My Dear Dark Side

III - Marry - La Pitié

"Lorsque le jour se lève c'est un autre rêve qui commence, et à chaque jour succède un jour plus clair, à chaque éblouissement un nouvel éblouissement"... Si seulement Louis Gauthier avait raison... Car selon moi lorsque le jour se lève c'est une autre épreuve qui commence, et à chaque jour succède un jour plus sombre, à chaque blessure succède une plaie plus profonde. Chaque jour a son épreuve, et chaque nuit a son cauchemar. Ce sont tous des prédateurs et moi je suis leur proie. Je suis fragile. Chaque jour représente un duel entre ces prédateurs et moi, et ils ont eu le choix des armes alors qu'il ne me reste que mes mains pour me défendre... En vain.

A quoi bon suivre mes cours ? Mon examen ne sera qu'on échec de plus. Alors je reste là, assise en tailleur dans cet immense couloir à regarder ces murs bleu ciel, à observer les moindres craquelures, imperfections, que la peinture a pu y faire au fil du temps. Selon la société, tout doit être absolument lisse, parfait. Mais selon moi, ce sont toutes ces imperfections qui nous offrent un aspect poétique du monde. Ce sont elles qui permettent d'illuminer nos jours. De plus, qu'est-ce que l'imperfection ? Quelqu'un a-t'il décrété dans le passé à quoi devait ressembler la perfection ? Non, du moins je ne pense pas, nous savons juste que ça représente quelqu'un ou quelque chose de magnifique, d'hors du commun. On dit aussi que chacun est parfait à sa manière. Or pour que cette soit disant perfection existe il faudrait que tout le monde se ressemble. Mais que serions-nous si nous étions tous pareil ? Des machines sans aucuns sentiments, ou bien ayant une estime de soi étirée aux extrêmes ? Car si nous voudrions aimer quelqu'un, ou tout simplement trouver une personne plaisante, cela reviendrait à dire que nous nous aimons, que nous sommes fous de qui nous sommes. Sois l'amour disparaitrait, sois la prétention aurait une place considérable dans nos vies. La perfection n'est donc pas un but à atteindre. On pourrait même affirmer que l'imperfection est plus parfaite que la perfection elle-même.

Peut-être suis-je une littéraire ratée qui s'est rabattu vers la filière économique en pensant qu'elle pourrait malgré tout réussir. Je ne le serais pas tant que je ne me serais pas levée pour aller en cours. Aller, un peu de courage ! J'étire la jambe droite, puis vient le tour de la gauche. Quand je les replie pour pouvoir donner l'impulsion qui m'aidera à me lever, une lourde main s'abat sur mon épaule.

- Non, s'il te plaît ne te lève pas ! Voir ce visage en cours m'est insupportable – a crié Darwin comme si le fait de me voir était un supplice, quelque chose qui visiblement lui brulait les yeux puisse qu'il se les couvrait. Puis il s'est penché vers moi – Tu ferais mieux de ne pas venir en cours si tu veux éviter des problèmes.

Etrangement, pour une fois, je suis plutôt d'accord avec lui. Je veux que l'on me laisse tranquille, donc il valait mieux que je reste là à attendre que les heures défilent. Des heures qui n'ont aucune importance... Une vie qui n'a aucune importance : une vie sans amour. J'entends au loin Lyndsay proposer du désinfectant pour les mains à Darwin, simplement parce qu'il m'a touché et que la bande ne veut pas que les microbes de l'impopularité se propagent. Peut-être qu'elle devrait en avaler un peu de son désinfectant. Avec un peu de chance ça atteindrait son cerveau et ça le désinfecterait de la connerie qui s'est propagée en elle.

- Mademoiselle Grant – dis soudainement notre cher proviseur qui avait décidé, pour une fois, de quitter son siège de bureau – vous avez l'intention de rester planté là pendant toute la journée ?

A vrai dire, cette idée m'avait traversé l'esprit, surtout après ce que Darwin venait de me dire. Mais je n'avais pas le droit de répondre de cette manière.

- Bien sûr que non Monsieur, répondis-je tout en rassemblant mes affaires.

Puis je le regardai partir. Il devait bien faire un mètre soixante-dix pour cent-vingt kilos. Il arrivait malgré tout à ce faire respecter.