Je redescends ma jupe d'une main, l'autre étant cramponnée à la barre poisseuse du tram B.
Ma fervente volonté à être jolie et présentable, avec un style plus féminin et élégant me coûte présentement l'inconfort des regards graveleux et du vent sur mes parties génitales.
Quelle idée, en plein hiver...
Tandis que Sarah pianote sur son téléphone, ses lèvres figées en un sourire amouraché — diable, comment fait-elle pour avoir avant d'équilibre alors que le chauffeur semble vouloir faire un strike à chaque redémarrage ?! —, je m'occupe en écoutant distraitement les conversations des deux mamies surmaquillées derrière moi.
— Une vague de grand froid est attendue !
— Peut-être va-t'on enfin avoir de la neige à nouveau...
Celle que j'appelle Mère Grand (en raison de son châle noué autour du cou comme dans le conte) hausse ses malingres épaules.
En somme : peu croustillante conversation de pluie et de beau temps, aussi plate que mes dernières conversations sur les applications.
Pile une des raisons de leur désinstallation.
J'aurai peut-être plus de chances en tendant l'oreille au monologue de l'adolescente qui parle comme une racaille au téléphone.
Une histoire de thune ? Le nerf de la guerre, j'en sais quelque chose après avoir passé l'année à galérer !
Les nuages qui s'amoncellent à l'horizon me filent des frissons. Je n'ai définitivement pas la bonne tenue pour une sortie shopping à Strasbourg au mois de novembre. Ni pour les transports en commun. Mais que voulez-vous, Marc est un écolo engagé et depuis qu'elle le fréquente, ma chère Sarah fait mine de ne pas avoir besoin de sa voiture. Quitte à nous faire perdre un temps monstre, tant que nos moyens de locomotion sont plus écoresponsables.
— On descend à cet arrêt ! s'exclame-t-elle soudain en levant les yeux de son smartphone.
Dieu soit loué.
Mais je suis bien moins réjouie à l'ouverture des portes, la gifle du vent algide et l'averse qui tombe en rideau.
Les pluies verglaçantes attendues sur tout l'Est...
— Cours ! m'intime ma blonde.
— Je te déteste, Sarah ! beuglé-je en lui emboîtant le pas.
Le déluge qu'on se prend la convainc de rentrer dans la première boutique accueillante. Je la suis et, à peine au sec, nous partons en fourire. Nos cheveux trempés, plaqués sur nos visages eux-mêmes rougis par la fraîcheur, et nos vêtements collants goûtent sur le sol. Notre entrée est fracassante autant que pitoyable. Entre deux élancements dans les côtes, je souris aux clients qui nous fixent.
Si j'ai quelques scrupules à foutre de l'eau partout, ce n'est pas le cas de Sarah, qui part à la recherche d'un plaid, de gants ou d'un bonnet.
Un peu tard, mais soit.
En tentant de ramener mes cheveux en un chignon, tout en marchant, je trébuche sur le tapis rouge en décoration et me cogne de plein fouet à un dos. Les carreaux rouges de la veste de cet inconnu sous le nez, je le fais basculer à son tour et nous chutons en haute protestation sur une table bondée de branches. Je roule, m'attrape à son bras, plutôt solide mais pas suffisamment pour me retenir. Dans l'élan, tout bascule et nous embrassons le sol, au milieu de la végétation.
Bon sang, on est tombés dans du gui, là ?
Je me redresse, me confonds aussitôt en excuses :
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À mes Toujours
RomanceAigrie par sa rupture et l'année et demi écoulée à enchaîner les rencards, tous plus foireux les uns que les autres, Cléo espère bien passer un Noël sans accrocs. C'est sans compter Johan, l'inconnu qu'elle percute dans une boutique. Derrière des a...