Bravo à tous les lecteurs ayant trouvé l'énigme (je ne vais bien sûr pas la révéler alors les autres gardez cela pour vous!)! Vous êtes de parfaits Sherlock Holmes! Je ne pensais pas avoir autant de messages et je l'avoue, la ferveur avec laquelle vous avez cherché m'a mis la larme à l'oeil! Je me suis dis que finalement ce n'était pas juste de ne marquer qu'un seul nom donc de grands remerciements et applaudissements pour NataTomlinson, Platine, Drea83, Awaty23, Ephmeral-World, Diane_blr, Mel_Dream,Fantastica971, lalukool et bien sûr cineoroz qui était la première :)
Jeudi 2 Février
Aujourd'hui à l'arrêt, nous n'avons pas parlé. Il semble toujours aussi mal et ses lèvres en paraissent scellées. Il est monté dans le bus et c'est à peine s'il m'a regardé. Ça m'a blessé. C'est sans doute à cause d'hier.
Mais cependant je l'ai vu après.
Je suis au restaurant et sert quelques clients. Je tente de sourire mais je pense que cela ressemble plus à un rictus. Je n'y peux rien, ça me préoccupe. Ce n'est pas mon ami mais...je m'inquiète. J'ai toujours été de nature soucieuse. Et comme j'apprécie Alain...
Enfin bref.
En servant une jeune femme sur la terrasse, une silhouette noire attire mon attention du coin de l'oeil. Je tourne la tête et aperçoit Alain à quelques mètres, droit comme un "i". Il se tient sur le côté du trottoir, une cigarette à la main et regardant la route. Je fronce les sourcils et l'observe tout en posant des verres sur mon plateau. Il regarde à gauche, puis à droite et souffle sa fumée qui tourbillonne dans les airs avant de mourir. Il attend quelqu'un? Je me cache et m'approche. J'attend quelques minutes et finalement une femme s'approche. Je pense d'abord qu'elle demande son chemin car l'expression d'Alain ne change pas en la voyant. Mais au bout de quelques mots échangés, il la prend dans ses bras et la sert contre lui tandis qu'elle fait de même. Alain fronce les sourcils et ferme les yeux. Il a l'air concentré. J'observe la jeune femme. Elle est élégamment habillée d'un manteau beige fourré et semble avoir des origines arabes d'après son visage ambré, sa chevelure brune presque noire ondulée et son nez fin joliment bossu. De loin je crois qu'elle a les yeux bleus et c'est assez surprenant. Je me demande si c'est sa petite amie. Elle est d'une très grande beauté.
Je ressens un pincement au cœur. Je ne sais pas pourquoi. Je décide de l'ignorer.
Je continue d'observer.
Ils brisent leur étreinte et restent silencieux quelques secondes. La fille le regarde avec tristesse et pitié tandis qu'Alain garde son regard de glace. Ils recommencent à parler. Ils ne parlent pas fort et j'ai du mal à lire sur leurs lèvres. Je crois voir "arrêter" et "toujours". Alain ne parle pas beaucoup. Il ne fait que hocher la tête, fumer, et dire parfois un mot ou deux. Il a l'air agacé, impatient et honteux à la fois et pince les lèvres. Qu'est ce que je ne donnerais pas pour être une souris à côté d'eux, capable d'écouter correctement leur conversation...Je sais la curiosité est un vilain défaut. Mais elle est trop dure à contrôler.
Finalement la femme se tait et l'observe tandis qu'Alain garde les yeux rivés au sol. Elle sourit tristement et le prend une nouvelle fois dans ses bras mais cette fois il ne répond pas. Je lis sur ses lèvres pleines "au revoir Alain" et elle part après cinq minutes de conversation. Il la suit du regard et écrase sa cigarette sous sa semelle en silence. Je n'arrive pas à lire l'expression sur son visage. C'est un mélange de plusieurs à la fois. La désolation est prédominante.
Enfin il se retourne et jure dans sa barbe. Puis après avoir mis les mains dans les poches, il s'en va.
Perplexe, je reste assise et le regarde disparaître derrière le coin de rue. Je me demande de quoi ils parlaient. Ça n'a pas l'air de lui avoir plu. Mais surtout je me demande si c'est sa petite amie.Vendredi 3 Février
Vous savez, je parle beaucoup toute seule. À voix haute ou dans ma tête, peu importe. Je ne suis pas schizophrène mais j'aime faire le point sur certaines choses dont je ne parlerai pas avec des amis. Car certaines fois, il y a des choses que l'on veut tout simplement garder pour soi.
Et donc ce matin, je parle toute seule. Il y a bien quelqu'un pour m'écouter mais ce n'est autre que Blindy, jouant avec le lacet de ma chaussure. Je dois partir à l'arrêt dans environ dix minutes. J'ai un peu peur. Je ne sais pas comment je vais réagir avec Alain. Hier il n'était pas en très grande forme et étrangement, mon instinct me souffle que ce n'est pas à cause d'une maladie. Et puis il y a cette fille...Je secoue la tête. Mieux vaut ne pas y penser.
N'empêche... Il y a comme une aura de mystère autour de lui. Je ne dois pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, je sais. Mais cela m'obsède. Il m'obsède. Je le dis assez souvent mais c'est étrange de ressentir cela avec un étranger. Quand je pense que nous ne nous serions jamais parlé si je n'avais pas eu mon "accident"...
La vie est bizarre, n'est ce pas?
Également je suis toujours blessée par sa réaction il y a deux jours. C'est vrai que je n'aurais sans doute pas dû le faire, lui prendre la main. Mais venant de sa part...Je ne sais pas.
...
Non, je ne dois pas lui en vouloir. Il n'allait pas bien. On fait des tas de choses que l'on regrette lorsque l'on se sent mal. Oui c'est ça.
