La forêt des souvenirs

Chapitre 11

Noël dut avouer que les regards incrédules de ses camarades face à la déclaration de Noraï la rassurèrent. Plus la discussion avançait, plus elle se perdait dans son incompréhension. 

-Et en plus elle se moque de nous, râla Eylé. 

La femme leva les yeux au ciel, et serra les dents comme pour se retenir de se mettre trop en colère.

-Cela m'aurait étonné que vous me croyez. Je n'ai aucune envie de parlementer une nouvelle fois avec des gens butés. Pas maintenant en tout cas. 

Elle recommença à marcher à une allure plus rapide, bientôt rattrapée par Mandraa après un énième regard réprobateur en direction d'Eylé.

-Est-ce que quelqu'un veut bien m'expliquer la situation ? réussit finalement à demander Noël. 

Personne ne lui répondit, ce qui l'agaça légèrement. Eylé et Tchan se regardèrent dans le blanc des yeux dans un duel de regard intense. Ils semblaient se chamailler mentalement et ce fut Tchan qui coupa le lien en premier.

-Pas tout de suite Noël, pas tout de suite. 

Et il s'éloigna sans rien dire de plus. Eylé soupira longuement et tira sur la main de Noël pour lui signaler de repartir. Celle-ci se dégagea d'un coup sec, faisant sursauter son compagnon. Elle lui passa devant et accéléra le pas, tentant de rattraper le reste de leur groupe, tout en tapant des pieds pour signaler son mécontentement. Elle en avait ras-le-bol de n'avoir aucune réponses. Et ce qui la choquait encore plus, c'est qu'aucun d'eux ne voulait entendre la version de Noraï. Elle en avait marre de ne rien comprendre, marre d'être la fille paumée du groupe. C'était à croire qu'à force de ne rien savoir, la vérité leur faisait peur. Ce qui n'était pas le cas de Noël. Elle ne désirait qu'une chose : savoir qui elle était.

***

Une heure supplémentaire de marche s'était écoulée quand ils arrivèrent à un endroit de la forêt bien étrange. Elle semblait comme délimitée par quelque chose de très sombre. L'herbe au sol virait brusquement du vert clair au vert terne caractéristique de la mort. Les arbres derrière cette délimitation mourraient, et le ciel était bien plus obscur. 

-On dirait une frontière, remarqua Noël une fois qu'Eylé les eut rejoints (j'ai un doute sur la conjugaison, hésitez pas à me corriger). 

Elle ne lui avait pas reparlé depuis leur discussion animée. Elle avait décidé de ne pas lui adresser la parole plus que nécessaire, ce qui lui faisait bizarre car depuis leur rencontre, pas une fois elle n'avait agit comme ça. Elle l'avait écouté et suivit aveuglément depuis que leurs regards s'étaient croisés, et il était temps qu'elle se reprenne en main.

-Que s'est-il passé ici ? demanda Eylé à son tour.

-La forêt se meurt depuis des siècles, et autant les dégâts étaient minimes à l'époque, désormais ils se répandent, et de plus en plus vite. Bientôt toute la forêt sera comme ça, expliqua Noraï.

-Est-ce que c'est de là que viennent les mutants ? l'interrogea à son tour Tchan.

-Oui, s'ils viennent vers chez vous c'est qu'il est plus difficile de trouver de la nourriture de leur côté. Tous les êtres vivants changent et quand ils se battent, aucun n'en ressort vainqueur.

Elle commença à s'avancer et passa la frontière en quelques pas seulement. Elle fit signe à ses compagnons d'avancer.

-Il y a peu de chance qu'ils nous suivent jusqu'ici. Je ne peux pas vous garantir une meilleure sécurité, la forêt y est bien plus mortelle, mais au moins on sait à quoi s'attendre. Et personnellement, je préfère servir de repas à une bête affamée, qu'être tuée par une bande de personnes paumées suivant les ordres d'un chef mort pour des raisons absurdes.

Mandraa hocha la tête, semblant être convaincue par son discours, et passa à son tour la frontière. Tchan la suivit presque aussitôt après, et il ne resta plus qu'Eylé et Noël du côté sain de la forêt. Le jeune homme lui fit non de la tête, mais elle était bien décidée. Elle avança d'un pas vif, et à peine avait-elle franchi la ligne qu'une bourrasque lui glaça le sang. Comme en réponse à ce froid glacial, son corps envoya une rafale de neige tout droit sortie de sa poitrine. Sous cinq regards ébahis, un sapin juste en face se retrouva transformé en statue de glace.

-Qu'est-ce que... bredouilla Noël.

Et c'est alors que la bataille avec les gens armés descendus des arbres lui revint. Elle les avait gelés, elle en était sûre. Mais comment ?

-Sorcière...

Ce simple mot soufflé par Noraï la fit frissonner. Elle ne réagit pas, pour la première fois ce mot ne la fit pas se questionner. Elle avait enfin compris que quelque chose clochait chez elle, et que malgré tous les évènements étranges qui se déroulaient dans cette forêt, ce qui la touchait, elle, était encore plus étonnant.

-Je connais une petite clairière non loin d'ici, déclara alors la femme brune. Je pense qu'on lui doit tous des explications. Moi surtout. Alors arrêtons de tous bouder, et essayons de mettre en commun ce que l'on sait.

Tous se regardèrent à tour de rôle, semblant attendre leur approbation à chacun. Finalement ce fut Noël qui s'avança, au plus grand étonnement de tous, y compris elle qui était habituellement timide, et qui déclara d'une voix forte :

-Allons-y, et une fois arrivés, vous m'expliquerez tout. Absolument tout. Je veux comprendre ce qu'il se passe ici.