C’était une nuit de pleine lune, calme et silencieuse. La maison, située un peu à l’écart du village, était à présent plongée dans le même état. On ne pouvait imaginer qu’il y a quelques heures à peine, une fébrile agitation avait régné en ces lieux. Quoique d’allure modeste, la demeure était on ne peut mieux entretenue, on s’y sentait bien et une chaleureuse atmosphère flottait dans cet endroit. Toutes les lumières étaient à présent éteintes, sauf celle qui provenait d’une chambre à l’étage.
Allongée dans le lit en face de la cheminée, une jeune femme tenait avec une infinie douceur dans ses bras l’enfant qu’elle venait de mettre au monde dans la soirée. La sage-femme venait de s’absenter quelques instants pour aller chercher de l’eau, suivie de la mère de la jeune femme. Blanche profita avec joie des quelques instants où elle était seule avec son bébé pour lui parler tendrement. La jeune mère était pourtant à bout de forces, son corps tout entier avait ressenti une douleur telle qu’elle avait voulu en mourir, mais rien ne pouvait plus maintenant détacher son esprit et toutes les fibres de son corps engourdi, de ce petit être qui avait pendant plusieurs mois grandi en elle, de son souffle rapide, de sa bouche en cœur, de ses petits yeux encore fermés et gonflés par la naissance. Il lui semblait la connaître depuis toujours et cependant, nulle première rencontre n’égalerait jamais celle-ci, moment unique figé dans le temps et dans l’espace, où Blanche avait pour la première fois éprouvé un sentiment intense de vie.
La petite fille dormait profondément sous le regard attendri de sa mère. Elle avait l’air d’un ange et Blanche trouvait que c’était la plus belle chose qu’elle ait jamais vue au monde. Absorbée par la contemplation de sa fille, Blanche ne s’aperçut pas tout de suite qu’une autre personne était entrée dans la pièce. Lorsqu’elle sentit une présence, elle crut tout d’abord que la sage-femme et sa mère étaient de retour, mais ce n’était ni l’une, ni l’autre, qui se tenait dans l’encadrement de la porte et qui la regardait amoureusement, mais un homme qu’elle reconnut immédiatement. Il se rapprocha d’elle sans bruit, pour ne pas réveiller l’enfant qui dormait. Il s’assit au bord du lit à côté de Blanche et, du revers de la main, caressa délicatement la joue du bébé.
- Comment allons-nous l’appeler ? lui demanda doucement Blanche.
- Que dites-vous d’Aurore ?
- Et comme deuxième prénom ?
- Le vôtre, dit-il en déposant un baiser sur le front de la jeune femme.
- Aurore Blanche… J’aime.
A suivre…
