3. Koi No Yokan (1/2)

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À : Johan H.

Original de faire intervenir l'hôtesse de caisse.

De : Johan H.

Ma belle inconnue. Ton prénom est donc Cléo.

Il m'ajoute en retour et je reçois directement quelques notifications de « j'aime » sur mes publications. Et pas que sur les photos où je suis apprêtée.

À : Johan H.

Tu l'aurais su plus vite si tu m'avais posé la question directement !

De : Johan H.

En temps normal, je ne fais jamais le premier pas.

J'ai fait une exception avec toi.


Je réprime cette chaleur bien trop familière qui s'allume dans mon organisme.

Il ne fait que flatter. Ne tombe pas pour si peu. Tire leçon de cette année. Tous des beaux parleurs. Uniquement.

À : Johan H.

Laisse-moi deviner. Une côte cassée finalement, faut faire jouer l'assurance ?

* Johan H. a réagi avec un émoji rire *

De : Johan H.

Non, mais j'admets que tu m'as bousculé dans tous les sens du terme.

À : Johan H.

C'est-à-dire ?

De : Johan H.

Et si on en parlait de vive voix ?

Mardi soir ?

Au programme : dégustation de spécialités de Noël suivie de l'inauguration du sapin décoré, place Kléber.


Mes yeux s'écarquillent, je retourne mon téléphone, m'enfonce dans mon lit et dans une profonde réflexion.

Beau prince, comme dirait Sarah.

J'avoue que c'est appréciable qu'un homme prenne les choses en mains. Entre ma relation avec Maxime et tous mes derniers rencards, il faut dire que j'étais en majeure partie l'instigatrice des idées, celle qui proposait, celle qui mettait en place... Suis-je prête à lâcher le parfait contrôle que j'ai désormais sur ma vie et mon cœur, et risquer une entaille de plus, ou une perte de temps ?

***

Je me fige soudain, en pleine préparation. Un œil maquillé et l'autre non, je lance une vidéo pour les Avions de chasse, mon groupe d'amis dont le nom, proposé par Sarah afin de booster notre estime, avait été adopté à l'unanimité lors d'une soirée trop arrosée.

Ils sont coutumiers de mes introspections, depuis ma séparation avec Maxime et les anecdotes de tous mes dates. Leur avis m'est précieux, même s'il va rarement dans mon sens, aussi déblatéré-je :

— J'ai jamais autant flippé pour un date. J'ai une sensation bizarre, je saurais pas comment vous dire... Comme le sentiment que c'est un tournant. Que quelque chose va fondamentalement changer dans ma vie. C'est une certitude au fond de moi, très très chelou.

Ne serait-il pas plus prudent de décliner ?

Johan est un bel homme, qui assurément sait séduire. C'est typiquement le genre que je me suis promis de fuir. Ceux qui cherchent une conquête de plus à leur tableau de chasse, ceux qui eux-mêmes ne m'apportent pas plus qu'un nom sur la liste de mes expériences.

Mais je finis mon makeup, recoiffe mes cheveux, ajoute mes épais collants et enfile les petits talons que m'a offert ma tante au Noël dernier, avant de claquer un bisou sur le large front de Wave et descendre au parking.

De : Marie ~ Pilatus

Que perds-tu à y aller ?

De : Clément ~ Lockheed

Du temps.


Mon ancien voisin, le plus âgé et rabat-joie du groupe, rajoute tout de même une rangée de smileys rieurs. J'espère que pour une fois, il se réjouira pour moi, plutôt d'encore juger et dénigrer chaque homme qui daignera s'approcher de moi.


De : Sarah ~ Rafale

Te fais pas d'espoir avec ce mec, par pitié.

De : Killian ~ Phénix

Pourquoi Sarah sait et nous non ? On peut avoir les infos ?

De : Pénélope ~ Atlas

C'est le beau gosse que t'as renversé dans le magasin ?


C'est Sarah qui s'occupe de leur raconter, de la pire des façons, cette rencontre que j'ai pourtant trouvé romantique et atypique. Elle résume ça à « Cléo s'emballe encore, la saison dix-sept commence ».

Être en couple l'a pas adoucie sur ses avis quant à mes fréquentations, visiblement.

Je les laisse lancer leurs pronostics, yeux au ciel

J'aurais dû m'y attendre !

Ça a beau être mon intuition la plus profonde, elle tombe comme un cheveu sur la soupe et peut paraître... extrême.

Une fois dans ma voiture, j'ai beau mettre les sons les plus légers et joyeux, le stress me régit. L'impression d'irrémédiable gagne en intensité. Dans ma tête, telle une évidence, je le sais : Soit je m'engage dans ma plus belle histoire, soit dans celle qui me fera le plus de mal.

Je ne connais même pas ce mec !

Et je garde par conséquent cette pensée irréaliste pour moi : mes amis ne comprendraient probablement pas, ou arbitreraient que c'est comme ces derniers flirts où je m'emballais pour rien, où à l'instar de Hugo, et que je me prononce bien trop vite sur « c'est le bon ».

J'ignore pourquoi désormais je marche dans le froid pour voir Johan alors que j'avais été claire : je ne voulais plus d'homme dans ma vie. Personne qui dérange ma paix de célibataire, si durement gagnée.

Est-ce que je me sens coupable de l'avoir bousculé ? Est-ce que j'ai à nouveau terriblement régressé dans mon développement personnel ?

À mes ToujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant