I - Marry

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            C'était toujours le même cauchemar. Ce cauchemar qui reflétait malheureusement mon passé. Ce cauchemar qui avait le don de réveiller mes plus noirs démons alors que je faisais tout ce qui est en mon pouvoir pour les laisser endormis. A chaque fois, ce cauchemar me ramenait à ce jour noir, à ce 17 Mai 2010. A chaque fois, il me remettait dans cet accoutrement noir que je ne veux plus jamais porter. Ce top noir, cette chemise noire, ce slim noir, ou encore ces ballerines noires. Tous ces vêtements que je portais lorsque je marchais, au côté de personnes qui ne connaissaient rien à notre relation, à notre vie. Ces personnes étant essentiellement des proches que mon père nous avait présentés. Bien sûr, j'en appréciais quelques-uns en temps normal, mais pas ce jour, pas derrière ce corbillard qui était censé emmener ma mère dans sa dernière demeure. Non, je n'accepterais plus jamais cette expression. La dernière demeure d'un individu est celle dans laquelle il aura vécu jusqu'au dernier moment. Or, à cet instant, il ne s'agissait plus de vivre, mais d'attendre patiemment qu'un autre membre de famille meurt pour qu'il puisse se retrouver au-dessus de vous, ou plutôt de cette boite en bois. C'est ce cauchemar que je veux fuir, ainsi que les dernières vrais paroles que j'ai échangé avec mon père et avec cette gamine sans cervelle, ayant tout au plus 10 à 15 ans de plus que moi, et qui me sert de belle-mère.

- Je sais que tu n'apprécies pas ma présence Marry, et je sais que je t'ai fait souffrir par le passé, mais je veux quand même te dire que je suis désolé. Je sais à quel point vous étiez proche, et à quel point ça a du te choquer. C'est arrivé si vite.

Mon père n'a jamais rien su de moi et pourtant il a réussis à me dire trois « je sais » en moins de 20 secondes. Comment a-t-il pu oser ? Et s'il sait qu'il m'a fait souffrir, pourquoi n'a-t-il rien fait pour me prouver, comme n'importe quel père, qu'à défaut de ne plus aimer ma mère il m'aimait toujours moi ? Je ne peux plus ressentir un quelconque sentiment de gentillesse envers lui, et de toute manière je n'avais pas envie d'être gentille.

- C'est ça le problème avec les accidents de voitures : ça ne préviens pas et ça arrive vite.

- Je ne plaisante pas !

- Moi non plus.

- En tout cas je tiens à préciser un point – ajouta Riley, la nouvelle femme de mon père – tu ne vas pas vivre avec nous !

J'ai très rapidement remarqué le tact de cette jeune femme intellectuellement limitée, mais je ne pensais pas qu'elle serait capable de dire quelque chose comme ça juste après un enterrement, sachant bien entendu, qu'en tant qu'humaine, je suis déjà à un niveau élevé d'émotivité.

- C'est une blague ? – le hochement de tête que mon père fait me permet de comprendre que je ne suis pas la bienvenue – Et vous comptez faire quoi de moi dans ce cas ?

- L'école que tu fréquente fait bien internat non ?

Plus le temps passe, plus je trouve cette femme insupportable. Oui mon lycée fait bien internat. Et alors ! Suis-je à ce point une plaie pour mon père ? Est-il si compliqué pour lui de s'occuper, rien qu'une fois dans sa petite vie minable, de sa fille ?

- Je ne voulais pas te l'annoncer comme ça, mais nous...

- Je ne veux plus t'entendre dire un seul mot. Compris ? Comment as-tu pu devenir aussi égoïste ? Comment as-tu pu quitter une femme aussi forte et aussi formidable que maman, pour une petite garce qui ne pense probablement qu'à ton fric ? Tu ne veux pas de moi dans ta splendide nouvelle vie ? Bien, ce n'est pas grave. De toute façon je n'avais même pas appartenu à l'ancienne !

J'aperçois un mouvement de lèvres signifiant qu'il a l'intention d'ajouter quelque chose pour se défendre, mais je n'ai pas envie d'entendre le son de sa voix. J'ai donc décidé de me diriger vers ce Toyota gris métallisé qui lui appartient, d'y entrer et d'attendre patiemment qu'il me ramène chez moi.

My Dear Dark SideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant