qu'on crève de froid dehors, cette pouf ?!

On entre tous dans le hall et j'ai l'impression d'étouffer. Implorante, je supplie Johan du regard. Le Noël blanc vire au cauchemar.

— Je rentre et passe te chercher demain, c'est mieux, proposé-je.

— Certainement pas. Si tu rentres, je rentre.

— Johan ! Tu ne vas pas te priver de Noël en famille ! s'exclame celle que je devine être la maîtresse de maison.

Ne dit-on pas aussi que la pomme ne tombe jamais très loin du pommier ?

Je ne peux m'empêcher de marmonner :

— Il faudrait peut-être l'inviter plus qu'une fois tous les cinq ans, si ça compte autant pour vous.

Je devine que l'homme potelé qui survient derrière elle n'est autre que le mari et le père, expliquant la génétique généreuse de Julie.

— Qu'est-ce qu'il se passe, ici ? s'interroge-t-il.

Johan s'avance, les embrasse et ne trouve pas les mots. Moi non plus, si je devais résumer le problème, je ne saurais comment l'expliquer.

C'est trop gros pour être vrai.

Alors oui, j'ai bien pensé à « votre fille est la pute qui a encouragé mon ex à me tromper »... « c'est mon ex et votre fille, il se l'est tapée alors qu'il était encore avec moi »... ou encore « je ne compte pas manger avec l'incarnation vivante de la puterie et de la lâcheté », mais rien ne sonne adéquat pour une première rencontre.