IV - Ethan - Compréhension

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Ca y est, j'ai enfin compris. J'ai enfin compris ce qui crée cette étrange connexion entre elle et moi. J'ai compris pourquoi tant de stress m'avait envahi quand notre bande l'a ennuyé pour la première fois, puis les fois suivante, pour enfin occuper la totalité de mon esprit presque tous les jours, à toute heure. Que dois-je faire maintenant ? J'avance dans sa direction mais je ne voulais la croiser. En fait je ne voulais croiser personne, comme à chaque fois que j'empreinte ce couloir. De plus, il est censé être inoccupé étant donné que Lyndsay avait organisé une soirée sur le terrain de football. Mais je n'avais pas pensé au fait que Marry ne pouvais pas aller. Je veux seulement aller à la salle de gym, comme je le fais souvent le soir. Je n'aime n'y aller qu'à ce moment de la journée, quand il n'y a plus personne, quand je peux faire de la boxe et évacuer toute l'énergie qui s'est accumulée en moi dans la journée sans pour autant être observé par les multiples personnes qui se trouvent dans cette salle. Car le voilà le problème de la « popularité », quoi que l'on fasse, tous nos mouvements sont minutieusement étudiés.

Je ne peux pas passer à côté d'elle sans m'arrêter, pas après ce que je viens de voir. Je connais tellement bien ces crises de folie incontrôlable. Ces crises qui vous donnent des envies meurtrières. Je peux encore les remarquer dans les yeux de Marry. Cette dernière ne m'a pas lâché du regard depuis qu'elle a vu que j'avais assisté à la scène. Je n'ai plus le choix. Je dois aller la voir. Je continue à avancer vers elle tout en soutenant son regard. Mais plus j'avance, plus ses yeux se remplissent de larmes, et plus je culpabilise d'avoir été présent quand il ne le fallait pas. Quand je ne suis plus qu'à cinq mètres d'elle, Marry baisse la tête. Elle espérait peut-être que je lâcherai prise, mais c'est trop tard, j'ai pris ma décision, et j'ai décidé de rester près d'elle.

- Je peux m'assoir là ? – dis-je. Mais Marry ne me répond pas et regarde dans le vide. De toute manière, une réponse négative venant de sa part ne me m'empêchera pas de m'installer à côté d'elle.

Il y a un long silence. Pour l'accompagner, je me mets moi-même à regarder dans le vide en essayer d'imaginer ce qui aurait pu me traverser l'esprit si quelqu'un m'avait surpris dans un de ces moment. Je me serais senti stupide, honteux. J'aurais surement voulu m'enfuir en courant.

- Va-t'en, chuchote-t-elle soudainement.

- Pourquoi je m'en irai ?

Elle me regarde d'un air étonné mélangé à une touche d'ennuie. C'était compréhensible.

- Pourquoi ? – elle a un petit rire nerveux – Je sais pas, peut-être parce qu'il y a une soirée qui se déroule sur le terrain en ce moment, ou encore parce que viens de frapper un mûr comme une malade mentale, ou tout simplement parce que tu fais partie des « populaire » !

- Oui j'en fais partie, et alors ? Ça ne change rien au fait que j'ai peut-être envie de t'aider – ai-je ajouté d'une manière plus violente que je le désirais. C'est probablement ce qui débute un nouveau moment de silence.

- J'ai pas besoin d'aide... Surtout pas venant de quelqu'un comme toi...

- Si tu en as besoin. Tu en as tellement besoin que tu en viens à te mentir à toi-même – elle ne réagit pas, donc elle doit surement croire que je pense qu'elle est folle. Je dois rectifier le tir – Je sais à quoi tu penses.

- C'est bizarre, j'ai pourtant pas le souvenir qu'on ait fais connaissance – on peut remarquer de l'ironie dans sa voix.

Je me mets donc à tendre mon bras droit vers elle avant d'ajouter :

- Ethan Yale, ravis de faire ta connaissance.

Elle lève la tête et a un air surprit, puis soudain, un léger sourire apparaît, et elle répond :

- Marry Grant, mais ça tu dois déjà le savoir puisque que j'ai l'air d'être le nouveau joujou de tes potes.

- Je suis désolé...

- Oh par pitié arrêtes ! T'es pas différent d'eux parce que si tu l'étais tu ne pourrais pas être ami avec eux, tu ne serais pas accepté. Y'a aucune différence entre eux et toi, c'est juste que toi tu essayes d'en créer une dans ta petite tête pour pouvoir te donner bonne conscience – elle est toujours énervé et de toute évidence, elle ne me croit pas.

