Passe ma chance, Tournent les vents, Reste l'absence, Obstinément.

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"L'absence diminue les passions médiocres et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies et attise les feux" F.D.L Rochefoucauld


Mon cœur se serra en voyant qu'il n'était pas là. J'avais dû le vexer, même si au fond je n'avais rien fait de spécial. Mais bon, il était plus jeune, avait moins d'expérience dans les relations humaines donc je pouvais très bien l'avoir blessé par mon attitude glaciale. S'il savait pourtant, combien ca bouillait en moi à ce moment là.
J'étais horriblement déçue de voir qu'il n'était pas là. Pour ne pas paraître trop déprimée, j'essayais de me rassurer en me disant qu'il passerait peut-être dans la journée, comme à son habitude.

Le trajet jusque chez monsieur Valero fut très long, sans compter que je dus porter les cagettes toute seule.
J'étais pressée de quitter Saint-Martin, pour retourner rapidement à Val-en-Père.
Mais la journée se termina sans que Nathorod ne passe me voir.

Les jours passèrent et je n'avais pas de nouvelles. Le week end arrivant, j'espérais qu'il vienne me chercher et qu'on aille se balader tous les deux. Mais rien. Et durant trois semaines, je ne le vis plus. Au début je sentis en moi le changement, car dès que je pensais à lui ou que quelqu'un me parlait de lui, mon cœur battait plus fort et je ressentais des papillons dans le ventre. J'avais même perdu l'appétit. Je guettais toujours les discussions de Judith, savoir si elle allait parler avec ses amies de Nathorod, mais non, elle n'en parlait jamais. Je n'attendais que ça, qu'on me parle de lui. Et je ne le croisais jamais, malgré la petite taille du village. Je ne voulais pas non plus aller chez lui, je ne l'avais jamais fait en dehors de cette fois là, et cela aurait parut bizarre.

Au bout de deux semaines d'absence de Nathorod dans ma vie, je pensais que tout ce que j'avais vécu n'était qu'un rêve. Tout me paraissait loin, même lui. En fait, je me portais très bien. Non pas qu'il ne me manquait pas, mais je ne ressentais pas le manque qu'on peut avoir lorsque l'on est amoureux et que l'objet du désir est loin de nous. Au fond j'en étais soulagée. Je ne voyais pas bien comment j'aurais pu gérer ce genre de sentiments. Et puis je ne voulais pas que notre relation change, je la trouvais parfaite telle qu'elle était.

Hélas, ce n'était qu'un leurre. Durant la troisième semaine, je ressentais un poids constant dans la poitrine, et j'avais du mal à être aussi joyeuse qu'avant. La vérité c'est que ma famille me manquait, et que la seule personne qui arrivait à me faire sourire, mon seul ami ici, avait disparu de la circulation. Même si Judith était adorable, ainsi que tous les habitants que je côtoyais, c'étaient les moments que je passais avec Nathorod qui me manquaient. IL me manquait. Terriblement.

Le samedi suivant, une fête était organisée au village, et tous les habitants y étaient conviés. Avec Judith nous avions dû préparer quelques plats végétariens, car tout le monde devait amener un petit quelque chose à grignoter. Nous avions passé l'après midi dans la cuisine, qui était en fait l'arrière salle de la coop', si bien que le soir venu j'étais épuisée. En rentrant, j'avais décrété à Léonie que je n'irais pas à la fête. J'étais toujours triste, je n'avais vraiment pas envie d'aller m'amuser. Et puis il ne serait même pas là pour me faire rire ou pour me parler.
Mais c'était sans compter sur Léonie, qui ne me laissa pas le choix. Elle avait toujours été ainsi avec moi, à toujours vouloir me forcer à faire des choses que je n'avais pas envie de faire. Et visiblement, à 23 ans je n'avais toujours pas le courage de lui tenir tête. C'était plus par politesse qu'autre chose.

Alors, contrainte et forcée, je me rendis à la fête, en me disant que je me faufilerais parmi la foule dès que j'en aurais l'occasion, afin de rentrer. Ce que j'avais bien l'intention de faire durant les cinq premières minutes qui suivraient le début des festivités. Je m'installa sur une chaise, dans un coin, bien décidée à ne pas en bouger; il était hors de question que je danse. Mais Winona me vit, et décida de rester avec moi. Je ne pouvais donc pas partir.

Elle commença par me raconter sa journée point par point, ce qui n'était pas passionnant et ne me tenait pas en haleine, tu peux t'en douter. Puis voyant que je n'étais pas d'aussi bonne compagnie que d'habitude, elle décida d'aller rejoindre ses copines. J'espérais ne pas l'avoir blessée elle aussi, Laurent et Judith auraient fini par me chasser à force de maltraiter leurs enfants.

Je fus prise par mes pensées. J'étais au milieu de la foule, mais pourtant si seule. J'aurais tout donné pour pouvoir être chez moi avec mes parents, et n'avoir jamais connu les tourments de ces dernières semaines. J'étais tellement triste.

-" Cette chaise est prise?"

J'avais sursauté. Mon cœur se mit à battre à tout rompre en entendant cette voix. J'avais mis du temps à me retourner car je n'en revenais pas. Et en tournant la tête je le vis. Et la vision de ce si beau visage faillit finir de m'achever. Après ces trois semaines, il se trouvait là, devant moi. Encore plus beau que dans mes souvenirs. Habillé élégamment, on aurait vraiment dit un adulte. Pour te donner une idée, il ressemblait à Jeff Bridges dans "Against all odds", mais en plus jeune et même plus beau. La barbe en moins. Tout en moi tremblait, et j'étais tellement émotionnée, que si j'avais été debout mes jambes se seraient dérobées. Au moment où il s'assit, je m'aperçus que derrière lui se tenait une jeune fille qui devait avoir son âge. Elle était ravissante, blonde, élancée, une peau de pêche. Tout ce que je n'étais pas. Elle lui tenait la main. En voyant ça mon cœur se serra, et je fus à deux doigts de pleurer. Je détournais le regard pour qu'il ne me voit pas, et là je compris que ce que je ressentais pour Nathorod n'était pas de l'amitié, ni même de l'amour fraternel. C'était plus que ça, et je m'en voulais. Pire, je me dégoutais. Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez moi ? J'avais des sentiments pour un gamin de dix-sept ans. Et des sentiments bien réels, car malgré ma sensibilité, je n'étais pas du genre à pleurer pour un garçon -à part quand j'étais plus jeune, avec Pierre bien-sûr- et là, j'étais obligée de me mordre la joue très fort pour m'en empêcher.


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Alors cette partie là sera en deux morceaux parce qu'il va se passer pas mal de choses, et ce serait peut-être trop long pour vous. En attendant, dites-moi ce que vous pensez de cette histoire pour le moment. Et si vous avez une idée de ce qui va se passer, dites-le moi je serais curieuse de savoir ! :-)

La défaite du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant