(Musique: The Devil's tears.
Si vous écoutez de la musique en lisant Arrêt de bus, prenez une musique calme. Ce récit est sensé être reposant pour la plupart des chapitres)Mercredi 11 Janvier
Il s'est remis à faire froid aujourd'hui. Il vente beaucoup. Il vente tellement que le sol a séché sans avoir besoin du soleil. Des oiseaux poussent des cris stridents dans les airs en volant en rase-motte. Ils ont l'air agité. Ce sont des Hirondelles. C'est l'annonce d'un orage je crois. Assise, sur l'arrêt, je tiens avec force mon écharpe qui menace de s'envoler. Mes cheveux me fouettent le visage et ça n'a rien d'agréable. Ils ressemblent à une pelote de laine.
Alain met du temps à arriver aujourd'hui. Je me demande ce qu'il fait.
C'est étrange la consonance de son nom dans ma bouche. Alain. Il va falloir m'y habituer. Je l'ai tellement de fois appelé "L'homme de l'arrêt"... Quelques jours à peine encore je me demandais si j'allais un jour connaitre son nom. Si j'avais su...Le destin fait bien les choses.
J'entend finalement des pas. Il arrive. Sa démarche sereine me fascinera toujours. L'équilibre et la stabilité qui en dégage est surprenante. Cet homme a réellement quelque chose qui émane de lui. Je m'extase sur sa marche maintenant. Ca ne s'arrange pas. Mais je remarque qu'il n'est pas coiffé aujourd'hui, sans doute à cause du vent. Ses cheveux sont plus longs que ce que je pensais. Ils lui arrivent juste en dessous des oreilles, ondulés et blonds comme la paille. Cette chevelure me fait penser à celle d'Heath Ledger. Quand il était jeune. Et pas mort. En tout cas, cela lui va mieux que sa coiffure conforme à la société. Cela lui donne un air...plus sauvage.
Là, à cet instant précis la scène se fige. Je le vois, statufié dans une position de marche, le manteau flottant légèrement derrière lui et ses cheveux faisant de même. Sa cigarette perdant quelques cendres dans le vent tandis que la fumée vacille sous le joug du vent. Et son visage semblant de cire, tandis que son regard calme est fixé sur moi. Quelle beauté. Quel tableau merveilleux avec les sapins ployant doucement sous le vent derrière lui et le trottoir s'étendant jusqu'à l'horizon, où les couleurs chaudes de l'aube commencent à s'amonceler. J'ai envie de me lever, de le contourner tandis que lui reste figé. Je veux l'observer sans qu'il ne me voit, le toucher du bout des doigts sans qu'il ne le sente. Quelle poésie cette image me donne maintenant, quelle symphonie pour les yeux.
Mais celle-ci se brise lorsqu'il s'assoit, me replaçant violemment dans la réalité. Je ne sais pas s'il m'a salué. Si c'est le cas je n'ai pas entendu. Il me regarde de haut en bas mais ne dit rien. Je me rappelle que j'ai amené quelque chose dans mon sac. Je le sors et lui montre. Je l'ai pris car j'ai pensé que cela pourrait aider pour une discussion. Alain le regarde avec incompréhension et intérêt. Je dois avouer que cela peut porter à la confusion.
"C'est du café." lui dis-je en secouant légèrement le thermos.
Alain plisse les yeux. Il a compris que je lui en proposais mais comme il ne dit rien, j'insiste.
"Vous en voulez?"
Il souffle sa fumée à l'opposé de mon visage et secoue la tête.
"Non. Merci."
Un sentiment de déception s'installe en moi. Ce n'est pas grave mais vous savez, c'est comme lorsque quelqu'un refuse un cadeau que vous avez fait. Cela vous aurait fait plaisir s'il l'avait accepté avec un sourire. Mais je vois bien qu'il ne veut pas me blesser. Il n'en veut tout simplement pas.
Je dévisse la tasse qui sert de couvercle et m'en verse. Une odeur de café chaud envahie mes narines et la buée du liquide me réchauffe le visage. Je pousse un soupire de satisfaction malgré moi. Je regarde droit devant moi mais je sens qu'Alain m'observe. Je vois sa main tenant sa cigarette qui n'a pas bougé. Je bois et le café me brûle les lèvres et la langue mais je ne dis rien. En fait je sens son regard sur ma nuque. Il fait la même chose que moi. Il observe lorsqu'il sent que personne ne le regarde. Mais est-ce que cela veut dire qu'il savait lorsque je l'observais comme moi à cet instant? C'est gênant. Je me tourne vers lui. Ah il est plus courageux que moi, lui ne détourne pas le regard. Nous restons environ dix secondes -et croyez moi c'est long- à se regarder dans les blanc des yeux avant que je ne détourne le regard. Je n'arrive pas à supporter le regard des autres. Même parfois ceux de ma famille. Alors Alain...
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Arrêt de bus
RomancePensons aux rencontres. C'est fascinant les rencontres car finalement on espère toujours en faire et les voir durer. Les bars, le lieu de travail, les restaurants, internet... tout est bon pour les rencontres. Mais celles-ci se fanent et pourrissent...