Détraqué

Vérité

Chapitre 11

Je m'attendais à ce qu'il se fâche, mais non. Damien n'a rien dit depuis plus de trois minutes. Il semble figé en train d'observer son dossier. Je ne sais pas vraiment si son silence est préférable à sa colère.

-Damien je suis désolée d'avoir volé ton dossier. Mais s'il te plaît ne le dis à personne. Je suis la seule à blâmer. S'il te plaît.

Toujours rien.

-J'avais douze ans le jour où ils sont morts. Commença-t-il le visage dépourvu d'émotions

Ça fait plus de trois ans que j'attends le moment où Damien me dévoilerait enfin ce qu'un garçon comme lui faisait dans un hôpital psychiatrique. C'est maintenant ou jamais.

-Je n'ai jamais été très sociable. Les autres enfants de mon âge me trouvaient bizarre et personne ne pouvait les blâmer. J'ai été élevé par une collectionneuse d'homme alcoolique. On pourrait affirmer que j'ai subi de l'intimidation, mais je préfère dire que ces enfants m'ont "exorcisé". Avec leurs insultes et leurs coups, il m'ont vidé de toute l'innocence et l'amour que je possédais. Les mots blessent, surtout ceux dirigés vers notre famille. Ma mère n'était pas parfaite, mais elle m'aimait. J'avais douze ans lorsqu'elle s'est suicidée.

-Et ton père? Marmonnais-je bouleversée

Damien me regarda pour la première fois depuis le début de son récit comme s'il se souvenait soudainement de mon existence. Je frissonnai en voyant son visage dépourvu de larmes tandis que le mien se noyait sous mes pleurs.

-Je n'ai pas besoin de ta pitié. Les filles dans ton genre avec des vies parfaites ne peuvent pas comprendre ce que j'ai vécu.

Sa dernière phrase me fit l'effet d'une douche froide. Une vie parfaite? Vraiment?

-Pour ton info, j'ai perdu mes deux parents il y a cinq ans. Mais bon, tu devais sûrement le savoir puisque tu sais tout sur ma vie parfaite.

Le regard désolé qu'il me lança par le suite n'aurait pas pu être remplacé par des milliards d'excuses. C'était comme s'il m'autorisait enfin à lire en lui.

-J'aimerais te dire que mon père a filé comme un connard, mais je ne connais pas son identité. Ça m'étonnerait même que ma mère le sache. Bref, j'avais douze ans lorsque j'ai commencé à défiler de familles d'accueil en familles d'accueil. Tout allait bien jusqu'à ce que je tombe sur eux. Un couple et leurs trois enfants, deux garçons et une fille. La première fois que l'aîné de 19 ans m'a violé, je dormais dans la chambre avec l'autre garçon de 14 ans.

Je ne savais pas quoi dire. Pourquoi rien de tout cela n'est écrit dans le dossier? Pourquoi les parents ont-ils laissé une telle chose arriver?

-Lorsque je me suis confié à la mère, elle m'a foutu une gifle monumentale. En prenant du recul, je peux comprendre pourquoi elle n'a pas voulu me croire. C'est impensable de savoir que le bébé que vous avez mis au monde est un véritable monstre.

-Et la fille? Demandais-je inquiète que son frère ait pu lui faire du mal

-Ania était très jeune. Elle avait à peine six ans. Mais il ne l'a jamais touché jusqu'à cette fameuse nuit. Il était près de minuit. Je n'arrivais pas à dormir puisque les parents étaient absents et que l'aîné allait sûrement se pointer. Pourtant il ne fit rien. Pris d'un mauvais pressentiment, je me dirigeais vers la chambre des parents où dormait Ania. En me voyant, son frère la lâcha et me cria de sortir. J'ai essayé de réveiller l'autre garçon de 14 ans, mais il m'a dit et je cite: «retourne dormir et attends ton tour morveux». J'ai pété les plombs et j'ai vidé toutes les bouteilles d'alcool de la maison sur le sol en faisant du bruit pour attirer le salopard. Quand il est enfin entré dans la cuisine, j'ai fracassé une bouteille sur sa tête et j'ai allumé le briquet. Ania et moi sommes ensuite sortis de la maison qui brûlait à petit feu.

-Tu es parti la sauver?

-Elle était tellement petite et innocente contrairement à ses frères. Répondit-il simplement avant de poursuivre sa tragédie

-Et puis tu connais la suite. Les pompiers arrivent et trouvent un garçon avec une petite dans ses bras devant une maison en flamme. Le verdict tombe malgré les preuves physiques de mes viols. Isolement à vie dans un putain d'hôpital psychiatrique. Je ne prétend pas être complément sein d'esprit, mais je ne mérite pas d'être ici. Bref, tu comprends maintenant pourquoi j'ai tant voulu que tu m'aides à m'évader de cette prison.

Incapable de dire quoi que se soit, je le pris dans mes bras et lui caressai le dos.

-Je suis désolée de t'avoir pris pour un assassin. Chuchotais-je

-Je suis un assassin Lina. L'autre garçon de 14 ans ne m'avait rien fait.  Il est mort par ma faute.

-La maison brûlait! Tu devais sortir, mais tu as quand même pris le soin de sauver la fillette. Répliquais-je outrée

Il se détacha doucement de mon étreinte et me caressa le joue.

-Tu crois toujours en moi. Malgré toutes les merdes que j'ai fait dans ma vie, tu es toujours là. Et je ne t'ai jamais remercié pour ça. Tu es magnifique Lina.

Je rougis furieusement et lâchais un petit rire peu flatteur.

-Tu es aussi quelqu'un de génial. Répondis-je mal à l'aise

Il éclata de rire à son tour et m'ébouriffa les cheveux d'un geste fraternelle.

-Ne laisse pas mon passé te faire croire une chose pareille. Je suis complément fou. Une expérience comme la mienne ça laisse des traces psychologiquement. Je ne suis qu'un menteur compulsif doublé d'un salaud bagarreur. Rien à voir avec toi. Déclara-t-il en reprenant son sérieux

-Alors comme ça tu es complètement fou? Répétais-je pour faire retomber la tension

-C'est ce qu'on dit.

-C'était le moment où tu devais me dire " je suis fou de toi Lina". Tu as tout gâché! Plaisantais-je

-On m'a dit que mentir c'est mal alors j'essaye de ne plus le faire.

-Tu n'es pas fou de moi? Dis-je en faisant une petite moue blessée

-Non. Tu me rends fou Lina. Tu me rends encore plus détraqué que je ne le suis déjà. Et je t'assure que c'est bien plus douloureux.

Au moment où mon cerveau assimilait ses paroles, il prit mon visage entre ses mains et me donna la seule chose que je désirais depuis plus de trois ans.

Un baiser.