- Qu'est-ce que je suis censé faire pour gagner ta confiance ?

Ma question est stupide. Quoi qu'il arrive, Marry ne me l'offrira pas aussi facilement, majoritairement parce qu'elle aurait peur que je l'a trahisse par la suite.

- Tu ne peux rien faire – elle prend sa tête avec ses deux mains, puis passe ses doigts dans ses cheveux comme si elle réfléchissait à la manière dont elle était censé réagir – S'il te plaît, laisses moi.

- Comme tu veux, mais juste cas où tu changes d'avis, fais le moi savoir.

Je n'attends pas vraiment de réponse, donc je décide de me relever et de recommencer à marcher en direction de la salle de gym.

- Comment ? – ajoute-t-elle alors que je me trouve déjà assez loin.

- Y'a un match demain. Si tu te montres, au début, à la fin, peut-importe, je saurai que tu as changé d'avis. Ça te va ?

Elle ne répond pas oralement, mais se contente de hocher la tête. Je suis déjà fier de moi car si elle m'a posé cette question, cela signifie qu'elle a dans l'idée de me recontacter d'une manière ou d'une autre. Je continue donc ma marche et décide de lui dire au revoir en lui faisant un salut militaire. Je ne peux plus la voir, mais j'entends un léger ricanement étouffé qui me remet, en quelque sorte, de bonne humeur.

***

Droite, gauche, droite, gauche, droite, droite, gauche, droite. Ça doit bientôt faire une heure que je répète cet enchainement. Je frappe ce punching-ball tous les soirs ou presque, toujours en me remémorant la journée qui venait de se dérouler. Cette fois, je pense à Marry, certes, mais je pense aussi au passé. J'y pense en me disant que moi aussi j'aurais aimé que quelqu'un, dans mon ancien internat, me vienne en aide. Au lieu de ça, j'ai moi aussi été rejeté, abandonné, mis de côté pour une raison X ou Y que je n'ai jamais réellement su. C'est probablement mieux comme ça. Du moins c'est ce que j'essaye de me faire croire. Cependant, plus le temps passe, plus cette réaction venant de ma part me semble absurde, voire même stupide. Bien sûr que c'est important de savoir pourquoi certaines personnes vous ont choisis vous, plutôt que quelqu'un d'autre, pour être leur souffre-douleur. La douleur, mes membres commencent à me la faire ressentir. Mon souffle est de plus en plus court et de plus en plus prononcé. Je peux sentir la sueur perler sur mon front. C'est étrange, je ne sue jamais. Mais ce que je remarque, ce sont surtout ces tremblements... Toujours présent... Trop présent.

- Tu ferais peut-être mieux de t'arrêter, je te vois trembler d'ici.

La voix de Stephen fend l'air. Je ne l'avais même pas entendu arriver dans la salle de gym, et je m'arrête net. Il vient de temps à autres le soir à la même heure que moi, mais en général, ce n'est pas vraiment pour s'entrainer. C'est surtout pour me parler.

- Tu te sens d'humeur sportive ce soir ? – dis-je tout en me dirigeant vers un banc. Je m'assis, m'essuie le visage avec ma serviette, et quand je lève les yeux en me demandant pourquoi il ne me répondait pas, je me rends compte qu'il se trouve en face de moi, à cinq mètre, faisant une mou grave – Qu'est-ce qui y'a ? Y'a un problème ?

- Ethan... Regardes toi. T'as encore fais une surdose. Quand est-ce que tu vas comprendre que tu prends trop de tes médicaments ?

- Je prends ce dont j'ai besoin.

- Non ! Tu prends plus que ce que l'on te prescrit, et tu sais très bien que ça pourrait devenir dangereux – il s'avance vers moi, s'agenouille et fixe mon regard – Qu'est-ce que tu deviendras si ton docteur décide d'arrêter de te prescrire tes médicaments ? Ou pire, s'il pense que tu es redevenu trop faible pour rester dans un établissement scolaire et que tu as besoin de retourner dans ce foutu hôpital !

- Je ne suis pas faible et je n'ai pas fait de surdosage ! – ma voix raisonne dans la salle. Sans même m'en rendre compte, sans même l'avoir souhaité, je viens d'hurler sur Stephen – Désolé.

- J'attends ton contrôle de lithiémie avec impatience. Bonne nuit Ethan.

Il se lève et part,comme si de rien était.

My Dear Dark SideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant