Mercredi 8 février
Il y a une bonne odeur champêtre dehors. Les fleurs éclosent une par une, diffusant leur parfum vigoureux et suave, les belles couleurs du printemps se faisant voir un peu partout. Il fait frais mais juste assez chaud pour pouvoir sortir avec une simple veste. L'herbe est d'un beau vert, humide à cause de la rosée du matin. J'ai mis ma veste en jean rouge avec de petits boutons noirs. Je frissonne à peine.
J'ai hâte de voir Alain. J'aime tellement lui parler. Et puis nous nous sommes rapprochés, ce qui rend sa compagnie d'autant plus agréable. Je suis venue plus tôt exprès. Pour que l'on reste un peu plus longtemps ensemble.
Mais lorsque j'arrive à l'arrêt, il y a déjà quelqu'un. Une personne qui n'est pas Alain. Ce n'est pas souvent... Je fronce les sourcils mais m'assois tout de même. C'est un homme, d'environ une trentaine d'années, aux cheveux courts noirs légèrement grisonnants sur la nuque, portant une chemise violette sous un costume de travail gris foncé. On dirait un homme d'affaire. Il me regarde m'asseoir et je vois un de ses sourcils se hausser avec intérêt. Je décide de l'ignorer et regarde droit devant moi, m'étant mise à une distance respectable de lui. Quelques minutes passent. Je suis immédiatement mal à l'aise. Je le sens me reluquer de haut en bas de manière indécente, pensant que je ne le remarque pas. J'ai un frisson de dégoût et la chair de poule me pousse sur les avant-bras. Je déteste ce genre d'hommes. J'en rencontre déjà beaucoup trop dans mon métier de serveuse. J'ai envie de m'enfuir. D'être partout sauf dans son champ de vision. J'ai l'impression qu'il s'est rapproché."Excuse-moi, tu n'aurais pas du feu?" Demande-t-il soudain.
Je n'y crois pas. Il ne va tout de même pas...Il n'a même pas de cigarette. Il me drague et de manière évidente. C'est absolument impoli. Et puis de quel droit il me tutoie? Je tourne la tête et le regarde. Il a une sorte de sourire charmeur qui m'horripile. Je répond non de manière abrupte. Il prend cela pour de la timidité et sourit davantage.
"Tu viens souvent par ici?"
Il me reluque une nouvelle fois avec son regard libidineux. J'ai l'impression d'être un morceau de viande. Je me recroqueville inconsciemment pour cacher les courbes de mon corps qu'il semble tant apprécier à faire glisser ses yeux dessus. Je répond oui pour ne pas être impolie. Mais j'aimerai sincèrement qu'Alain soit là. Il pourrait m'aider et le plus vite sera le mieux.
"Tu t'appelles comment?"
Je fais comme si je n'ai pas entendu, espérant qu'il lâche l'affaire. Mais il continue de me parler en mêlant compliments inutiles et machos du genre "une si superbe jeune femme ne devrait pas être seule si tôt le matin" et recherche de points communs inexistants. J'essaye de répondre le moins possible et de lui faire comprendre que je ne souhaite pas continuer cette discussion. Mais il ne s'en rend pas compte. Il se rapproche tellement que nos cuisses se touchent presque. Il est imbu de lui-même et semble convaincu que je sois intéressé par lui. Son regard me dégoûte.
"...Ah tu ne prends pas mon bus? Bah les arrêts ne sont pas très loin, on pourra toujours se voir. Ça te dirait de boire un verre un de ces quatre?"
Je ne répond rien et essaye de m'écarter mais je suis au bout du banc. Combien de temps vais-je devoir le supporter? Je pense sérieusement à m'en aller, tant pis pour mon boulot.
Mais finalement Alain arrive et voyant que je ne suis pas seule, il jette sa cigarette et me fait un salut silencieux. Soulagée, j'essaye de lui faire des signaux "help" du regard mais il ne comprend pas et se contente de plisser les yeux avec incompréhension. Il doit penser que c'est un ami et reste debout à l'écart pour ne pas me déranger. Mais ce n'est pas ce que je veux! S'il vous plaît, ne soyez pas distant aujourd'hui!
L'homme à la chemise violette ne s'est même pas aperçu de sa présence, trop concentré sur ma poitrine. Il met sa main sur le dos du banc juste derrière mon dos. Son pouce me touche. Un puissant frisson me parcourt l'échine.
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Arrêt de bus
RomancePensons aux rencontres. C'est fascinant les rencontres car finalement on espère toujours en faire et les voir durer. Les bars, le lieu de travail, les restaurants, internet... tout est bon pour les rencontres. Mais celles-ci se fanent et pourrissent...