Chapitre 10

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Assise sur ce banc, je crois que jamais je n'ai autant broyé la main de mon mari. Si un jour on m'avait dit que je serai ici aujourd'hui en cette "occasion" jamais je ne l'aurai cru. J'aurai penser entrer dans cette église un jour oui, mais pour le mariage de mon fils, pour le voir trôner fièrement près de l'autel avec son costume impeccable, et voir son visage s'illuminer à la vue de sa future épouse, de ma future belle fille. J'aurai pleuré, mais pleuré de joie, j'aurai pleuré de voir mon garcon prendre son envol et vivre sa vie avec la femme de sa vie.
Jamais je n'aurai pensé avoir à enterrer mon garcon, mon beau garcon, ce n'est pas dans l'ordre des choses, ce n'est pas juste.

Le jour où j'ai su que j'étais enceinte, j'ai pleuré, je n'étais pas prête à avoir un enfant, mais la vie en avait décidé autrement. Un accident ? Certainement, mais ce n'était pas pour autant que je ne me suis pas réjouie de ce nouvel arrivant dans la famille. J'ai alors commencé à envisager les choses sous un autre angle, Marc et moi avions commencé à préparer l'arrivée du petit monstre très tot, avant la première échographie. Nous étions tellement excités, devenir parents, nous allions devenir parents. Nous avions tout d'abord vendu notre voiture coupé pour une auto plus familiale, puis nous avions commencé à acheter des petits vêtements, rien de bien extravagant mais des petites choses qui matérialisait ce qui poussait en moi.
La première fois fois que j'ai entendu son cœur battre le mien a cessé toute activité. Je suis tombée sous le charme de ce petit alien qui grandissait en moi. Les semaines sont devenues des mois et lorsque Marc et moi avions appris que notre petit monstre serait un garçon nous étions aux anges. Marc se voyait déjà lui apprendre les 400 coups, lui apprendre à jouer au tennis, a conduire, à traiter les filles avec respect et toutes ces autres choses qu'un père fait découvrir à son fils.
Très vite notre chambre d'amis s'était transformée en chambre d'enfant, emplie de jouets, ours en peluches et autres accessoires inutiles. Nous avions des étoiles dans les yeux. Nous ... Parents ... Nos amis se chamaillaient sans cesse pour savoir qui serai le parrain et la marraine du petit alien.
Mon ventre grossissait à vue d'œil, à mon plus grand bonheur. Je dévalisais les boutiques pour femme enceinte, achetais des tas de robes pour au final ne porter que des joggings.
Le placard de notre enfant était plein à craquer, tout était absolument parfait.
Marc et moi nous étions adaptés, nous étions près à accueillir la chair de notre chair.

Le jour où Nono est né fut le jour le plus beau jour de ma vie et accessoirement le plus douloureux. A partir de ce jour il est devenu le centre de notre monde, tout tournait autour de lui, nous avions délaissés nos amis, nos sorties et consacrions chaque seconde à notre fils. Les mois passaient à une vitesse affriolante, Nicolas grandissait tellement vite. Le premier mot qu'il prononça fut "papa", papa, ce même papa qui ne se levait pas le soir quand il hurlait pendant des heures, ce même papa qui ne lui changeait pas ses couches. Le mot maman ne lui vint que bien plus tard, peut être ne voyait il pas l'intérêt de m'appeler, après tout j'étais toujours à ses cotés, toujours pleine de vomi. J'avais perdu tout mon charme, toute ma prestance, mais voir Nono sourire et gazouiller était bien plus important que de prendre soin de mon apparence.

Aujourd'hui je donnerai tout l'or du monde pour ravoir mon fils dans mes bras, sourire à sa première dent perdue, son premier bobo, son premier rire, ses premiers pas, son premier anniversaire.

Quand nous avions appris pour sa maladie, tout a changé du jour au lendemain, Marc rentrait de plus en plus tard du boulot, nous avons commencé a nous détacher de plus en plus de Nono. Il passait des semaines entières à l'hopital, et au début j'avais lâché mon travail pour rester à ses cotés, puis les semaines sont devenues des mois, j'ai bien cru que la folie s'emparait de moi, toujours enfermée entre ces quatre murs d'hôpital, ces murs blancs et lugubre. Après plus d'un an, j'ai fini par reprendre mon boulot et je m'y suis jetée à coeur perdu, je ne pleurai plus lorsque les medecins évaluaient la maladie de mon fils, je ne bronchai même plus lorsqu'il parlait de tous ces mélanomes qui se multipliaient. J'étais devenue stoïque face à tout ça, plus rien ne m'atteignait, les médecins utilisaient toujours des mots incompréhensibles, des mots plus long les uns que les autres tout ça pour me dire que Nono finirait par mourir.

Nono était arrivé par erreur, et il allait mourir par erreur. Voilà comment je voyais la chose. Après toute cette adaptation notre fils allait nous être enlevé brutalement.