Je vais finir par être en retard. Je me lève et après avoir embrassé Blindy, je me sauve. Il fait frais dehors mais c'est sec. Il y a une douce odeur inattendue de lilas dans la rue. C'est l'arbre d'un des riverains dont les fleurs ont éclos plus tôt. J'en ai un bouquet dans mon salon. J'aime bien cette odeur. Mon papa offrait des lilas à peine en fleur à ma maman pour la saint Valentin. C'est un peu le parfum de l'amour dirons nous. Enfin pour ma famille.J'arrive à l'arrêt. Grande surprise, Alain s'y trouve déjà. Mon coeur rate un battement.
Il a l'air d'aller mieux. Il a daigné recoiffer ses cheveux. Ses vêtements sont redevenus soignés. Seules ses cernes mauves sous ses yeux glacés persistent. Là, il fume de manière posée, observant les pins aux alentours. Je sais qu'il m'a vu arriver mais il n'a cependant pas tourné la tête. Je m'assois en silence. Il ne réagit pas. Ça me déçoit dans un sens. Mais je ne dis rien. Nous redevenons les étrangers que nous étions il y a encore quelques mois. Quelle déception...Je ne veux cependant pas parler en premier. C'est lui ou rien. Mais je sens que si aucun de nous ne le fait, tout sera perdu. Je regarde mes mains en silence. Je sens la tension entre nous deux. J'ai une furieuse envie de m'enfuir. Finalement je l'entend se racler la gorge."Je suis désolé."
Perplexe, je tourne ma tête vers lui. Qui aurait cru que ce serait lui qui commencerait? On ne dirait même pas qu'il vient de prononcer ces mots. Il est exactement dans la même position que décrite précédemment. Il ne me regarde même pas. Il souffle sa fumée en soupirant.
"Vous ne m'avez pas vu dans mes meilleurs jours. Je ne voulais pas être impoli."
Sa voix est calme mais j'en note une pointe de culpabilité. J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé. Mais va-t-il me le dire?
"Dites-moi Alain..." commencé-je nerveusement.
Il se tourne vers moi et me regarde de haut en bas avant de dire avec méfiance:
"Oui...?"
J'hésite et tord mes doigts entre mes mains. Ça ne me regarde sans doute pas. Je ne devrais pas le demander. Mais je suis si curieuse...je ne peux pas m'en empêcher. Et cela depuis que je suis enfant.
"Vous n'étiez pas réellement malade la dernière fois...Je...je pense qu'il y a autre chose. Alors j'aimerais savoir...qu'est ce qui vous a mis dans cet état?"
Son regard se glace en un instant et je me rétracte. Je n'aurais pas dû demander. Il ne veut pas en parler. Et le fait que je le demande le rend distant. Je dois me justifier.
"Je veux dire...Vous êtes quelqu'un de calme, posé et réfléchi. Gentil. Gentil et attentionné. Même si vous ne voulez pas le montrer franchement pour une raison que j'ignore. Je vois bien que vous n'êtes pas du genre à vous mettre dans un état pareil par envie. Vous êtes quelqu'un de bien. Je pense que quelque chose vous est arrivé et je sais pertinemment que je n'ai aucun droit de vous forcé à me le raconter. De toute façon je ne vous le demanderais plus, je ne veux pas vous rendre mal à l'aise. Mais sachez juste... que je me suis inquiètée."
J'ai parlé sans m'arrêter et je reprend donc mon souffle après mon explication. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Un "je me suis inquiétée" aurait suffit. Mais ma langue a entraîné mon esprit dans sa dance. J'ai dit ce que je pensais. Je regarde Alain. Son expression a changé pour la perplexité. Il me regarde un peu comme si j'étais un fantôme. Ses yeux cernés sont écarquillés. Finalement il cligne des yeux et se met à fixer la cigarette aux bouts de ses doigts. Je ne sais pas à quoi il pense mais il semble presque se perdre dedans.
"Vous ne me connaissez pas vraiment." Fait-il d'un air sombre.
Je baisse les yeux, légèrement honteuse. Il inspire longuement puis soupire.
"Tout ce qu'il y a à savoir c'est que le passé ne me lâche pas." Marmonne-t-il sur une voix plus douce.
Puis il plante son regard noisette dans le mien et se tait. Il ne dira rien de plus. Je hoche la tête mais n'ajoute rien. Ce n'est donc pas un événement récent. Nous passons les dix dernières minutes sans que ni l'un ni l'autre ne dise quoi que ce soit. Je lui ai dis que je n'insisterai pas, je tiens ma parole.
J'attendrai qu'il me le dise de lui-même.
Le bus arrive.
Il se lève, jette sa cigarette et reste debout quelques instants. Je crois qu'il va me dire quelque chose. Il le fait souvent avant de partir.
Il se retourne et me fixe. Il hésite j'ai l'impression. Il veut faire une décision. Il s'avance, s'arrête, me regarde. Je me demande pourquoi ce manège. Cette fois il s'avance pour de bon et je sursaute.
Alain dépose un baiser furtif sur ma joue.
Je frissonne et me raidis. Il reste un instant, son visage à hauteur de ma joue. Mais après ce qui me semble une éternité, il se recule. Les yeux écarquillés je le regarde. Pourquoi a-t-il fait cela? Il se retourne et un faible sourire éclaire une fraction de seconde son visage."Merci Ruby."
Il monte dans le bus sans regarder en arrière. Je le regarde partir et me sens comme un glaçon chauffé au soleil.

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Arrêt de bus
RomantizmPensons aux rencontres. C'est fascinant les rencontres car finalement on espère toujours en faire et les voir durer. Les bars, le lieu de travail, les restaurants, internet... tout est bon pour les rencontres. Mais celles-ci se fanent et pourrissent...