Je pense que l'on gère son chagrin comme on le peut, certains pleurent à longueur de journée, d'autres se lamentent, et il y a ceux qui enferment leur chagrin dans un coin de leur esprit, et vivent comme si de rien n'était, je fait partie de cette troisième catégorie de personnes.

Et me voila maintenant assise, mes yeux cachés par de grandes lunettes, mes yeux sont douloureux, rougis, bouffis, une mère ne devrait jamais avoir à enterrer son enfant. Sur ma gauche se tient Emilie, raide comme une piquet, seul son souffle rapide laisse entrevoir sa détresse, elle est perdue tout comme moi. Rien que de penser à mon unique enfant se tenant dans ce cercueil me donne la nausée. Je regrette, je regrette de ne pas avoir profité de lui, de ne pas l'avoir soutenu a chaque instant, de m'être exilée au quatre coins du monde pour éviter de faire face à ma réalité. Je pensais qu'en m'éloignant la perte serait moins douloureuse, mais pourtant je ressens cet immense trou béant dans ma poitrine, cet énorme manque qui hurle en moi et me bouffe de l'intérieur. Les gens me regardent tous avec pitié, non je ne veux pas de ça, je ne veux pas qu'ils me regardent de cet air abattu, j'ai perdu mon enfant, eux ne sont la que pour faire bonne figure. Le religieux nous demande si nous voulons dire quelque mots, Emilie se lève pour faire son éloge. Je vois dans sa démarche tremblotante qu'il ne faudrait qu'un coup de vent pour qu'elle s'écroule et ne se relève plus. J'observe ses mains qui ne semblent pas vouloir coopérer, elle extirpe tant bien que mal un papier de la poche de sa veste. Elle jette un regard sur l'assemblée, puis finis par me regarder et soupire en réprimant un sanglot. Son regard terne se focalise alors sur ce petit bout de papier chiffonné.

- Aujourd'hui est un jour sombre, peut être pas pour vous, mais pour moi oui, je ne suis pas de la famille de Nono mais on peut clairement dire qu'il est le frère que je n'ai jamais eu. Quand je regarde vos visages, je n'en reconnais aucun, pas un seul d'entre vous n'est venu voir Nono. J'ai été à ses cotés chaque jour, j'ai mis ma vie entre parenthèse pour lui permettre de vivre un petit peu, triste paradoxe. Je dois vous dire que je suis un peu triste pour vous, vous n'avez pas eu la chance de le connaitre comme je l'ai connu, vous ne l'avez pas vu comme moi je l'ai vu, il a été un cancéreux pour vous, pour moi il était le signe de l'espoir.

Elle laisse alors échapper un sanglot, mon cœur se serre, je ne veux qu'une chose que cette journée s'arrête, je ne vaux pas mieux que toutes ces personnes présentes dans cette salle, je n'ai pas soutenu mon fils, je l'ai abandonné.
Émilie inspire un grand coup, elle semble fixer un point imaginaire au fond de la salle, sa main tremble comme une feuille. Elle finit par fermer les yeux et continue d'une petite voix

- Il était tellement plus qu'un mourant, si je devais le définir en un mot ce serait "vivant" parce que Nono vivait plus du haut de ses 10 ans que la plupart d'entre vous, il était clairvoyant, drôle, sage, agité, câlin, boudeur et je pourrais vous donner mille et un adjectif le concernant

Elle souffle à nouveau, laissant malencontreusement une larme perler le long de sa joue, mais elle ne semble plus triste, sa voix prend plus d'assurance, ce qui est paradoxal puisque une minute plus tot elle semblait sur le point de s'écrouler de chagrin

- Nono m'a appris à vivre, à savourer chaque moment, à me délecter de choses en apparence inutiles. J'ai vécu à ces côtés, j'ai ressentis la vie, tout était plus intense. Et je continuerai, je ferai honneur à mon Nono, chaque jour j'avancerai, je vivrai pour lui, pour moi.

L'assemblée est plongée dans un profond mutisme, qui aurait cru qu'une jeune fille de son âge puisse avoir des mots si sage. Elle observe chaque personne, elle semble sonder leur âme, puis elle sourit naïvement, elle n'est plus avec nous à cet instant, elle semble perdue dans un monde parallèle.

- A votre place je pleurerai, vous qui n'avez pas eu la chance de le connaître, dit elle en souriant de plus belle telle une illuminée.

Elle laisse alors tout le monde planté là et sors de l'église sans un mot pour nous, sans même un regard, les portes se ferment dans un bruit sourd, le silence de mort laisse place à des chuchotements, tout le monde se regarde d'un air interloqué. Après tout comment sourire après un événement si tragique ?

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Bonsoir bonsoir, je sais je suis vraiment nulle je publie jamais ... J'en suis désolée mais i'm back pendant 6 mois !
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zoub <333333

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 22, 2016 ⏰

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